Rechercher
Rechercher

Actualités

Cette jeune Égyptienne de 29 ans est régulièrement inquiétée par la police à cause de ses écrits Shahinaz, le blog ou la vie

L’une des participantes à la formation organisée par CFI est une « blogueuse » égyptienne très connue dans son pays. Elle a accepté de témoigner pour L’Orient-Le Jour. « J’ai toujours senti que j’étais étouffée. Nous le sommes tout le temps dans cette société. J’ai fait l’école catholique parce que mes parents en ont décidé ainsi. C’était l’école de ma mère qui pourtant est une musulmane pure et dure. À l’école, à la maison, il fallait toujours dire oui, “hadir”. Tout refus ou tentative de discussion était interprété comme une impolitesse et réprimé. » C’est par ces phrases que Shahinaz Abdel Salam débute son témoignage lorsqu’elle revient sur les circonstances de la création de son blog. Cette jeune femme de 29 ans, qui est ingénieur télécom, est si chaleureuse et si discrète que seul son regard déterminé laisse deviner le combat qu’elle mène au quotidien depuis qu’elle a créé son blog en février 2005. À la question de savoir ce que la formation organisée par la CFI à Alexandrie lui a apporté, elle insiste sur l’importance des rencontres qu’elle a faites durant cet atelier de travail : « Toutes ces femmes que j’ai rencontrées m’ont soutenue. J’ai senti que je n’étais plus seule. Elles ont compris l’importance du blog et pour l’avenir de NewsLab, je suis optimiste. » Comment a-t-elle commencé son aventure de « blogueuse » ? « Vers la fin 2004, le mouvement Kifaya a vu le jour. Ce qui m’a tout de suite plus, c’est que ce n’est pas un parti organisé, c’est juste un courant au sein duquel on trouve de tout : des gauchistes, des intellectuels, des Frères musulmans, des gens qui n’ont rien à voir avec la politique et qui ont juste envie de dire que ça suffit », raconte Shahinaz. « J’ai toujours voulu avoir mon site Internet. Mais avant, c’était techniquement compliqué. Avec les blogs, tout est devenu tellement simple. J’ai donc commencé à écrire en février 2005 sous le pseudonyme “wahda masriya”, une Égyptienne, parce que je ne voulais pas être classée sous une catégorie politique quelconque. Je ne le veux toujours pas, je fais juste partie de la grande majorité des Égyptiens pour qui le règne sans partage du président Hosni Moubarak ne peut plus durer. Il y a trop de corruption, trop de torture dans les prisons, trop de dictature et d’interdits », poursuit-elle. Petit à petit, Shahinaz se rend compte de la force de l’écrit. Elle participe aux manifestations, prend des photos puis court vers son ordinateur pour faire partager à ses lecteurs ce qu’elle a vu. Des lecteurs qu’elle ne soupçonne pas encore d’exister vraiment. Ensuite, elle commence à recevoir des messages d’encouragement via Internet : « Une fois, lors d’une des manifestations de Kifaya, un jeune homme est venu me voir pour me témoigner de son admiration. Il m’a dit que si je pouvais prendre tous ces risques, alors lui, il devait faire quelque chose aussi. Il m’a dit qu’il s’était rendu compte qu’il ne faisait rien. Il a alors commencé à “blogger” lui aussi, après chaque manifestation ou événement. » Les lecteurs de Shahinaz sur le Net se multiplient. Puis un quotidien égyptien, le Doustour, la reprend dans l’une de ses colonnes. Cela devient vite une habitude. Chaque semaine, elle lit une partie de ce qu’elle écrit sur son blog dans ce quotidien égyptien à grand tirage. Ensuite la chaîne de télévision qatari al-Jazira la contacte pour une interview : « À Jazira, il y a une personne dont la mission est de lire les blogs et de voir ce qui s’y passe. Quand ils m’ont appelée pour ce documentaire, j’ai été étonnée, puis agréablement surprise. Je n’ai pas voulu que cette interview soit anonyme, j’ai montré mon visage et divulgué mon nom. C’est alors que les problèmes ont réellement commencé », souligne-t-elle, un sourire aux lèvres. La police compose alors rapidement le numéro de téléphone de ses parents et leur conseille de faire en sorte que leur fille mette un terme a ses activités : « Mes parents ont voulu que je promette d’arrêter, mais je n’ai pas pu le faire. On avait réussi à casser l’obstacle psychologique que constitue la peur. La peur de parler, la peur de s’exprimer, de dire les choses comme elles sont vraiment. Les blogueurs égyptiens étaient désormais en mesure d’organiser eux-mêmes des manifestations, rien qu’en communiquant via Internet. Nous constituons aujourd’hui une partie importante de l’opposition, et l’avantage est que nous ne sommes pas politisées. De plus, nous faire taire est quasi impossible car nous ne sommes pas une organisation. Lorsque l’un d’entre nous a des démêlés avec la police, tout le monde se solidarise pour écrire de plus belle. » Elle cite l’exemple de son ami, Karim, en prison depuis plus d’un an : « Karim est issu d’une famille salafiste. Ce courant est encore plus radical que les Frères musulmans. Il faisait ses études à l’université al-Azhar. Il n’a pas pu supporter le système rigoriste qui y régnait, il a alors commencé à écrire. Il y a plus d’un an, il a été arrêté et jugé. Condamné à trois ans de prison pour avoir insulté le président Moubarak et l’islam, il est régulièrement torturé et dernièrement, on lui a cassé des dents. » Cette formation, ce blog construit à 20, Shahinaz le perçoit comme un lien indéfectible qui la lie désormais au monde extérieur : « Ce sera très dur de vivre à Alexandrie sans toutes ces filles formidables. Leur soutien m’a néanmoins rendu plus forte. » Il convient de souligner que durant les 10 jours de formation à Alexandrie, Shahinaz a été régulièrement suivie par des agents de sécurité en civil.
L’une des participantes à la formation organisée par CFI est une « blogueuse » égyptienne très connue dans son pays. Elle a accepté de témoigner pour L’Orient-Le Jour. « J’ai toujours senti que j’étais étouffée. Nous le sommes tout le temps dans cette société. J’ai fait l’école catholique parce que mes parents en ont décidé ainsi. C’était l’école de ma mère...