Gastronomie La cuisine « divine » de sœur Anastazja

Malgré son million de livres de cuisine vendus dans la seule Pologne, sœur Anastazja reste modeste. Quand on lui demande les secrets de ses recettes à succès, elle répond qu’elle les doit à l’inspiration divine. « Beaucoup de mes recettes me viennent la nuit dans mes rêves », explique la nonne, qui se classe régulièrement tout en haut des meilleures ventes. « Ce qui est le plus dur, c’est de se souvenir d’écrire la recette quand je me lève, avant que j’oublie », dit-elle. Avec son sourire malicieux et son visage lisse, sœur Anastazja, une religieuse catholique de la Congrégation des Filles de la charité divine, s’apprête maintenant, à 58 ans, à conquérir le marché audiovisuel, avec un DVD intitulé Des gâteaux parfaits où elle explique en 51 minutes comment réussir à coup sûr une pâtisserie compliquée. Ses créations ont pour nom « Le sourire du jour », « Le joyeux montagnard » ou encore « L’ivrogne », où la part d’alcool est particulièrement élevée. Il y a aussi « Le téton de la belle-mère »... « Une dame m’a écrit pour se plaindre que j’avais manqué de respect à une certaine partie de l’anatomie féminine, raconte sœur Anastazja en étouffant un rire. Ce devait être une belle-mère ! » Derrière elle, dans sa grande cuisine, où elle prépare tous les jours le repas de 19 personnes, les étagères regorgent de conserves qu’elle a elle-même confectionnées. Sa cuisine jouxte les machines d’imprimerie de la maison d’édition WAM, qui existe depuis 136 ans à Cracovie et appartient aux jésuites. « Sœur Anastazja fait la cuisine ici pour nous depuis des années, explique le père Henryk Pietras, directeur de WAM. Sa cuisine est tellement délicieuse que nous sommes parvenus à la conclusion qu’il fallait partager ce trésor. » 103 gâteaux de sœur Anastazja, son premier livre, est sorti en 2001. Son plus récent, et déjà quatrième de la série, 100 nouveaux gâteaux, est paru l’an dernier. « En tout, nous avons vendu un million d’exemplaires », affirme le père Pietras. Seuls les livres du défunt pape polonais Jean-Paul II, les Mémoires de son ancien secrétaire, le cardinal Stanislaw Dziwisz, et les incontournables aventures de Harry Potter ont fait mieux qu’elle ces dernières années dans les librairies polonaises. Les livres de sœur Anastazja sont devenus des cadeaux prisés car ses recettes, très traditionnelles et caloriques, sont difficiles à rater. « Elle crée un tas de recettes, mais elle choisit soigneusement celles qu’elle publie : elle les vérifie environ 15 fois et nous devons les tester, nous devons tout manger », souligne le père Pietras. La maison d’édition n’a pas encore de chiffre de vente pour le DVD, mais le père jésuite est sûr de faire de bonnes affaires. « Les gens ont des ordinateurs partout maintenant, même dans la cuisine », dit-il. Les prochains projets dépendront de l’inspiration divine de la sœur, ajoute-t-il. Mais son énorme succès, dans un pays qui se dit catholique à 96 %, a déjà suscité des imitations dans d’autres congrégations. Les salvatoriens, qui ont fondé en 1998 une maison d’édition rivale à Cracovie, ont lancé une série presque identique. Leur vedette est sœur Aniela. « Jusqu’à présent, sœur Aniela est la seule nonne en Pologne qui a sa propre émission télévisée », indique, en caractères rouges, le site de la Société du Divin Sauveur. Sœur Anastazja n’avait jamais rêvé d’être une star de l’édition. Krystyna Pustelnik, de son nom civil, a commencé à aimer la cuisine quand elle est devenue orpheline à l’âge de 17 ans. Son succès ne lui a pas tourné la tête. « Ma vie n’a pas vraiment changé », dit-elle, ajoutant : « Parfois, j’ai un peu moins de temps, mais je fais en sorte d’en garder pour la prière, c’est le plus important. Les livres sont secondaires. »