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Aux origines de la communauté au Liban : chronique d’une disparition provoquée

Dès le début du XIXe siècle, la communauté juive de Beyrouth comptait déjà deux ou trois centaines de fidèles d’origine européenne. Aux côtés des quelques familles juives étrangères qui y vivaient, la ville comportait également plusieurs familles autochtones qu’ « on identifiait, en plaisantant sous les noms de Hana, Dana et Mana », affirme Fred Anzarouth de farhi.org. De son côté, la montagne comptait un nombre similaire d’israélites, alors qu’à Saïda, ville la plus prospère du pays, vivait la plus importante communauté juive de ce qui deviendra le Liban moderne. En 1840, selon un recensement destiné au service des impôts, rapporté par le bâtonnier Doueiyhi dans son Histoire de Beyrouth et cité par Fred Anzarouth, quelque 575 juifs vivaient à Beyrouth. Toutefois, le bâtonnier ne précise pas si ces chiffres incluent les femmes, les enfants et les infirmes, ou s’ils ne reflètent que les effectifs des hommes assujettis à l’impôt. Vers le début du XXe siècle, un groupe d’au moins 200 familles juives ashkénazes, se rendant en pèlerinage à Jérusalem, font escale à Beyrouth et s’installent dans la ville. Fred Anzarouth indique qu’avec eux apparaît la première institution de coordination communautaire israélite dans la ville. On recense à cette époque près de 5 000 juifs au Liban. Puis avec la dislocation de l’Empire ottoman, un grand nombre de juifs venant d’Europe de l’Est, de Turquie, de Grèce, de Syrie et d’Irak passent par Beyrouth en tentant de se rendre vers le continent américain ou en Palestine. Beaucoup d’entre eux élisent domicile au Liban et grossissent les effectifs de la communauté juive de Beyrouth vers laquelle affluent également les juifs de la montagne, à partir de 1918. Cette communauté au sein de laquelle figurent de nombreuses fortunes s’organise de plus en plus, et consolide les assises de ses institutions religieuses et sociales. Le grand rabbin gère alors les affaires spirituelles des fidèles, alors que le Conseil dirige des missions à vocation socio-économique et éducative. Parmi ces projets, Fred Anzarouth relève la « Bikkour Holim », la visite aux malades ; le « Matane Ba-seter » et le « Malbiche Aroumim », qui visent à aider les défavorisés ; la « Goutte de lait », association féminine soutenant l’école du Talmud Torah ; le Maccabi, association sportive et musicale ; l’école française de l’Alliance israélite et enfin les scouts des Éclaireurs israélites du Liban. La communauté met également en place un quotidien, al-Alam al-Israïli, et un magazine périodique, Le Commerce du Levant, fondé par Toufic Mezrahi, et qui continue aujourd’hui de paraître, mais avec de nouveaux propriétaires non juifs. Fait exceptionnel, selon Aaron-Michael Beydoun (voir par ailleurs) le Liban est le seul pays arabe à voir le nombre de ses résidants de confession israélite augmenter substantiellement après la création de l’État d’Israël, pour atteindre plus de 9 000. Les juifs libanais avaient en effet refusé d’accorder des donations au Yishuv, organisation sioniste qui tentait de les séduire. Par contre, la communauté a contribué financièrement à la première guerre contre Israël, selon Kirsten E. Schultze, historienne et professeur à la London School of Economics. La communauté juive a également construit trois principales synagogues : le Maghen Abraham à Beyrouth, la synagogue de Bhamdoun, lieu de villégiature préféré des juifs libanais, et la synagogue de Aley. Beyrouth comptait de nombreux autres édifices de culte juifs : la synagogue des Damascènes, celle des Aleppins, celle des Espagnols israélites, etc. Ces institutions ont quasiment disparu avec l’exode massif des juifs libanais qui commence avec les troubles de 1958. Après la guerre des Six-Jours, en juin 1967, moins de 3 600 juifs demeurent au Liban. La majorité d’entre eux se rendent en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud. Parmi les quelques rares personnes qui se sont installées en Israël, nombreux sont celles à avoir fini par quitter l’État hébreux. Plusieurs attaques sont perpétrées contre les juifs du Liban pendant la guerre civile. En 1971 déjà, le secrétaire général de la communauté, Albert Elia, était enlevé à Beyrouth et gardé prisonnier à Damas, malgré les tentatives déployées par l’ONU pour obtenir sa libération. En 1982, l’armée israélienne propose aux juifs libanais la nationalité de l’État hébreu. Aucun d’eux ne l’acceptera. Onze notables de la communauté, dont le coordinateur général, sont toutefois enlevés et assassinés par des groupes islamistes radicaux, en 1984. Quelque 200 juifs sont également tués dans les affrontements fratricides qui déchirent le pays dès 1975. L’exode des juifs se transforme alors en véritable hémorragie. Seuls deux juifs vivaient à Wadi Abou Jmil en 1991. Aujourd’hui, une juive solitaire continue de garder le Wadi alors que quelques dizaines, probablement moins d’une centaine de ses coreligionnaires, continuent de vivre dans le pays de l’impossible République. M.H.
Dès le début du XIXe siècle, la communauté juive de Beyrouth comptait déjà deux ou trois centaines de fidèles d’origine européenne. Aux côtés des quelques familles juives étrangères qui y vivaient, la ville comportait également plusieurs familles autochtones qu’ « on identifiait, en plaisantant sous les noms de Hana, Dana et Mana », affirme Fred Anzarouth de...