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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE Une colonie sauvage à Chvout Ami pour faire capoter la paix

Dans la maison délabrée aux murs roses, des restes de pizza traînent sur la table. Des vêtements et des matelas sont dispersés à même le sol. La veille, les 20 colons juifs, des adolescents occupant le site, ont été expulsés par la police. Âgés de 18 ans tout au plus, ils occupent illégalement depuis deux mois cette bâtisse arabe abandonnée, perchée sur une colline du nord de la Cisjordanie, d’où ils sont régulièrement expulsés avant de revenir dès que les soldats montant la garde sont repartis. L’avant-poste de colonisation, Chvout Ami, est pour eux une preuve de leur ambition déclarée : « Faire capoter le processus de paix » alors qu’un premier tour de négociations israélo-palestiniennes, après 7 ans d’interruption, reprenait mercredi à Jérusalem. La colonisation en Cisjordanie occupée, illégale au regard de la communauté internationale, représente une question centrale de ce nouveau round de pourparlers, susceptible de les faire échouer. D’une station d’essence, au pied de l’implantation voisine Kedoumim – autorisée par le gouvernement israélien –, les adolescents scrutent le va-et-vient des militaires dans leurs jeeps. « Avec l’aide de Dieu, on va remonter. On a de l’eau, de l’électricité, et du gaz fournis par des gens qui nous soutiennent dans la région. Et on ne craint pas le froid », dit Daniel Landersberg, 18 ans, l’un des fondateurs de Chvout Ami. Le jeune homme à la barbe clairsemée a encore un visage aux traits juvéniles. « Dans 10 ans, il y aura un quartier là-bas », poursuit-il, déterminé. Il fait une pause puis reprend : « Nous allons faire s’écrouler le processus de paix. » Il assure ne pas être « manipulé » par les organisations de colons. « Aidé et soutenu » uniquement. « Vous savez les jeunes grandissent vite ici, ils sont mûrs très tôt », assure Sarah Eliach, la directrice adjointe de Yesha, la principale organisation de colons. Habitante de Kedoumim, elle est venue suivre les événements sur place. Sa voisine, Shoshana Shilo, qui travaille à la municipalité, vient d’être brièvement interpellée par la police pour avoir aidé des adolescents à arracher des pousses d’oliviers, plantées par un agriculteur palestinien près de Chvout Ami. Un officiel du consulat américain – tiré à quatre épingles dans son costume trois pièces sombre – est aussi là. Il s’enquiert de la situation alors que Shoshana Shilo crie « Partez ! Partez ! » à une voiture de l’ONU qui passe. « Dites à Bush et à Rice que cette terre n’est pas à vendre », reprend-elle à l’adresse du diplomate qui s’en va discrètement. Les deux femmes, comme la majorité des colons de Cisjordanie, sont fermement opposées à tout accord avec les Palestiniens, qui pourraient signifier pour elles un retrait de ce territoire et la fin du rêve du Grand Israël. « Nous sommes à l’avant-garde de la lutte, ajoute-t-elle. C’est une lutte entre juifs et Arabes, un conflit de civilisation qui ne doit pas être perdu, ou la nation juive tout entière en paiera le prix. » Travaillant en face dans son exploitation d’oliviers, Mahmoud Slimane affirme que ce sont pour l’heure les Palestiniens de la région qui paient un prix élevé à la colonisation juive. « Les colons tirent des pierres sur les Palestiniens, pillent les oliveraies », soupire-t-il, en prenant une pause dans son travail. Sans illusion sur une issue positive des négociations, il n’est pas au courant de la rencontre entre le président palestinien Mahmoud Abbas et le Premier ministre Ehud Olmert. « De toute façon, ces réunions c’est du vent. Rien ne change pour nous ici et les colons sont toujours là. » En contrebas, à la faveur du crépuscule, Daniel et une dizaine d’autres colons gravissent déjà la colline pour réoccuper le site. Michaël BLUM et Mehdi LEBOUACHERA (AFP)
Dans la maison délabrée aux murs roses, des restes de pizza traînent sur la table. Des vêtements et des matelas sont dispersés à même le sol. La veille, les 20 colons juifs, des adolescents occupant le site, ont été expulsés par la police.
Âgés de 18 ans tout au plus, ils occupent illégalement depuis deux mois cette bâtisse arabe abandonnée, perchée sur une colline du nord de la...