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Actualités - OPINION

Ne pas avoir à attendre trente autres années

Depuis plus d’un quart de siècle, le Liban vit sous le joug de plus en plus pesant du Hezbollah. Je ne peux pas ne pas me rappeler un collègue sudiste à l’université, dans les années 80. Le père était dans l’armée, lui, l’aîné, était communiste, le deuxième frère a été à Detroit, le troisième était amaliste et le quatrième hezbollahi. L’aîné était pourchassé par le Hezb car c’était un résistant « rouge ». Il a dû quitter pour Detroit car il était continuellement menacé. Le benjamin a été abattu par les membres d’une des deux milices présentes à Beyrouth-Ouest (« Le communiste me racontait aussi comment l’amaliste et le hezbollahi se disputaient continuellement »). Pour moi, cette famille résume le parcours existentiel des chiites du Liban écartelés entre l’armée et les trois partis. J’ai toujours pensé qu’il y avait un grand potentiel dans la communauté chiite, car c’est une société jeune et évolutive. Malheureusement, tous ceux qui, de nos jours, sont pour un État théocratique assujetti au wilayat el-fakih auraient prôné les valeurs de la laïcité et même de l’athéisme au temps du communisme, il y a une vingtaine d’années. Toujours dans les années 80, tous les Libanais, chrétiens et musulmans, ont pendant des années payé le prix des actes du Hezbollah et d’Amal. Je ne peux pas oublier comment nous, Libanais, étions considérés des terroristes partout dans le monde, comment notre avion devait atterrir bien loin des autres, comment nous étions regardés et fouillés, tout cela parce qu’un hijacker avait assassiné devant toutes les chaînes de télévision un passager américain de la TWA. Plus tard, ce furent l’enlèvement et l’assassinat de diplomates, de journalistes étrangers, l’attentat contre les marines US et le poste Drakkar français, près de l’aéroport de Beyrouth. Ce label de terroriste dura pendant des années jusqu’à l’arrivée de Raf=ic Hariri (je passerai outre Taëf et la guerre de libération). Hariri replaça le Liban sur la carte ; il effaça l’identité terroriste du Libanais et ouvrit le pays au monde. Le Liban bénéficia d’une pause d’une quinzaine d’années avec ce colosse. Ce fut ensuite le 14 février 2005 et le retour des deux milices. C’est un fait : le Liban est gouverné depuis trois ans par le Hezbollah. C’est là une évidence, car c’est ce parti qui domine la scène locale en bloquant tout. Je ne peux que souscrire au journaliste Ali Hamadé, qui se référait à un article du Herald Tribune : « Comment la démocratie peut accoucher d’un monstre ». Nous, les gens libres, les démocrates, sommes victimes de notre civisme, de notre démocratie et il faut parfois savoir dire un non ferme aux leaders populistes et charismatiques car ils sont dangereux, vu qu’ils usent de l’autorité qu’ils exercent sur les esprits pour réunir le plus grand nombre de partisans. Il faut leur arracher des mains le pays, qui ira sinon à la dérive, et les sauver avec nous. Moi que Hariri laissait indifférente (mais qui suis descendue dans la rue et n’ai jamais hésité à chaque occasion à réclamer bien haut la vérité), je réalise le poids des valeurs sûres qu’il incarnait, ce qu’il a dû endurer et combien il a eu à slalomer et tergiverser pour gouverner, pour réaliser ses objectifs... Maintenant je réalise l’âpreté de l’intox médiatique contre lui. Trois ans après son assassinat, et surtout cette dernière année, je comprends que je suis devenue une pro-Hariri sans le chercher , si « pro » peut s’appliquer aux visions qu’il avait d’un Liban qu’il me semble avoir perdu depuis sa mort. Il a fallu trente ans pour que le sunnite réalise que les chrétiens en gros avaient raison (je passe outre les nuances et les raisons de chacun). Faudra-t-il attendre trente ans encore pour que le parti de Dieu « mûrisse » (maintenant qu’il a expérimenté l’exercice du pouvoir) et réalise que l’autre camp avait raison ? Que Dieu protège le Liban des monstres et encore plus quand ils sont frustrés, autocrates ou sanguinaires. NB - On me dit sunnite par mon père, chrétienne du côté de ma mère, chiite par mes enfants. Ce que j’ai écrit n’est nullement subjectif (il peut être mal interprété). C’est juste un point de vue, un « 1+1 » tout court. Diana ABU NASR HAÏDAR
Depuis plus d’un quart de siècle, le Liban vit sous le joug de plus en plus pesant du Hezbollah.
Je ne peux pas ne pas me rappeler un collègue sudiste à l’université, dans les années 80. Le père était dans l’armée, lui, l’aîné, était communiste, le deuxième frère a été à Detroit, le troisième était amaliste et le quatrième hezbollahi.
L’aîné était...