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Actualités - OPINION

IMPRESSION Le dû de Dieu

Le XXIe siècle est donc religieux, sinon, comme l’avait prédit Malraux, nous n’en aurions pas franchi le cap. L’âme, comme la chair a besoin d’exulter, et l’augmentation de l’espérance de vie s’accommode mal du vide spirituel. Plus la science progresse, plus elle vide le ciel, et plus la religion s’affole à colmater cette béance. Engagée depuis les balbutiements de l’histoire humaine, la course entre le rationnel et l’irrationnel semble atteindre aujourd’hui une étape névralgique. Jeudi soir, la France laïque et républicaine assistait, perplexe, à la chute d’un dernier tabou : pour quelle raison Nicolas Sarkozy a-t-il invité évêques, rabbins, muftis et même un moine bouddhiste à une cordiale sauterie sous les pampres de l’Élysée ? Depuis l’abolition de la monarchie, la France, « fille aînée de l’Église », avait jeté un voile pudique sur le fait religieux. Mais elle a vite constaté que rien, en réalité, n’est plus ostentatoire qu’un voile. Le président de la rupture l’a compris : autant y aller tout de go, ouvrir la porte à Dieu, tous labels confondus, et inscrire le paradis au patrimoine de l’Hexagone. Saint Paul l’apôtre disait : « Qui ne travaille pas n’a pas le droit de manger. » Précieuse caution pour la devise sarkozienne : « Travailler plus pour gagner plus. » On croyait l’Occident pacifié sur sa fibre religieuse depuis les grands remous du colonialisme et des missions qui prétendaient en toute bonne foi évangéliser les barbares. Mais voilà que l’islam, dopé au pétrodollar et trépignant de participer au vieux concours de la religion la plus vraie, joue des biscotos et traite le chrétien de croisé. C’est qu’on avait fini par l’oublier, cette histoire de croisades dont l’un des objectifs n’était finalement que de détourner la convoitise des seigneurs cadets de l’héritage de leur grand frère. Dans ce contexte néoarchaïque de levée d’écus et d’astiquage de blasons, Sarkozy semble bien inspiré d’organiser les réconciliations avant les conflits. Inspiration qui manque assurément à nos hobereaux locaux. En s’en prenant au patriarche maronite, Frangié et Aoun ignoraient qu’ils déstabiliseraient à ce point leurs ouailles, créant un ralliement sans précédent autour de la personne du maître de Bkerké. C’est que le modèle syro-stalinien de la laïcité forcée et de l’État providence n’a aucune chance de passer au Liban. N’ayant jamais été providentiel, l’État, chez nous, a toujours ménagé la part de Dieu. Ces attaques, dictées ou spontanées, contre le chef spirituel de la principale communauté chrétienne du pays, sont d’autant plus mal venues que celle-ci se sent plus que jamais vulnérable. La réaction de la population montre surtout qu’elle ne se sent pas davantage protégée par ceux qui prétendent remplacer son référent communautaire et religieux. Longtemps jugée désuète au regard des chartes de plus en plus affûtées des nations modernes, la Constitution libanaise, qui privilégie au nombre la représentation confessionnelle, est-elle un modèle d’avenir ? Au rythme où Dieu gagne du terrain dans les démocraties laïques, puisse-t-il en préserver l’humanité ! Fifi ABOU DIB
Le XXIe siècle est donc religieux, sinon, comme l’avait prédit Malraux, nous n’en aurions pas franchi le cap. L’âme, comme la chair a besoin d’exulter, et l’augmentation de l’espérance de vie s’accommode mal du vide spirituel. Plus la science progresse, plus elle vide le ciel, et plus la religion s’affole à colmater cette béance. Engagée depuis les balbutiements...