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Actualités - CHRONOLOGIE

Élections estudiantines aujourd’hui à l’USJ Quand la politique ne fait plus rêver… Mahmoud HARB

«Le candidat sur lequel nous nous sommes entendus a publié un communiqué dans lequel il affirme être favorable à la formation du tribunal international, à l’application des résolutions internationales et à la tenue du scrutin présidentiel dans les délais constitutionnels. Il tient à son indépendance politique et cela ne nous dérange guère. L’essentiel est qu’il ait adopté les principes auxquels nous croyons. » De prime abord, l’on pourrait croire qu’il s’agit là de l’annonce tant attendue d’une entente entre la majorité et le 8 Mars, concernant l’élection présidentielle. Eh bien, détrompez-vous… Ces propos ne proviennent ni de Bkerké ni de Koraytem, et encore moins de Aïn el-Tiné. Et l’élection de notre prochain magistrat suprême n’est pas encore pour demain matin… Le fait est que cette déclaration est celle de Rachid Hajjar, coordinateur du Courant du futur à l’Université Saint-Joseph (USJ), expliquant les circonstances de l’entente entre le 14 Mars et l’opposition sur le président de l’amicale de la faculté de droit. Tribunal, résolutions onusiennes, présidentielle… Ces termes vous semblent-ils familiers ? C’est dire à quel point la communauté estudiantine de l’USJ, qui procède aujourd’hui à l’élection de ses représentants, incarne un microcosme de la société libanaise, tiraillée entre deux camps ayant adopté pour « label » deux dates désormais symboliques du mois de mars. Et si l’entente entre les chefs relève toujours du domaine de l’hypothétique, il en est de même pour leurs cadets qui, tout en abordant la politique en dilettante, baignent dans une ambiance guère propice aux accords et à la conciliation. Une atmosphère hostile à l’élaboration d’une plate-forme estudiantine proprement dite. Bien au contraire, l’entente à la faculté de droit demeure orpheline ou presque, et la polémique demeure essentiellement politique. Une entente bancale Il convient de souligner d’emblée que les parties prenantes au processus électoral estudiantin s’articulent autour du clivage désormais classique entre les différentes composantes libanaises : Courant du futur, Parti socialiste progressiste, Forces libanaises, Gauche démocratique et Kataëb d’un côté, Courant patriotique libre, Hezbollah, Amal et Parti syrien national social (PSNS), d’un autre. Certes, toutes les listes concurrentes revendiquent un programme portant sur l’enseignement et le divertissement, comme l’ont martelé les différents responsables estudiantins interrogés par L’Orient-Le Jour. En effet, les uns et les autres promettent des voyages collectifs à l’étranger, des excursions au Liban, de nouvelles prestations académiques, etc. Mais l’essence même de la confrontation demeure politique, d’autant que les résultats des élections constitueront un indice mesurant la popularité des différents protagonistes de la scène politique. Du côté du CPL, les deux responsables estudiantins Mario Chamoun et Mark Sassine aiment à rappeler que « l’année dernière, le courant aouniste avait remporté l’intégralité des 12 sièges de président ». « Nous sommes aujourd’hui un parti qui n’a plus à prouver sa force », ajoutent-ils, indiquant que leur objectif cette année est de « créer des liens d’amitié entre les étudiants, au-delà des différends politiques », mais aussi d’« attirer les indépendants qui tournent dans l’orbite du CPL, en leur accordant un soutien désintéressé ». Pour sa part, le jeune cadre des FL, Fadi Hajj, insiste également sur « la nécessité de servir les intérêts des étudiants, en dépit de la dimension politique du scrutin ». Il rejoint toutefois son confrère du Courant du futur, Rachid Hajjar, pour préciser que l’enjeu fondamental pour les candidats du front souverainiste est d’« imposer la primauté des principes du 14 Mars qui, seuls, peuvent nous débarrasser des résidus des années de tutelle ». Fadi Hajj affirme que « cette année, les FL et le CPL ont un certain penchant pour les accords, afin d’éviter d’exacerber les tensions politiques, d’autant que nous sommes en période d’élection présidentielle ». « Mais chacun envisage le compromis à travers son propre point de vue, et dans les facultés où la situation est la plus tendue, nous n’avons pas réussi à parvenir à un accord », poursuit-il. Les ententes ont donc été conclues au cas par cas, au sein d’un nombre restreint de campus. Pour le CPL, cela est essentiellement dû au fait que « le 14 Mars a accepté le compromis là où il jouit d’une faible popularité et a choisi la confrontation dans les autres cas. La preuve est qu’ils ont refusé le dialogue initié par le fils du président Berry, Bassel, à l’Université américaine ». « Dès lors, nous avons adopté une attitude rigide et nous avons choisi la voie de la confrontation démocratique, faute d’un accord global », estime Mark Sassine. Le jeune cadre du Courant du futur affirme de son côté que « l’entente n’est pas indispensable. Le nombre de sièges que nous pouvons obtenir est loin d’être notre souci principal. De toute façon, il semble que les parties de l’autre camp ne coopèrent pas entre elles, vu que le Hezbollah nous a proposé un compromis à la faculté de gestion, contre des sièges à la faculté de droit, sans inclure le CPL dans la démarche ». La guerre des rumeurs À défaut d’entente et de divergences significatives dans la tranche académique et culturelle des programmes électoraux respectifs, la compétition démocratique tourne à l’échange d’accusations et de contre-accusations, dont il est pratiquement impossible de mesurer le degré de véracité.  « Les extrémistes, minoritaires chez nous, sont légion au sein de l’autre camp », affirment Mario Chamoun et Mark Sassine. Les deux cadres de la section jeunesse du CPL accusent des partisans du 14 Mars de tenter d’« intimider les candidats et électeurs de l’opposition ». « Nous subissons quotidiennement des menaces, des provocations et des actes de vandalisme. Pour le moment, nous nous retenons et demandons à nos militants de ne pas répliquer à ces agissements. Mais le 14 Mars interprète notre silence comme un signe de faiblesse. Et nous finirons tôt ou tard par réagir », affirment-ils. Les représentants du 14 Mars démentent catégoriquement « ces allégations ». Le recteur de l’université, le père René Chamussy, affirme de son côté qu’il n’a « jamais été informé de pareilles atteintes à la discipline ». Quant à la dimension politique de la confrontation, Fadi Hajj estime que « le CPL est incontestablement un allié des partis prosyriens et tient un discours de langue de bois. Nous autres du 14 Mars sommes contre toute sorte d’hégémonie étrangère sur le Liban. Telle est l’essence de la divergence de points de vue ». Mario Chamoun et Mark Sassine considèrent pour leur part que « les représentants de la majorité à l’USJ ont recours au clientélisme pour attirer l’électorat, à l’instar des pratiques de leurs chefs, sur le plan national ». Ils dénoncent des « distributions de livres, de cédéroms et de cartes téléphoniques, ainsi que l’organisation de dîners gratuits ». Le coordinateur des FL riposte en expliquant que « les livres ont été vendus dans un but non lucratif et non pas donnés gratuitement, et le dîner était payant, pour collecter des fonds ». Le cadre estudiantin du Courant du futur reconnaît toutefois que des cédéroms ont été distribués, pour aider les étudiants à préparer leurs examens et leurs rapports de stage, « ni plus ni moins ». Et la question inéluctable du communautarisme ne manque pas, bien entendu, de ressurgir. « Nous sommes accusés de vouloir islamiser l’université car nous avons présenté des candidats musulmans. Mais nous sommes laïcs et nous voulons assurer la représentation de toutes les composantes sociales au sein des instances estudiantines », soulignent les deux responsables du CPL. Leur confrère des FL répond que « la dimension confessionnelle ne saurait être ignorée. Et la représentation doit être fidèle à la réalité sur le terrain ». « De toute façon, nous avons cinq candidats chrétiens et cinq autres de confession musulmane à la faculté de gestion, quand bien même l’effectif des étudiants chrétiens représente le double du nombre de leurs collègues musulmans ! » Chacun des deux camps accuse enfin l’administration d’être biaisée en faveur de l’autre camp. Le père Chamussy insiste de son côté sur l’impartialité des administrateurs, qui, d’ailleurs, ont refusé de répondre aux questions de L’Orient-Le Jour, « pour ne pas influencer le cours des élections ». « Aucune plainte pour agression n’a été déposée pour le moment. Pour nous, lundi (aujourd’hui) est la journée de la citoyenneté et de la démocratie. Il ne s’agit pas d’une question politique. Je lutte pour qu’on se soucie exclusivement des étudiants et non pas des dirigeants politiques. Nos étudiants sont suffisamment matures pour construire leur pensée et défendre leurs intérêts. Tout doit se passer dans le calme », ajoute-t-il. Ce calme n’a été pour le moment perturbé que par la joute verbale, alors que toutes les parties insistent sur « la nécessité d’éviter les rixes », et s’accordent pour dire que « les foyers de tension demeurent sporadiques ». Cependant, la polémique ne manque pas de dégénérer dans certains cas. Par exemple, le débat organisé jeudi soir à la faculté des sciences humaines a rapidement tourné à la dispute. Mona Melhem, candidate indépendante, inscrite sur la liste du 14 Mars, baptisée liste des 170, en hommage aux 170 soldats tués à Nahr el-Bared, accuse la présidente sortante, une militante du CPL, d’avoir « délibérément provoqué la polémique, à travers un discours biaisé, bien qu’elle doive se comporter avec impartialité ». « La règle est que le débat est suspendu si le public intervient directement, note-t-elle. L’assistance ne peut qu’adresser des questions écrites aux candidats. La présidente sortante a lu une attaque violente contre l’une de nos candidates, sœur d’un martyr de l’armée. La personne visée a bien entendu riposté avec émotion. La séance a été levée et une escarmouche a été évitée de justesse. » L’impossible dynamique sociétale Martyrs de l’armée, quorum de l’élection présidentielle et conflits régionaux entachent intrinsèquement les discours électoraux à l’Université Saint-Joseph. La politique n’a guère épargné le mouvement estudiantin. L’on voit mal comment l’élection de tel ou tel délégué dans une faculté libanaise pourrait influer sur la formation du tribunal international ou faciliter la libération de Jérusalem. Au-delà du monde académique, ces discours signifient purement et simplement que les différents acteurs libanais se sont dilués dans les flots de la crise politique, dont les effets délétères dépassent le cadre de la léthargie étatique, pour étouffer dans l’œuf toutes prémices de dynamique sociétale. Quand bien même la politique ne constitue plus un catalyseur de rêves et de vision idéaliste, mais un facteur de désillusion systématique, les divers protagonistes de la société s’y sont impliqués au point de devenir incapables de développer une vision défendant les intérêts des tranches dont ils sont censés être les porte-parole, et de pratiquer une politique rationnelle de défense des enjeux propres à leur public. Ainsi, les organisations estudiantines ne véhiculent plus les revendications qui sont traditionnellement de l’apanage des mouvements de jeunesse, comme la gratuité de l’enseignement, le développement de la culture ou l’évolution des mœurs. À défaut de se soulever contre ses aînés, la jeunesse se contente de faire écho à leurs dissensions. Un Mai 68 libanais n’est malheureusement pas envisageable, à court terme. Et même ce rêve d’union et de réconciliation qui naquit le 14 mars 2005, sur la place de la Liberté, n’a ni su ni pu résister aux retombées abrasives de cette impossibilité de vivre ensemble. Pour le moment, la société libanaise continue à entretenir ses paradoxes, sans pouvoir conjurer les tentations de son passé, à l’image de cet antique Orphée qui, en traversant les chemins de l’enfer, n’a pu se retenir de regarder en arrière. Seulement pour voir son rêve le plus cher s’effondrer comme statue de sel…
«Le candidat sur lequel nous nous sommes entendus a publié un communiqué dans lequel il affirme être favorable à la formation du tribunal international, à l’application des résolutions internationales et à la tenue du scrutin présidentiel dans les délais constitutionnels. Il tient à son indépendance politique et cela ne nous dérange guère. L’essentiel est qu’il ait adopté les...