« MPOWER », une stratégie en six points pour lutter contre le fléau En l’absence d’une action urgente, le tabac tuera un milliard de personnes ce siècle, prévient l’OMS Rubrique réalisée par Nada merhi

C’est une sonnette d’alarme que tire l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans son dernier rapport sur la lutte antitabac dans le monde, mettant en garde contre les dangers du tabagisme qui pourrait faire un milliard de morts au cours de ce siècle si une action rapide n’est pas entamée. Rendu public il y a moins d’une semaine à New York, le « Rapport sur l’épidémie mondiale du tabagisme » présente la première étude exhaustive de cette habitude et de la lutte antitabac dans le monde. Il montre qu’à « l’échelle mondiale, les recettes fiscales perçues sur le tabac sont 500 fois supérieures aux sommes dépensées par les pouvoirs publics pour lutter contre le tabagisme ». À travers ce document, l’OMS appelle ainsi les gouvernements et les sociétés civiles à « agir rapidement » pour réduire l’usage du tabac. « Le tabac a tué 100 millions de personnes à travers le monde au XXe siècle et en tuera un milliard au XXIe si les tendances actuelles se poursuivent », avertit l’organisation onusienne, soulignant que si aucune initiative n’est entreprise, « le nombre de décès liés au tabagisme atteindra plus de huit millions par an d’ici à 2030 et 80 % de ces cas se produiront dans les pays en développement ». L’étude fournit des statistiques sur l’usage du tabac et sur les mesures prises pour le réduire dans des pays représentant ensemble 99 % de la population mondiale. Elle recommande également une stratégie en six points, appelée MPOWER, pour lutter contre le fléau. Celle-ci repose sur les points suivants : • Monitoring, c’est-à-dire surveiller la consommation de tabac et les politiques de prévention ; • Protecting, soit protéger la population contre la fumée du tabac ; • Offering, ou offrir une aide à ceux qui veulent arrêter de fumer ; • Warning, ou mettre en garde contre les méfaits du tabagisme ; • Enforcing, c’est-à-dire interdire la publicité en faveur du tabac, la promotion et le parrainage ; • Raising, ou augmenter les taxes sur le tabac. Deux tiers des fumeurs vivent dans dix pays « Bien que les efforts pour combattre le tabac gagnent de l’ampleur, pratiquement chaque pays doit faire davantage, a déclaré dans ce cadre la directrice générale de l’OMS, Margaret Chan. Ces six lignes d’action sont à la portée de tous les pays. Mises en œuvre ensemble, elles offrent la meilleure chance d’inverser cette épidémie galopante. » Selon le rapport, c’est dans les pays à faibles revenus que l’usage du tabac augmente le plus. La hausse constante de la population et son ciblage par les industriels ont pour effet que des millions de nouveaux consommateurs deviennent dépendants chaque année. Près des deux tiers des fumeurs vivent dans dix pays : Chine (près de 30 % de l’ensemble des fumeurs), Inde (10 %), Indonésie, Russie, États-Unis, Japon, Brésil, Bangladesh, Allemagne et Turquie. Seule 5 % de la population mondiale est protégée par des lois nationales antitabac efficaces, indique encore le document. « Dans un grand nombre de pays, l’usage du tabac est plus répandu parmi les pauvres qui souffrent davantage des conséquences des maladies liées au tabac, ce qui leur cause des difficultés économiques et perpétue le cycle de la pauvreté et de la maladie », constate le rapport. L’usage du tabac coûte actuellement au monde des centaines de milliards de dollars chaque année. Rien qu’aux États-Unis, ces pertes économiques sont estimées à 92 milliards de dollars par an. De même, l’industrie du tabac dépense des dizaines de milliards de dollars en marketing et cible le monde en développement à l’aide de stratégies de vente et de lobbying qui ont été interdites dans les pays riches, déplore l’OMS dans son rapport, constatant que l’incitation des femmes et des jeunes à l’usage du tabac fait partie de ces stratégies. Il en est de même pour les pressions exercées sur les gouvernements pour faire obstacle aux restrictions légales et aux hausses des taxes. Le rapport affirme enfin que l’augmentation des taxes sur le tabac demeure « le plus efficace moyen de réduire la consommation et d’encourager les fumeurs à cesser ».