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Actualités - OPINION

Ni roi ni faiseur de roi ?

En politique, comme dans la vie de tous les jours, rien n’est jamais trop noir ou trop blanc. Certes, il y aura toujours une différence entre les hommes et les femmes qui défendent des principes, une certaine conception de la vie et des choses, et ceux qui s’en moquent et naviguent au gré des opportunités. Mais oublions les seconds. Leur cas ne présente aucun intérêt dans une démarche qui consiste à se pencher sur les heurs et malheurs des premiers, à identifier les blocages auxquels ils sont susceptibles de se heurter, les succès qui les attendent ou les échecs qui les guettent et, surtout, les contradictions dans lesquelles il leur arrive de s’empêtrer quelquefois. Admettons une bonne fois pour toutes que le général Michel Aoun est un homme de principes. Des critiques un peu trop zélés y rechigneront, bien sûr. Ils vous rappelleront son comportement au moment de la débâcle de Baabda en 1990, ses alliances contre nature aujourd’hui, son ambition présidentielle immodérée confinant à la mégalomanie, etc… Écoutons plutôt ses partisans : en 90, il était abandonné de tous et n’avait pas le choix. En 2005, il a été piégé et placé dos au mur par ses pseudo-alliés. Quant à son prétendu penchant pour la présidence, il n’est qu’esprit de sacrifice au service de son peuple, lequel ne réclame nul autre que lui. Soit. Michel Aoun est un homme de principes. N’en discutons plus. Il se trouve aussi que c’est un homme de principes très populaire. Qui oserait le nier ? Par conséquent, il est parfaitement normal de joindre sa voix à celle de ses partisans : alors, en effet, pourquoi pas lui ? On peut apporter toutes sortes de réponses à cette question. Certaines seront peut-être légitimes, d’autres moins. Aucune pourtant ne satisfera les amis du général qui se fondent sur un raisonnement à la fois simple et indiscutable : la présidence de la République revient à un chrétien maronite ; or Michel Aoun est la personnalité la plus populaire chez les chrétiens (même si elle l’est un peu moins chez les maronites depuis la partielle du Metn). Donc : la présidence devrait revenir à Michel Aoun. Jusqu’ici, la logique est imparable et l’on ne peut qu’y souscrire, intellectuellement parlant. Le vrai problème, à partir de là, c’est de savoir si la réalité va suivre. En d’autres termes, à supposer que tout le monde soit intellectuellement d’accord pour admettre que le général et la présidence sont voués l’un à l’autre, que fait-on si, par un concours de circonstances fâcheuses ou par la plus noire des injustices, l’un et l’autre finissent par se rater ? Michel Murr, un valeureux allié du général (en termes de voix électorales), dont les qualités pragmatiques ne sont plus à démontrer, a trouvé la réponse, ou plutôt une moitié de réponse : « Le général Aoun saura se sacrifier à l’intérêt de la nation si cet intérêt exige qu’il ne soit pas candidat », répète-t-il depuis quelque temps. L’intéressé, lui, fait la sourde oreille : « Je suis le roi et je n’accepterai pas d’être un faiseur de roi », répond-il en écho. Homme de principes, le général ne peut qu’être fier de cet implacable credo. Si implacable que la chute risque de l’être tout autant. Non pas sa chute à lui, car cela serait somme toute secondaire, mais celle des 30, 40, 50, 60 ou 70 % des chrétiens du Liban qui le soutiennent. Tentons une explication… et faisons en sorte qu’elle soit aussi simple et indiscutable que l’équation évoquée ci-dessus : le général Michel Aoun est le plus populaire des chefs chrétiens. Il est donc le plus habilité à parler au nom des chrétiens et à défendre leurs intérêts dans l’édifice national. À ce titre, il est censé remporter la course à la présidence. Jusqu’ici, tout est limpide. Le général est aussi, pour le moment, dans la même tranchée que le Hezbollah, le mouvement Amal et les formations prosyriennes. L’adversaire (le 14 Mars) ne veut pas de lui comme président. Le Hezbollah non plus apparemment. Il ne pourra donc pas être le roi. En revanche, sa position lui permet, conjointement avec le pilier chrétien d’en face, d’être un faiseur de roi. Il s’y refuse. Résultat : c’est le Hezbollah (avec tous les autres) qui le sera… En 2005, à l’issue des élections législatives, Amal et le Hezbollah, deux formations rivales qui en sont à plusieurs reprises venues aux mains dans le passé, présentent un candidat unique à la présidence de la Chambre : Nabih Berry. C’est ce qu’on appelle un « verrouillage » de communauté : que les autres acteurs confessionnels et politiques de la société soient satisfaits ou pas, Nabih Berry est vissé au perchoir. Pourquoi un tel « verrouillage » ne serait-il pas possible chez les chrétiens en ce qui concerne la présidence de la République ? La question mérite d’être posée. Et puis, lorsqu’on bâtit tout son discours politique sur la défense de la présence et du rôle des chrétiens dans ce pays, lorsqu’on hurle à l’islamisation rampante, lorsqu’on accuse les chrétiens de la majorité d’être à la traîne des sunnites, a-t-on logiquement le droit de tout faire pour que des non-chrétiens décident de qui sera le président ? Si, à la limite, le général Aoun avait maintenu son ancien discours, lorsqu’il refusait par exemple de reconnaître à la Syrie le droit de négocier avec d’autres entités libanaises que l’État libanais, lorsqu’il ne reconnaissait pas lui-même ces autres entités, il aurait certes été aujourd’hui davantage en harmonie avec lui-même. Mais se prétendre champion des droits chrétiens et être en même temps la cause de la multiplication des décideurs en matière de présidence de la République, c’en est tout de même trop ! Il n’est peut-être pas trop tard. Un jour ou l’autre, il faudra bien que Michel Aoun se décide enfin à faire… de la politique. Et en politique, comme dans la vie de tous les jours… Élie FAYAD
En politique, comme dans la vie de tous les jours, rien n’est jamais trop noir ou trop blanc. Certes, il y aura toujours une différence entre les hommes et les femmes qui défendent des principes, une certaine conception de la vie et des choses, et ceux qui s’en moquent et naviguent au gré des opportunités.
Mais oublions les seconds. Leur cas ne présente aucun intérêt dans une...