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Actualités - REPORTAGE

RENCONTRE - Abdelkrim Bahloul a présenté son film au Liban « Le soleil assassiné », ou la force des mots

Invité par l’institut Cervantès à participer à une table ronde organisée à l’Iesav sur les films à petits budgets dans le cadre d’un séminaire baptisé « Cinéma en construction », le cinéaste algérien Abdelkrim Bahloul a profité pour présenter son film, Le soleil assassiné. Une œuvre abordant les problèmes sociaux des pays arabes et qui, depuis le Festival de San Sebastian, ne fait que circuler entre l’Afrique et le Moyen-Orient, créant ainsi un tissu culturel différent et des échanges solides entre ces pays. Après quatre longs-métrages traitant essentiellement des thèmes de l’expatriation et de l’exil, mais prenant pour cadre la France contemporaine, le cinéaste Abdelkrim Bahloul (ayant quitté son pays dès l’âge de vingt ans) revient dans son Algérie natale pour signer Le soleil assassiné. Un film (en langue française) entre documentaire et fiction, et qui aborde avec courage des problèmes sensibles, inhérents aux pays musulmans. L’œuvre, qui narre l’histoire du poète Jean Sénac, assassiné il y a plus de 20 ans, est un retour sur la jeunesse du réalisateur et de l’Algérie de l’époque. « Lorsque Sénac a été assassiné, j’étais en France. C’était la première fois que je ressentais un sentiment de honte car j’étais soudainement confronté au problème de racisme, d’intégrisme et de sectarisme, confie Bahloul. Plus tard, en 1990, la guerre civile a éclaté en Algérie. J’ai eu donc l’idée de consacrer un documentaire à Sénac dont les paroles avaient valeur de prophétie de ces années sombres et qui m’est ainsi apparu comme un visionnaire. N’avait-il pas dit une fois… “ J’entrevois de longs cortèges blafards avec des cercueils verts et blancs ” . » Le cinéaste enchaîne : « Le documentaire ayant été rejeté, je me suis rabattu sur un film de fiction. Il me fallait reproduire les années heureuses avant celles où il a été rejeté et persécuté en raison de sa différence (son origine européenne, son catholicisme et son homosexualité). » Pour que la fiction prenne forme, Abdelkrim Bahloul a dû glaner les témoignages de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz et de Nathalie Garrigues-Josse, amis du poète, et de son fils adoptif, Jacques Miel. C’est donc à partir de faits réels et de souvenirs que l’histoire s’est construite. « Tous les mots que je mets dans la bouche de l’acteur Charles Berling (qui interprète Sénac) sont ses propres mots, que j’ai recomposés dans un autre moule », souligne le réalisateur. Des nuages… mais le soleil Dans ce film sur la liberté de pensée, sur le courage d’affirmer sa propre personnalité ainsi que sur l’amour et l’amitié, le cinéaste a dû effacer les traces d’un pays clochardisé en ne retenant que sa lumière. « Une lumière que l’on ne trouve nulle part ailleurs », avoue Bahloul. Certes le ton de l’œuvre est pessimiste et acerbe, et les enfants qui donnent la réplique à Berling brossent un tableau noir de l’avenir de l’Algérie, mais ce soleil qu’on ne peut assassiner et qui diffuse encore sa lueur persiste malgré les nuages noirs qui s’amoncellent dans le ciel du pays. Abdelkrim Bahloul rend hommage à la poésie, seul vecteur de communication, chante la liberté de l’homme et pleure les massacres faits au nom de la religion (devenue instrument politique). Il dénonce la lente dégradation irrépressible, urbaine et psychologique de son pays et semble sonner le glas face à tous les dangers qui guettent. Dans ce travail (tout comme dans les précédents), le réalisateur, souvent confronté à des difficultés de budget, essaye par tous les moyens de recréer des atmosphères justes et présenter une œuvre à la hauteur du sujet qu’il traite. Une gymnastique souvent ardue, mais qu’il exécute avec beaucoup de souplesse. « Le cinéma en construction » initié par le Festival de San Sebastian a pour objectif de créer des liens entre les pays d’Amérique latine ainsi que ceux d’Afrique et du Moyen-Orient. Diffuser les cultures différentes et les faire connaître n’est-il pas le moyen efficace de lutter contre le cannibalisme des grosses productions américaines et d’établir son propre marché ? C’est ce qu’espère Abdelkrim Bahloul, qui promet certainement de revenir l’an prochain. D’abord pour présenter son film, Voyage en Alger, dont il vient d’achever le tournage, et ensuite « parce qu’il me tarde de retourner dans ce Liban qui jouit d’une diversité culturelle unique », conclut-il. Colette KHALAF
Invité par l’institut Cervantès à participer à une table ronde organisée à l’Iesav sur les films à petits budgets dans le cadre d’un séminaire baptisé « Cinéma en construction », le cinéaste algérien Abdelkrim Bahloul a profité pour présenter son film, Le soleil assassiné. Une œuvre abordant les problèmes sociaux des pays arabes et qui, depuis le Festival de...