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Où donc s’habille le diable ? La presse de mode américaine, un colosse aux pieds d’argile

Courtisée par les stylistes et les maisons de couture, enfant chéri des annonceurs, la presse américaine reste très puissante dans un univers mondialisé où les célébrités mènent la danse et où une robe photographiée aux Oscars compte plus qu’une collection réussie. L’annulation en raison d’une grève des scénaristes de la cérémonie des Golden Globes, antichambre des Oscars prévus le 24 février, est la dernière avanie subie par l’industrie du vêtement, déjà affectée par la baisse des ventes aux États-Unis. Et les médias, qui véhiculent ces images de vedettes habillées par Vera Wang ou Oscar de la Renta, s’inquiètent. « Hollywood et l’industrie de la mode tremblent », écrivait cette semaine l’influent Women’s Wear Daily, lu par des millions de femmes et surtout par la profession qui traque ses « scoops » sur les fusions-acquisitions, les transferts de talents ou les lancements de parfums. « C’est terrible que cet événement ait été annulé à la dernière minute, parce que nous avions préparé des robes fabuleuses pour certaines de nos clientes », écrit Alice Temperley, styliste, sur le site Internet de WWD. Vanessa Seward, de la maison Azzaro, qui habillait l’an dernier l’actrice Kate Winslet pour les Golden Globes, renchérit : « Pour nous, ces événements sont très importants parce que nous sommes spécialisés dans les robes destinées au tapis rouge. » Les « tapis rouges » désignent les cérémonies où les vedettes sont photographiées à outrance et les photos publiées ensuite dans des journaux « people » tirés à des dizaines de millions d’exemplaires, ou dans des magazines comme Vogue ou Harper’s Bazaar. « L’industrie repose sur les célébrités parce qu’elles conditionnent les marchés publicitaires », explique Eric Hertz, directeur général de l’Institut de la mode de New York (FIT). « Le véritable critique de mode a un peu disparu » et « le New York Times est un phénomène unique parmi les quotidiens, avec une équipe dédiée ». Il admet l’aura d’un personnage comme Suzy Menkes, qui promène sa houppe de Milan à Paris et de Londres à New York en attirant lecteurs et annonceurs vers les pages « mode » de l’International Herald Tribune. La rédactrice en chef du Vogue américain, Anna Wintour, immortalisée à l’écran par Meryl Streep dans Le diable s’habille en Prada, est un autre mythe, d’un genre différent. « Vogue est très puissant, affirme Eric Hertz, et il est publié par Condé Nast, qui offre un éventail de magazines – décoration intérieure, robes de mariées, vêtements pour enfants – permettant aux lectrices de créer leur monde. » « Les professionnels veulent que les célébrités portent leurs sacs ou leurs chaussures. Les médias en eux-mêmes n’ont aucune influence dans ce pays, et les rédactrices de mode ne prennent pas l’initiative de critiquer », juge pour sa part Jessica Siegel, professeur à l’Université de Columbia, écrivain et journaliste. « Les cérémonies comme les Golden Globes donnent le ton et les médias véhiculent », précise-t-elle. Anna Wintour n’en a pas moins convaincu les stylistes à Milan il y a quelques mois de concentrer leurs défilés sur quatre jours, rendant la semaine frénétique avec un défilé toutes les 45 minutes. En quittant Milan, Mme Wintour a écrit une lettre aux couturiers italiens : « Toute l’équipe de Vogue Amérique vous remercie pour le calendrier de cette semaine. Nous avons pu réduire au minimum notre séjour (à Milan) et cela a été utile considérant la faiblesse du dollar. Dans l’espoir que le calendrier milanais gardera cette forme dans l’avenir, je vous remercie. » Un pouvoir que Mme Wintour partage avec un certain M. Blackwell, styliste à la retraite installé en Californie, qui publie chaque année une liste reprise par toute la presse des « célébrités les plus mal habillées de l’année ». Lauréate 2007 : Victoria Beckham, une fanatique des Semaines de la mode. Paola MESSANA
Courtisée par les stylistes et les maisons de couture, enfant chéri des annonceurs, la presse américaine reste très puissante dans un univers mondialisé où les célébrités mènent la danse et où une robe photographiée aux Oscars compte plus qu’une collection réussie.
L’annulation en raison d’une grève des scénaristes de la cérémonie des Golden Globes, antichambre...