Pour les vendredi 15, samedi 16 et dimanche 17 février 2008, « La Fiancée du tsar » de Rimski-Korsakov par le Helikon Opera Les troublantes coulisses de l’histoire russe…

Un opéra habité de passion et de fureur, de prouesses vocales et de costumes magnifiques, avec plus d’une centaine d’artistes sous les feux de la rampe, sur la scène de l’auditorium Émile Boustany de l’hôtel al-Bustan. Un opéra qui porte la signature de Rimski-Korsakov, compositeur inspiré du poème symphonique Schéhérazade et l’un des membres les plus influents du groupe des cinq musiciens qui ont révolutionné la musique au pays des steppes, à savoir Balakirev, César Cui, Aleksandr Borodine et Modest Moussorgski. Grâce au Helikon Opera, qui a déjà offert à Beit-Méry, aux mordus de bel canto, des œuvres lyriques d’une belle qualité scénique et vocale, on retrouve, pour le Festival al-Bustan version 2008, une œuvre un peu méconnue mais jetant la lumière sur les troublantes coulisses de l’histoire de la Russie à l’époque des tsars… Surtout celle d’Ivan le Terrible, règne de pouvoir tyrannique, de sang et de turbulences sociopolitiques… Il s’agit de La Fiancée du tsar de Rimski-Korsakov (avec projection sur écran du sous-titrage en anglais), qui allie description de la Russie tsariste dans une lutte sans merci entre « boyards » et « oprichnicks ». Comprendre, entre notabilité et loyalistes tsaristes. Une lutte de classe, pour le pouvoir, l’amour, le plaisir et le bonheur. Une lutte pour une orientation et une identité nationales. Une lutte sourde et âpre où, entre poison et jalousie, entre potion magique et armes secrètes, entre manipulation et mémoire perdue, entre conspiration et trahison, se jouent le sort d’une vie et le destin d’un pays. Ample et ondoyante fresque sociale haute en couleur, avec des personnages qui ne reculent devant aucune intrigue, aucun complot, aucune machination pour arriver à des fins, hélas, pas toujours celles escomptées… Ironie du destin et revers des situations pour un livret (inspiré par le poète et dramaturge Lev Mey) jetant avec éclat une lumière crue et violente sur une histoire mouvementée et dramatique, celle du règne d’Ivan le Terrible, pour une action se déroulant aux alentours de 1572. Une production alliant le faste des costumes à la beauté des voix et de la musique profondément russes. Une œuvre originale dans le répertoire lyrique, à la fois russe et international, et que rehaussent, à part certaines splendides arias réservées aux brûlantes intermittences de cœur, de superbes chants de chœurs d’ « oprichniks », dans la pure somptueuse tradition polyphonique russe… Pour sa onzième production au Festival al-Bustan (dans les années antérieures, on avait successivement applaudi, entre autres, La dame de Pique et Eugène Onéguine de Tchaïkovski, Boris Goudonov de Moussorgski, Pierre le Grand de Grétry, belle panoplie parfaitement à la russe), le Helikon Opera (qu’on ne présente plus, tant sa présence et son assiduité auprès du public libanais sont aujourd’hui évidentes) présente, dans un esprit de grandiose et émouvant mélodrame, un bijou rare de l’art lyrique russe. Dirigée, comme d’habitude, par un Dimitri Bertman plein de ressource et d’inventivité scénique, La Fiancée du tsar de Rimski-Korsakov se range déjà dans la modeste liste de création du sémillant et brillant metteur en scène qui a à son actif plus de soixante-quinze productions ! Qui dit mieux pour une carrière en plein essor depuis la Iolanta de Tchaïkovski en 1985 ? Sans nul doute, avec La Fiancée du tsar de Rimski-Korsakov (père seulement de cinq opéras, Mlada, Tsar, Saltan, Kostchei et Le Coq d’or), une belle découverte de la particularité, de la force et du pouvoir d’envoûtement de l’art lyrique russe. E. D.