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Actualités - OPINION

Élection présidentielle et conjoncture régionale II. - Les premières retombées de la politique des axes

Il est évident que nombre de conséquences paraîtront à l’avenir de cette équation des axes. Cependant, si nous prenons simplement en considération les réalisations déjà accomplies, nous conviendrons que le Liban a bénéficié d’un grand lot, la révolution du Cèdre. Celle-ci a pu voir le jour grâce à l’unification des rangs entre les forces politiques sunnites, druzes et chrétiennes pour exiger le départ des troupes syriennes. Cependant, loin de réunifier les Libanais, le retrait syrien a amplifié le clivage intérieur sous différents chapitres, 14 Mars et 8 Mars, majorité et opposition, sunnite et chiite, prosyrien et prosaoudien, alimentant ainsi des tensions extrêmes sur la scène libanaise (voir L’Orient-Le Jour du jeudi 8 novembre 2007). Une autre réalisation majeure, induite par la même politique des axes, semble se dessiner au niveau du problème israélo-palestinien. La convocation prochaine à Washington d’une conférence internationale pour la paix entre les Arabes et Israël est une percée importante pour les puissances occidentales et les pays arabes membres de la coalition saoudienne. À ce stade, il n’est possible que de soulever certaines questions sur le résultat des travaux de la conférence. Est-ce que cette réunion va parvenir cette fois-ci à promouvoir la paix entre Palestiniens et Israéliens, coupant ainsi tout prétexte à l’Iran d’intervenir dans les affaires palestiniennes à travers le Hamas ou d’autres groupes armés ? Est-ce que la Syrie va signer la paix avec Israël en contrepartie de la récupération du Golan, ce qui éloignera la Syrie de ses alliés libanais et l’Iran, et la rendrait à tout le moins neutre dans toute conflagration régionale ? De toute façon, les perspectives de paix semblent porteuses d’espoir cette fois-ci pour la création d’un État palestinien sous la conduite de Mahmoud Abbas, ce qui renforcerait le camp arabo-sunnite dans la région. Néanmoins, le Liban craint que la conférence de la paix ne débouche sur une implantation des réfugiés palestiniens dans les pays d’accueil, ce qui reviendrait pour le Liban à intégrer près d’un demi-million de réfugiés palestiniens en très grande majorité de confession sunnite, modifiant ainsi totalement la physionomie démographique du Liban, ce qui poserait la question de la formule libanaise. III- Les causes internes de la crise À chaque fois que le Liban a adhéré à un axe politique dans la région, il en a subi les effets néfastes. Le président Camille Chamoun avait expérimenté cette attitude lorsqu’il avait noué des alliances avec les États adhérents au pacte de Bagdad. Ce pacte regroupait essentiellement les pays arabes conservateurs de l’époque en vue de faire face aux régimes progressistes nouvellement établis, particulièrement en Égypte par Gamal Abdel Nasser qui cherchait à promouvoir l’unité arabe. Les événements de 1958 au Liban furent la conséquence directe de cette adhésion. Le président Fouad Chéhab avait pu rétablir la neutralité du pays par rapport aux axes régionaux et renouer des relations d’amitié avec l’Égypte. Le nouveau président élu pourra-t-il renouveler cette gageure ? La situation actuelle telle qu’elle se présente nous laisse perplexes à ce sujet. Tout d’abord, les relations entre les différents organes de l’État – présidence de la République, gouvernement, présidence du Parlement – sont dans une situation de refus quasi complet de toute collaboration entre eux; l’exercice des attributions, notamment gouvernementales, ne relèvant plus des situations normales mais plutôt des circonstances exceptionnelles. L’application des dispositions de la Constitution est déphasée par rapport aux normes parlementaires et ne correspond plus aux traditions ni aux coutumes les plus ancrées dans notre système politique ; les échéances institutionnelles qui se présentent au pays sont perçues comme des bras de fer et non plus comme une compétition démocratique, l’exemple dans ce domaine étant l’élection partielle du Metn. La scène politique montre une course effrénée entre les deux bords pour dominer le pouvoir à tous les niveaux, dans toutes les institutions étatiques, notamment au niveau de la première magistrature. À moins d’un renversement d’alliances ou d’une entente entre les deux axes saoudien et iranien pour neutraliser le Liban par rapport aux conflits d’intérêt régionaux, le nouveau président ne pourra que gérer la crise actuelle en attendant des jours meilleurs, car les grands problèmes fondamentaux que les gouvernants actuels n’ont pu réussir à résoudre au cours des années précédentes vont se poser à lui avec acuité. a- Première hypothèse : le président élu est consensuel. Il suffit de citer quelques grands titres pour mesurer l’envergure du travail à faire par le nouveau régime, sinon l’ampleur de la cassure actuelle. À commencer par la formation d’un gouvernement d’union et la quote-part qui sera allouée à chaque partie où, par ailleurs, majorité et opposition devront siéger ensemble durant près de deux années, le temps que le mandat des députés actuels arrive à son terme et que le peuple tranche en faveur du camp syro-iranien ou saoudo-arabe, et cela au sein d’un gouvernement où chacun des deux camps pourra bloquer toute décision qui irait à l’encontre de ses intérêts propres ou des intérêts de ses alliés étrangers. Les deux forces se neutralisant, nous aurons un statu quo sur les grandes questions telles la résolution 1559 concernant le désarmement des milices ou la résolution 1701 sur l’arrêt des hostilités entre le Liban et Israël, et cela jusqu’à la solution des problèmes régionaux. Toujours sur le plan interne, du point de vue organisationnel, le nouveau régime aura à se pencher sur la sempiternelle nouvelle loi électorale à adopter, les statuts du Conseil des ministres en tant qu’institution collégiale, la participation effective du président de la République aux décisions du Conseil des ministres par le biais des ministres de son bloc, la décentralisation administrative, la loi sur les naturalisations, le problème des réfugiés palestiniens. Au vu de tout cela, nul besoin pour le président élu d’annoncer son programme, il s’impose de lui-même sans possibilité de s’en détacher. Il y manque évidemment quelques titres, mais bien que très importants pour la population, ils sont mis sur l’étagère, car ils ne constituent pas matière à discorde entre les communautés. Ainsi les problèmes économiques et sociaux, le déficit budgétaire, la corruption dans l’administration, la création d’emplois, la sécurité sociale, la bonne marche des services publics tels l’électricité, l’eau et bien d’autres chapitres, à tel point que le simple citoyen se demande parfois ce que les gouvernants ont fait jusqu’à présent dans le domaine de la gestion courante des services publics et des besoins des gens. b- Seconde hypothèse : le président élu n’est pas consensuel. Dans un scénario plus pessimiste, le président élu n’est pas consensuel et appartient à l’un des bords. Les tensions vont alors s’exacerber encore plus et le clivage va devenir plus prononcé, avec à l’appui des promesses de certains opposants de deux gouvernements qui vont se manifester en même temps, respectivement représentatifs des deux camps. Or, dans le cas où cette possibilité viendrait à se réaliser, ces deux cabinets, qui vont exercer les mêmes prérogatives constitutionnelles, seront en confrontation aux mêmes problèmes ; la doublure actuelle au ministère des Affaires étrangères entre le ministre démissionnaire Salloukh et le ministre par interim Mitri donne un aperçu de ce qui pourrait arriver. Dans ce même domaine des Affaires étrangères, le premier, et non des moindres des problèmes auxquels les deux gouvernements seront confrontés, concerne l’exécution des résolutions internationales ; la résolution 1701 qui a décrété un arrêt des hostilités entre le Liban et Israël nécessite un suivi avec les Nations unies, ainsi que d’ailleurs avec les pays qui forment la force internationale, la Finul. La question se posera de savoir avec lequel des deux gouvernements en place ces pays vont traiter. Aucune comparaison ne peut être faite avec la situation qui prévalait en 1988, quand il y avait effectivement deux gouvernements et, au Sud, la force internationale de la Finul. À cette époque, le gouvernement du général Aoun n’exerçait sa domination que sur un périmètre restreint du territoire alors que le gouvernement Sélim Hoss contrôlait la majeure partie du pays, ce qui ne posait aucun problème de relations entre l’État libanais et les forces internationales stationnées en vertu de la résolution 425. Mais de nos jours, le Sud constitue un fief du Hezbollah et donc les problèmes seront à traiter avec le second gouvernement, celui-là même qui ne sera pas reconnu en principe par la communauté internationale. Un autre problème tout aussi ardu concerne la résolution 1559, surtout en ce qui a trait au démantèlement des milices armées, exigence posée avec insistance par les puissances occidentales. Tant que la politique des axes dominera la région, on peut douter que le Hezbollah désarmera ses hommes ou que les Palestiniens des camps remettront les leurs de leur plein gré. Face aux surenchères, les Libanais de toutes tendances essaient de comprendre les véritables enjeux. Mais loin de former une opinion publique importante, qui pourrait en d’autres lieux faire pencher la balance, ils s’associent aux thèses des uns et des autres selon leur allégeance à ce leader ou à l’autre. Quelques-uns, sans attache politique, suivront avec attention les débats afin d’être éclairés sur les orientations politiques des uns et des autres. Malheureusement, de temps à autre, les citoyens de tous bords sont réveillés en sursaut de ces monologues médiatiques par le bruit sourd d’une explosion dont nul n’arrive à situer la provenance. Un attentat vient d’être exécuté par des forces occultes, un nombre incalculable de morts et de blessés ont été fauchés, des gens paisibles, des innocents, des citadins comme vous et moi, dont la seule erreur fatale a été de s’être trouvés au mauvais moment à proximité de la personne ciblée. Certains d’entre vous diront philosophiquement que c’est le destin ; d’autres vous assureront que c’est la volonté divine qui en a voulu ainsi, alors que ceux qui ne croient plus en rien parleront du hasard. Il est évident que ce n’est pas par des élucubrations métaphysiques que le Liban sortira du désordre actuel. Francis KARAM Docteur en droit public
Il est évident que nombre de conséquences paraîtront à l’avenir de cette équation des axes. Cependant, si nous prenons simplement en considération les réalisations déjà accomplies, nous conviendrons que le Liban a bénéficié d’un grand lot, la révolution du Cèdre. Celle-ci a pu voir le jour grâce à l’unification des rangs entre les forces politiques sunnites, druzes et...