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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Son dernier roman, « La Princesse des Batignolles », est déjà en librairie Pour Carole Dagher, le présent est un passé ignoré

Après « Le couvent de la lune » et « Le seigneur de la soie » (Plon), Carole Dagher poursuit son exploration du passé par l’écriture romanesque. Avec « La Princesse des Batignolles », qui vient de paraître aux éditions du Rocher, elle entraîne ses lecteurs sur les pas de Marina, une princesse Chéhab, qui se retrouve exilée à Paris à la suite des massacres de 1860, où elle va s’adonner à la peinture, fréquenter le cercle des impressionnistes, épouser l’un d’entre eux, avant de se laisser rattraper par l’Orient. Courant de la fin du XIXe au début du XXe siècle, ce roman entremêle intrigues politiques et histoires d’amour sur une gigantesque toile de fond, qui s’étire d’un Paris bohème et haussmannien vers un Levant agité par les conspirations des nationalistes et les dernières convulsions de l’Empire ottoman, avant l’avènement du mandat français en 1920. Une fiction historique de la même veine que ses deux précédents romans, dont les événements se déroulaient également au confluent des deux derniers siècles. Une période charnière pour le pays du Cèdre, un terreau riche en événements fondateurs dans lequel Carole Dagher puise une inspiration mue par la volonté de mieux appréhender le présent grâce à une meilleure connaissance du passé. Car « l’histoire n’a pas cessé de se répéter depuis un siècle et demi, fait-elle remarquer. Et l’on ne peut que faire le parallèle entre le début du XIXe siècle jusqu’à 1920 (date de la proclamation par le général Gouraud du Grand-Liban), et la période actuelle, celle de l’indépendance retrouvée, ou plutôt l’indépendance pour laquelle on continue à se battre. Les défis sont les mêmes. Le tragique de la vie quotidienne est le même. La tentation de l’exil, ce dilemme entre partir et rester, est toujours là. Il semble donc que cette histoire nous habite et qu’elle habitera encore les Libanais pour plusieurs générations ». Ce dilemme de l’exil, Carole Dagher en a fait l’axe central de La Princesse des Batignolles à travers les figures opposées de Marina et de son frère, le prince Mikaël. La première emblématique « de toute une génération – dont l’auteur fait partie – que les événements, la guerre a poussée à l’exil, qui veut s’intégrer dans la société française et oublier l’Orient, ses intrigues, le drame et le sang », tandis que le second incarne « l’attachement à l’Orient, l’envie d’y retourner et de se battre pour la liberté, pour un avenir meilleur, à l’image de ces Libanais qui ont fondé en Égypte les journaux de la Nahda ». Dédicacé aux martyrs de la révolution du Cèdre, ce livre évoque, entre autres événements, la lutte pour l’indépendance des martyrs de 1907 et cette place des Martyrs « qui, à l’époque déjà, avait été baptisée place de la Liberté et qui a retrouvé ce nom, des décennies plus tard, par une sorte de réflexe atavique de tout un peuple », souligne l’auteur. Laquelle signale, par ailleurs, qu’« il faut arriver au bout du livre pour saisir pleinement le sens de cette dédicace». D’une vie à une autre Ce roman, Carole Dagher le portait en elle depuis plusieurs années. Sans doute à cause de sa propre « attirance pour la peinture impressionniste », dont elle raconte l’éclosion et fait revivre ses plus célèbres représentants, de Manet, le chef de file, à Monet, en passant par Degas, Cézanne, Pissaro, Renoir... Mais aussi peut-être parce qu’en brossant le portrait d’une femme libre, passionnée et finalement très contemporaine, l’auteure a mis beaucoup d’elle-même. Tout comme son héroïne, cette princesse orientale rebaptisée par Manet La Princesse des Batignolles, qui changera de vie en passant d’une latitude à une autre, Carole Dagher a elle aussi « changé de vie » en bifurquant du droit au journalisme, puis aux essais politiques avant de se consacrer à l’écriture romanesque. De la fiction historique pour être plus précis, car cette férue d’histoire n’aime rien tant que glisser ses héros fictifs dans les vies et les destins de personnages historiques ayant réellement existé, pour semer le trouble... dans l’esprit des lecteurs. Le souci de la vérité historique De sa formation de juriste, elle a acquis l’approche documentée d’un sujet et « le souci de la vérité historique ». « Je respecte beaucoup les personnages et les événements du passé », affirme-t-elle. Car, tout en usant de l’apanage du romancier, qui consiste à introduire de la fantaisie et à jouer avec l’histoire, elle cherche en premier lieu à « écrire des histoires qui peuvent sembler vraisemblables ». De son expérience journalistique – une carrière débutée d’ailleurs à L’Orient-Le Jour – , elle a gardé ce même souci de véracité – un journaliste a besoin d’étayer ses affirmations pour ne pas se faire démentir – et cette envie de « témoigner », d’exprimer ses opinions, qui, en la faisant « trop déborder » sur sa page de journal, l’a menée par la suite vers l’écriture d’ouvrages édités. Des livres politiques dans un premier temps tout naturellement, dont Les paris du général, ainsi qu’un ouvrage de synthèse sur son expérience de journaliste dans le Liban d’après-guerre qui essayait de se remettre debout et de jeter des ponts entre les communautés, intitulé – d’une phrase de Jean-Paul II – Faites tomber les murs. Puis vint le temps du roman, grâce à une rencontre déterminante avec un éditeur français qui lui dit un jour : « Vous avez fait tellement de recherches et de documentations qu’on vous voit très bien écrire un roman historique fouillé. » Il n’en fallait pas plus pour « titiller un faible que j’ai toujours eu pour l’histoire », avoue-t-elle. Et voilà que cette journaliste politique qui pensait « attendre sa retraite pour se mettre au roman historique » se lance et change totalement de voie. Mais pas de voix. Car en passant des écrits politiques aux récits historiques, elle « continue à écrire sur le Liban d’aujourd’hui, mais à travers sa naissance », soutient-elle. Elle avait d’ailleurs remarqué, « en traitant du présent », au cours de ses années de journalisme, « à quel point il était déterminé par le passé». D’où son envie de « fouiller l’histoire. Laquelle est toujours très présente, et si elle est encore si présente, c’est parce qu’on l’ignore »... Zéna ZALZAL
Après « Le couvent de la lune » et « Le seigneur de la soie » (Plon), Carole Dagher poursuit son exploration du passé par l’écriture romanesque. Avec « La Princesse des Batignolles », qui vient de paraître aux éditions du Rocher, elle entraîne ses lecteurs sur les pas de Marina, une princesse Chéhab, qui se retrouve exilée à Paris à la suite des massacres de 1860, où elle va...