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Actualités - OPINION

Billet Le principe de Newton

Nous rapprocherions-nous dangereusement du niveau zéro de l’identité ? Il y a quatre siècles, Hamlet se posait cette terrible question : « To be or not to be ? » En clair, est-il préférable que je poursuive cette vie de misère, ou que je me flingue et prenne le risque de me retrouver dans un nouveau monde pas nécessairement plus sympathique que celui dans lequel je patauge actuellement ? Aujourd’hui, il semble qu’une large partie de l’humanité soit passée à une autre question existentielle. Dans le doute, on s’abstient de faire le grand saut, on s’accroche à notre petite vie, mais on élabore : OK pour le « to be », mais « to be what » ? Entre les deux questions, l’humanité est passée par le XVIIIe siècle qui nous a gratifiés du célèbre principe de Newton : « À toute action est opposée une réaction égale. » L’action, c’est la mondialisation. Depuis l’invention des Boeing et d’Internet, on nous rebat les oreilles avec le « village planétaire ». Ce concept n’a toutefois réellement pris tout son sens que depuis « Facebook ». Là, en terme de village, on est servi. On se redécouvre des amis, désormais installés à l’autre bout de la planète, qui ont l’obligeance de nous laisser entrer dans leur quotidien le plus... quotidien. Internet n’est plus tant ce formidable outil d’échange d’informations en kilobytes/seconde, que le café du commerce. « Alice est énervée car elle a un ongle cassé », « Jo a une carie », « Mahmoud a rompu », et « Sarah t’envoie un wizz »… En outre, à l’ère des « réseaux de socialisation », avouer que l’on n’est pas sur « Facebook » revient au mieux à se faire traiter de sociopathe, au pire à s’attirer le même regard que celui dont doit être gratifié un malade incurable. La réaction, c’est le repli identitaire. Et ce dans les mêmes proportions que la mondialisation et sur tous les modes possible, religieux, infrareligieux, ethnique, politique, de quartier... En version affichée, assumée, le repli nous renvoie à des scénarios à la kényane. On se revendique Luos, Kikuyu, ou autre. Kenyan, c’est passé de mode. En version réaction, nous avons la Serbie : je vote pour un candidat ultranationaliste pour contrer les aspirations indépendantistes des Kosovars. En version hypocrite, ça peut donner le Liban, parfois. « Tu t’appelles comment ? » « X Saad ». Chrétien, musulman ; sunnite, chiite ? Face au nom de famille passe-partout, l’inquisiteur passe à la question suivante. Tu viens d’où ? « De Beyrouth. » L’inquisiteur s’agace, regrette les temps « bénits » où la confession était inscrite sur la carte d’identité. « D’accord, mais d’où à Beyrouth ? » L’identité par le quartier. Phénomène bien connu à Bagdad, où le déménagement est devenu un sport national. Au XIXe siècle, le terme « réaction », en médecine virale, était entendu comme la « réponse originale que l’organisme oppose, sous la direction du “principe vital” à tout ce qui met en péril sa survie ». Avis aux grands corps malades. Émilie SUEUR
Nous rapprocherions-nous dangereusement du niveau zéro de l’identité ?
Il y a quatre siècles, Hamlet se posait cette terrible question : « To be or not to be ? » En clair, est-il préférable que je poursuive cette vie de misère, ou que je me flingue et prenne le risque de me retrouver dans un nouveau monde pas nécessairement plus sympathique que celui dans lequel je patauge...