CÉSAR Avec « La graine et le mulet », l’exception culturelle française récompensée

La victoire surprise du film La graine et le mulet, César du meilleur film français et du meilleur réalisateur pour Abdellatif Kechiche, symbolise l’exception culturelle française défendue avec conviction vendredi soir par la comédienne Jeanne Moreau. Le film de Kechiche, chaleureux portrait d’une famille franco-tunisienne qui ouvre un restaurant de couscous de poisson, a reçu quatre César au total, dont les deux plus importants. Comme l’an dernier avec Lady Chatterley, de Pascale Ferran, les 3 500 professionnels du cinéma appelés à voter ont salué l’œuvre d’un auteur exigeant, dont le film a attiré 700 000 spectateurs, tout en n’oubliant pas les succès du box-office. « Je n’aimerais pas qu’on touche à l’exception culturelle française », a déclaré Jeanne Moreau, à qui était remis un César d’honneur pour ses 60 ans de carrière, après avoir exprimé son inquiétude à l’égard « de mesures gouvernementales qui risquent d’affaiblir » le cinéma français. Elle faisait référence notamment à la baisse des subventions publiques redoutée par les cinémas indépendants. Plus de 200 salles d’art et d’essai ont d’ailleurs protesté vendredi soir contre cette menace « soit en fermant des écrans, soit en décalant les horaires pour animer des débats avec le public, soit en distribuant des tracts », a indiqué samedi à l’AFP Antoine Leclerc, délégué général de l’association Carrefour des festivals. Les deux superfavoris (onze nominations chacun) ont connu des fortunes diverses. La Môme, biographie mélodramatique filmée d’Édith Piaf vue par 5 millions de spectateurs, a été récompensé par quatre César techniques (photo, costumes, décor et son) avant que Marion Cotillard obtienne le très attendu César de la meilleure actrice. La tragédie familiale de Claude Miller Un secret (1,7 million d’entrées) est repartie avec un seul César, celui de la meilleure actrice dans un second rôle pour Julie Depardieu. Outre La graine et le mulet, d’autres films représentant un cinéma d’auteur ont été récompensés du César du meilleur acteur pour Mathieu Amalric, l’homme paralysé du film Le scaphandre et le papillon, à celui du meilleur premier film pour Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, en passant par le drame allemand La vie des autres, César du meilleur film étranger, déjà « oscarisé » en 2007. La directrice générale du Centre national de la cinématrographie (CNC), Véronique Cayla, a salué dans un communiqué la diversité d’un palmarès qui célèbre « la spécificité de la création cinématographique française, sa grande pluralité qui en fait tout l’éclat et qui s’est imposée comme une référence sur notre territoire, mais aussi en rayonnant bien au-delà de nos frontières ». « Sans les mesures d’accompagnement pour monter le premier long métrage d’Abdellatif Kechiche La faute à Voltaire et des gens pour le diffuser au début, le réalisateur ne serait pas là où il est aujourd’hui », a souligné Antoine Leclerc.