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Actualités - CHRONOLOGIE

Lancée en grande pompe, l’ENA libanaise se retrouve sans président à l’instar de la République

Elle souffre des mêmes trappes que toutes les autres institutions de l’État, en l’occurrence les boulets des intérêts politiques des uns et des autres et du système lui-même. C’est le constat sans équivoque que fait son président, Élie Assaf, à l’origine même de l’ENA libanaise créée en 2000 en partenariat avec l’ENA française. À l’heure où son mandat s’achève, Assaf dresse le bilan d’activité de l’école, supposée participer de la modernisation de l’administration publique et des institutions. Mission non accomplie. « Je n’ai pas complètement atteint l’objectif que je m’étais assigné qui était de participer au chantier des réformes », relève le président ; pour des raisons diverses. En 2000, un protocole d’accord avait été signé entre la France et le Liban en foi duquel cette première apportait son soutien à la réforme de la fonction publique. C’est dans cette perspective que l’ENA libanaise avait été créée… et rattachée d’emblée à la fonction publique au lieu de l’être à la présidence du Conseil comme c’est le cas en France, étouffant par là même l’initiative dans l’œuf d’après son promoteur. Ne jouissant pas de véritable autonomie, celle-ci ne se démarque pas particulièrement de l’ancien Institut national de développement et d’administration. L’idée de départ était pourtant d’introduire un esprit nouveau dans l’administration. Connaissant les lourdeurs de la bureaucratie administrative, il était impératif que cette nouvelle institution dispose d’une certaine marge de manœuvre pour pouvoir contribuer efficacement au chantier des réformes. Il n’en fut rien. L’équipe – composée de 13 fonctionnaires et d’un directeur général – s’est néanmoins activée « contre vents et marées », selon le propos de Assaf, sachant que l’ENA inaugurée en 2002 – lors du sommet de la francophonie, en présence du président Chirac – n’est devenue opérationnelle qu’à partir de 2005. Elle disposait de zéro budget avant cela. Des formations permanentes pour le ministère des Finances et la Direction générale de la douane sont proposées à partir de mai 2005 ainsi que des colloques dont un sur les grandes réformes menées en Occident après-guerre. Les réformes ayant été alors au cœur des priorités du gouvernement, l’ENA s’est attelée à y contribuer. Dans ce sens, un séminaire a été organisé en préparation de Paris III. Les ministres concernés (Siniora, Oghassabian, Haddad et Azour) ; des hauts fonctionnaires, des responsables politiques et des députés y ont participé. En 2007, une session de formation permettant aux 400 fonctionnaires de la 3e catégorie de devenir directeurs a aussi eu lieu ; ceux-ci, des personnages potentiellement clés de l’administration, attendaient depuis dix ans, la possibilité d’évoluer ! En attente aussi maintenant depuis un an, la signature du décret qui devrait permettre à vingt diplomates nouvellement recrutés de suivre une formation initiale et de bénéficier d’un mois à l’ENA en France. Ils sont en stand by eux aussi. Si les initiatives prises ont été diverses, des bémols sont venus entraver l’ambition que son président avait pour la nouvelle école d’administration. Ainsi, le concours d’entrée est-il organisé par la fonction publique au lieu de l’être par l’ENA elle-même. Or l’État libanais recrute « à la carte », lorsqu’un poste se libère ; pas de concours réguliers, soit une sélection quelque peu hasardeuse. Certains postes prévus, tel que celui de directeur des études, n’ont jamais été pourvus. Il est important d’y remédier et de doter l’établissement des ressources humaines nécessaires à son bon fonctionnement, y compris des ressources à plein temps pour le conseil d’administration ; seul le président l’est jusque-là. Assaf recommande surtout de mettre en place non seulement des formations ponctuelles, mais une formation initiale traditionnelle de longue durée, en ligne avec la vocation même de l’école. La maison mère française est avant tout une école au plein sens du terme dont sont diplômés les plus grands commis de l’État et non un institut pourvoyeur de formations à la carte. Beaucoup de choses sont possibles, beaucoup reste à faire ; la condition sine qua non demeure de libérer l’établissement de la tutelle de la fonction publique. Pour cela, son président a fait son lobbying. La commission parlementaire de la Justice et de l’Administration a bien approuvé le rattachement à la présidence du Conseil ; mais pas celle du Budget et des Finances… L’école n’a même plus de conseil d’administration ; arrivé à terme en septembre 2005, celui-ci n’a pas été renouvelé depuis ni reconduit. Assaf y voit un signe de désintérêt et remarque d’ailleurs n’« avoir jamais réellement senti un fort engagement de la part de l’État, mais principalement un coup médiatique saisi par les personnalités politiques, lors du sommet de la francophonie ». C’est pourtant sur une institution suprapolitique comme celle-ci que peut compter l’État pour former et réformer. Son président sortant invite les dirigeants à profiter de ce levier pour conduire les réformes, notamment celles des organes de contrôle tels que la Cour des comptes ou l’Inspection centrale, et à refuser que cet établissement fonctionne à l’image des autres administrations gangrenées de l’État. Si l’ENA libanaise n’a pas encore réussi à prendre sa place, sans doute est-ce aussi parce que son concept même n’a pas été bien défini au départ. Nicole HAMOUCHE
Elle souffre des mêmes trappes que toutes les autres institutions de l’État, en l’occurrence les boulets des intérêts politiques des uns et des autres et du système lui-même. C’est le constat sans équivoque que fait son président, Élie Assaf, à l’origine même de l’ENA libanaise créée en 2000 en partenariat avec l’ENA française. À l’heure où son mandat...