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Actualités - CHRONOLOGIE

Dès 1790, il est fait mention d’un grand commerçant de Zahlé établi à Rio de Janeiro L’empereur Dom Pedro II s’installe, en 1876, à l’hôtel « Belle Vue » à Beyrouth : les Libanais découvrent le Brésil Roberto KHATLAB

Les relations entre les nations sont principalement marquées par des raisons objectives, diplomatiques, politiques et économiques, qui déterminent les intérêts réciproques. Mais entre le Liban et le Brésil, elles ont échappé à ces règles parce que l’originalité des relations entre les deux pays est qu’elles sont basées sur un échange de vie, ce qui a fait prospérer la plus grande colonie de Libanais à l’étranger.  L’émigration libanaise au Brésil existe depuis la création du Brésil, le Portugal ayant eu déjà des relations avec la Syrie/Liban, dès le XIIe siècle. En 1790, on trouve même mention d’un grand commerçant libanais de Zahlé établi à Rio de Janeiro, Élia Antoun Lebbos, venu du Portugal et qui a changé son nom en Elias Antonio Lopes. Il fut le propriétaire d’une des plus grandes maisons de la ville, que le roi du Portugal Dom João VI, fuyant l’invasion de son pays par l’armée française de Napoléon Ier, acheta en 1808. Il en fit son palais et s’y installa avec sa famille et sa cour, avec laquelle il s’employa à recréer une ambiance « à l’européenne ». Aujourd’hui, après plusieurs modifications, elle est devenue le musée national Quinta da Boa Vista de Rio de Janeiro. Mais revenons au XIXe siècle. C’est à cette époque que les Libanais commencèrent vraiment à émigrer vers le Nouveau Monde. Le Brésil était alors un empire indépendant avec un très grand territoire de 8,5 millions de km2 et une population de 10 millions d’habitants. Il jouissait d’un climat tropical et d’une nature riche. On peut se demander toutefois comment un empire d’Amérique latine pouvait être connu des Libanais qui vivaient de l’autre côté du monde ?   Au XIXe siècle, le peuple libanais, vivant sous la domination de l’Empire ottoman, était à la recherche d’un idéal de liberté et d’une terre d’opportunité. Trois occasions permettront que le Brésil soit connu des Libanais et devienne un pays d’émigration important depuis 1880 : - La première a été la visite au Liban de l’empereur du Brésil, Dom Pedro II (petit-fils du roi du Portugal Dom João VI), le 10 novembre 1876. Accostant au port de Beyrouth, il écrit : « À partir d’aujourd’hui commence un nouveau monde. Le Liban se présente devant moi, avec ses montagnes enneigées, d’un aspect grandiose. » L’empereur, qui était un intellectuel n’accordant pas trop d’importance au protocole, s’installa à Beyrouth dans le secteur de Karm-el-Zeitoun sur le bord de mer à l’hôtel Belle Vue, aujourd’hui disparu. Il a pu ainsi visiter la ville et, comme il parlait l’arabe – ainsi que de nombreuses autres langues –, rencontrer le peuple avec lequel il a pu communiquer. Victor Hugo avait écrit de lui, dès 1840 : « Pour les Brésiliens, Dom Pedro II continuera d’être le petit-fils de Marc Aurèle, parce qu’il parle l’italien comme un Toscan, le français comme un Parisien, l’allemand comme un Prussien et l’anglais comme un professeur britannique... » Toujours intéressé par le problème de l’enseignement, l’empereur s’est rendu au Collège Notre-Dame de Nazareth puis au Collège protestant syrien (aujourd’hui l’American University of Beirut - AUB), où il s’est entretenu avec plusieurs professeurs et étudiants dont Nehmé Yafet, devenu l’un des pionniers de l’émigration libanaise au Brésil. Il a rencontré ensuite le patriarche maronite Boulos Massaad et a poursuivi son chemin vers Chtaura, Zahlé et Baalbek, dans la plaine de la Békaa, puis la Syrie, la Palestine et l’Égypte. Dans son journal de voyage, il décrit ses impressions. Ayant trouvé les Libanais très dynamiques, il les invite à émigrer vers le Brésil, en les assurant qu’ils seraient bien reçus et connaîtraient la prospérité. - En 1879, l’évêque grec-catholique Basilios Hajjar, devenu archevêque de Saïda et de Deir el-Qamar, s’est rendu au Brésil et a été reçu par l’empereur qui lui a décerné une médaille en symbole d’amitié. Il est revenu au pays avec un financement des évêques brésiliens, qui lui a permis de réhabiliter son église, et de construire une école et un orphelinat. - À la même période, le Brésil avait comme consul à Alexandrie un émigré libanais, le comte Michel Debbané, originaire de Saïda, auquel l’empereur avait rendu visite lors de son premier périple en Orient en 1871. Il avait alors inauguré l’église grecque-catholique São Pedro, y rencontrant un grand nombre de membres de la communauté libanaise établie en Égypte. Nicolas Debbané, frère du consul, écrivain et humaniste libano-brésilien, avait décrit Dom Pedro II comme « l’ambassadeur intellectuel du Brésil dont le point de vue et la valeur intellectuelle, plus que les armes, assurent la grandeur d’un pays ». Roberto KHATLAB Chercheur au Centre de recherche sur l’émigration libanaise - LERC/NDU et au Musée national de Rio de Janeiro - MN /UFRJ, auteur de plusieurs publications Prochain article: Les trois vagues de l’émigration libanaise vers le Brésil
Les relations entre les nations sont principalement marquées par des raisons objectives, diplomatiques, politiques et économiques, qui déterminent les intérêts réciproques. Mais entre le Liban et le Brésil, elles ont échappé à ces règles parce que l’originalité des relations entre les deux pays est qu’elles sont basées sur un échange de vie, ce qui a fait prospérer la plus...