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Actualités - CHRONOLOGIE

Les cultures sous serre particulièrement touchées L’agriculture, principale victime du gel cette année Suzanne BAAKLINI

La vague de froid et de gel d’une durée inhabituelle qu’a connue le Liban en janvier a certes fait des victimes humaines (mortes de froid), surtout au Liban-Nord, mais sa victime principale reste l’agriculture. Des centaines de plants de différentes cultures sont morts sur place, que ce soit à l’intérieur des serres ou dans les champs. De nombreux agriculteurs perdent ainsi une saison importante, celle qui s’étend de l’automne au printemps et dont la cueillette devait commencer incessamment. Les légumes cultivés sous serre sont les principaux touchés, les diverses cultures tropicales aussi, comme les bananes ou les mangues, ainsi que les pommes de terre dans certaines régions. Les agriculteurs s’accordent à dire que c’est la durée de cette vague de froid, accompagnée de beau temps et de sécheresse, qui a surtout nui aux récoltes. Même la tempête qui frappe cette semaine le pays ne devrait pas être aussi meurtrière, vu qu’elle est accompagnée de pluies et de neige. « Généralement, ce genre de conditions météorologiques (gel et sécheresse) dure un jour ou deux, or cette fois, la vague de froid s’est étendue à plus de dix jours », explique Ibrahim Tarchichi, président du syndicat des agriculteurs. Pour lui, c’est surtout la différence de températures entre le jour et la nuit, atteignant les 15 à 20 degrés parfois, qui a été le plus fatale. « Une telle différence de températures, surtout dans la Békaa, n’aide naturellement pas les récoltes à se développer », souligne-t-il. Les pertes ont été encore plus sévères sur le littoral, particulièrement au Akkar, dans le Liban-Nord, parce que les serres y sont plus nombreuses. Pourquoi ont-elles été si durement touchées ? « La serre protège les cultures jusqu’à une température de 3 ou 4 degrés au-dessus de zéro, explique M. Tarchichi. Or les températures ont atteint 5 degrés en dessous de zéro plusieurs jours de suite. Et le mazout est cher pour chauffer les serres. » Une source du ministère de l’Agriculture confirme cet argument et ajoute : « Les agriculteurs s’étaient habitués aux hivers doux que nous avons connus ces dernières années. Ils n’ont donc placé aucune installation de chauffage dans leurs serres et ont été surpris par cette vague de froid. Le plus malheureux, c’est que cette hécatombe intervient en pleine saison, alors que la cueillette devait commencer incessamment. Cela signifie que les agriculteurs ne peuvent plus profiter des récoltes qui ont, pour la plupart, été plantées depuis l’automne, comme c’est le cas pour les tomates et les concombres cultivés sous serres. Des cultures de saison, comme le blé, ont pu résister. » Selon cette source, les cultures hors saison, comme celles cultivées sous serre, et les espèces tropicales, incapables de faire face à une telle vague de froid, ont été particulièrement décimées. « Les cultures qui se composent en majeure partie d’eau, comme les légumes par exemple, meurent dans de telles conditions, parce que l’eau se frigorifie », ajoute cette source. « Certes, ce phénomène météorologique est naturel, mais il n’y a pas de doute que le changement climatique influe en favorisant les conditions extrêmes, poursuit-elle. Le beau temps et la sécheresse ont aggravé la situation, parce que les nuages retiennent un peu plus la chaleur. Même si la vague de froid se répète, si elle est accompagnée de pluie et de neige, elle n’aura probablement pas un effet aussi dévastateur. » Au moment de la rédaction de cet article, ni le ministère ni les agriculteurs n’étaient capables d’avancer des chiffres, aussi imprécis soient-ils, sur les surfaces touchées et le nombre d’agriculteurs lésés. « Nous attendons la fin de cette vague de froid pour calculer le volume des pertes, affirme M. Tarchichi. Nous estimons cependant qu’il y en a certainement pour des centaines de milliers de dollars. » Omar Hayek, un agriculteur du Akkar qui est aussi le président du Rassemblement des cultivateurs de pommes de terre dans sa région, nous donne quant à lui une image plus précise de ce qui se passe dans cette localité agricole du Liban-Nord, la plus touchée par le gel (encore plus que la Békaa, où la culture sous serre est moins répandue). « Nous estimons avoir perdu durant ces dix jours 100 % des légumes cultivés sous serre au Akkar, environ 50 % des agrumes et 25 % des pommes de terre », nous dit-il. Pour lui, l’orage de cette semaine n’est pas nocif pour les cultures, bien au contraire, même s’il a peur que la tempête de neige ne fasse trop chuter les températures. Il précise avoir demandé au ministère de l’Agriculture d’envoyer une équipe pour recenser les dégâts en vue d’éventuelles indemnités, mais que cela n’a pas encore été fait. La source du ministère que nous avons interrogée assure qu’une étude est en cours, mais que les chiffres ne sont pas encore disponibles. Elle précise cependant que les indemnités aux agriculteurs ne sont pas du ressort du ministère, mais du Haut Comité de secours. Ces indemnités, autant celles qui concernent les pertes subies durant la guerre de juillet 2006 que celles qui ont résulté de la vague de gel, ont d’ailleurs été au centre des pourparlers entre les agriculteurs et le gouvernement avant les grèves avortées de la semaine dernière. Les lacs artificiels, une nécessité Malgré les trombes d’eau auxquelles nous assistons ces deux jours, la peur de la sécheresse, notamment en été, continue de tarauder les agriculteurs. Parce que s’il a fait très froid, il n’a pas beaucoup plu en revanche cette année. Si les pluies qui tombent actuellement ne viennent pas compenser ce manque, les moyennes des précipitations resteront inférieures aux moyennes annuelles. M. Tarchichi prévient que « si la situation reste inchangée, ce sera la seconde année de manque d’eau de suite ». « Les agriculteurs auront beaucoup de mal à faire face à cette situation en été, poursuit-il. Cela fait des années que nous revendiquons la création de lacs artificiels qui sont appelés à devenir de plus en plus nécessaires. Mais le dialogue avec les responsables n’a encore rien donné. Et les politiques de l’État montrent une indifférence totale envers ce secteur. » Pour sa part, l’agriculteur Omar Hayek, interrogé sur les nouvelles perspectives de sécheresse, répond simplement : « Nous nous contentons d’espérer qu’il pleuvra encore assez cette année. » Il précise cependant que les agriculteurs du Akkar ont déjà adopté la méthode d’irrigation au goutte-à-goutte, avec succès pour les agrumes et pour les légumes, mais avec moins de bonheur pour les pommes de terre. Les espoirs de M. Hayek semblent avoir été exaucés, en raison des abondantes précipitations de la récente tempête qui ont aidé à ce que la moyenne pluviométrique annuelle soit dépassée. Pour sa part, la source du ministère de l’Agriculture interrogée insiste sur le faible budget consacré à cette administration et évoque certaines mesures à prendre dans l’avenir, notamment celle de rendre le bulletin météo plus complet et plus détaillé. « Dans un tel bulletin, on préciserait aux agriculteurs ce qui les attend et comment ils devraient prendre leurs précautions », dit-elle. Et d’ajouter : « Quand on plante des cultures hors saisons ou inadaptées à notre climat, il faut prendre des précautions, comme celle de prévoir des systèmes de chauffage pour les serres. » Quoi qu’il en soit, l’agriculture reste sans nul doute le secteur mal aimé de l’économie libanaise. Le fait que les agriculteurs se soient fait surprendre aussi totalement cette année, s’il reflète un manque flagrant de préparation de leur part, ne trahit-il pas une lacune d’orientation et de soutien de la part des responsables ?
La vague de froid et de gel d’une durée inhabituelle qu’a connue le Liban en janvier a certes fait des victimes humaines (mortes de froid), surtout au Liban-Nord, mais sa victime principale reste l’agriculture. Des centaines de plants de différentes cultures sont morts sur place, que ce soit à l’intérieur des serres ou dans les champs. De nombreux agriculteurs perdent ainsi...