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Le projet devrait être aisément adopté demain en seconde lecture La loi sur le voile dans les universités sème le doute sur les intentions d’Ankara

Le gouvernement islamo-conservateur turc devra prouver par de nouvelles réformes son attachement à la démocratie s’il veut faire taire les critiques nées du vote hier en première lecture d’une loi autorisant le voile islamique dans les universités, estimaient les analystes. La réforme, votée en pleine nuit par le Parlement, au terme d’une session houleuse de près de 13 heures, a déjà provoqué un tollé chez les partisans d’une application stricte du principe de laïcité en vigueur en Turquie, pays dont la population est musulmane à 99 %. « Un coup à la paix sociale », titrait en une hier le quotidien prolaïcité Cumhuriyet, dénonçant dans l’éditorial de son rédacteur en chef, Mustafa Balbay, « une répétition générale des changements fondamentaux que l’AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) a prévu de mettre en œuvre ». Le camp prolaïc – dans lequel figurent l’armée, la magistrature et l’administration des universités – soupçonne le gouvernement de vouloir éroder en catimini les principes laïcs du pays pour le transformer en un État islamique. L’empressement du gouvernement à faire voter avec le soutien du Parti de l’action nationaliste (MHP, nationaliste) l’ouverture des universités aux jeunes femmes voilées, reléguant à une date incertaine des réformes attendues sur la démocratisation du pays, a également échaudé des milieux plus libéraux. « Alors que l’AKP annonce depuis sept mois un projet de nouvelle Constitution, pourquoi isoler la réforme sur le voile ? » s’interroge l’intellectuel de gauche Ahmet Insel. « Soit l’AKP n’a pas la force de changer la Constitution, soit il n’en a pas la volonté, et dans ce cas, il apparaît clairement que ce parti n’est démocratique que quand il s’agit de lui-même » et de ses intérêts, poursuit M. Insel, économiste à l’Université de Galatasaray d’Istanbul. Les milieux libéraux réclament une refonte de l’actuelle Constitution, héritée du coup d’État de 1980 et jugée d’inspiration trop autoritaire. Ils demandent également, à l’instar de l’Union européenne, l’amendement de l’article 301 du code pénal, réprimant les « insultes à l’identité turque » et qui a servi de base à de nombreuses poursuites contre des intellectuels de renom – une réforme promise de longue date, mais laissée en souffrance par l’AKP. Plus sombre, le politologue Cengiz Aktar, de l’université stambouliote de Bahçesehir, perçoit dans le vote d’hier le signe d’une « reprise en main autoritaire, teintée d’islamisme ». « On peut considérer que la nouvelle Constitution est à la poubelle, et que les libertés autres que celle de porter le voile n’intéressent pas l’AKP et son nouvel acolyte néofasciste MHP », estime-t-il. Pour Wolfango Piccoli, analyste pour Eurasia Group, une entreprise de conseil spécialisée dans les risques politiques, « le gouvernement a été trop pressé pour cette réforme, il n’a pas pris en compte à quel point le sujet est sensible en Turquie ». « Si le gouvernement avait fait des progrès dans le domaine des réformes liées au processus d’adhésion à l’Union européenne, les laïcs auraient eu une autre approche à l’égard de la levée de l’interdiction sur le voile », poursuit-il. Selon l’analyste, l’AKP et le gouvernement peuvent encore se rattraper en essayant de relancer les réformes, « pour réaffirmer leur engagement en faveur de l’UE et convaincre le public qu’ils n’adoptent pas un système de deux poids, deux mesures concernant la liberté d’expression ». Disposant de la majorité des deux tiers des sièges requise à l’Assemblée pour une révision constitutionnelle, l’AKP et le MHP ne devraient pas avoir de difficulté à faire passer, demain en seconde lecture, la réforme sur le voile. De son côté, le nouveau président de la Cour de cassation a appelé le Parlement à ne pas éroder le régime laïc en place. De même, la Commission européenne a refusé de commenter l’affaire en invoquant les divergences au sein de l’UE en la matière.
Le gouvernement islamo-conservateur turc devra prouver par de nouvelles réformes son attachement à la démocratie s’il veut faire taire les critiques nées du vote hier en première lecture d’une loi autorisant le voile islamique dans les universités, estimaient les analystes. La réforme, votée en pleine nuit par le Parlement, au terme d’une session houleuse de près de 13...