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À Wadi el-Natroun, un centre de désintoxication aux allures de village de vacances

De petites constructions blanches entourées de bougainvilliers multicolores, des espaces communs où des chaises en osier ont été posées, un seul épicier qui vend biscuits et sodas, et des jeunes gens qui discutent, qui jouent au tennis de table ou qui se promènent. À une heure et demie de la capitale égyptienne, sur la route reliant Le Caire à Alexandrie, un centre de désintoxication a pris des allures de village de vacances. Ici il n’y a pas de portes ou de gardiens, mais un immense champ d’oliviers, les fondateurs de l’établissement ayant planté 6 500 arbres dans le but d’aider au financement du centre. Le centre de La liberté pour la réhabilitation des toxicomanes a été construit en 1991 à Wadi el-Natroun. La zone était très chère aux pharaons durant l’Antiquité. Cette vallée leur pourvoyait le sel nécessaire à l’embaumement de leurs momies afin qu’elles puissent effectuer le voyage vers une nouvelle vie. Plusieurs milliers d’années plus tard, à Wadi el-Natroun, ce centre de sevrage et de réhabilitation, destiné uniquement aux jeunes gens, permet aux anciens toxicomanes de mener une nouvelle vie. Présentant le centre qu’il avait lui-même lancé en 1991, le Dr Ehab Kharrat, conseiller auprès du programme régional de lutte contre le sida relevant du PNUD, indique que « 90 % des personnes qui terminent leur traitement ne font pas de rechute et que 50 % des toxicomanes accueillis suivent le programme du centre jusqu’au bout ». Le Dr Kharrat a commencé son projet en 1989, dans la salle de réunion d’une église, en mémoire d’un ami qu’il n’a jamais pu sauver de la drogue. Aujourd’hui, les centres de La liberté pour la réhabilitation des toxicomanes existent dans les quatre coins d’Égypte et accueillent chaque année 250 à 300 jeunes qui ont choisi d’arrêter la drogue. Certains d’entre eux, un nombre infime, peut-être 1 %, ont le sida. Mais ici, contrairement à d’autres institutions dans le monde arabe, la confidentialité est de mise. Dans cet endroit qui n’a ni portes ni gardiens, la salle de sports, avec ses machines et ses miroirs, a été installée en plein air. Les jeunes peuvent également profiter d’un club sportif qui se trouve à proximité. Ici également, d’anciens toxicomanes reviennent pour aider ceux qui veulent se débarrasser définitivement de la drogue. Ils passent du temps avec eux, les écoutent. Un programme en douze étapes Le centre, qui a un budget annuel de cinq millions de livres égyptiennes, adopte le programme de réhabilitation en douze étapes, semblable à celui des alcooliques anonymes. Ici, tout le monde se soutient, les nouveaux pensionnaires du centre et les anciens, qui viennent parfois pour se ressourcer ou qui ont décidé de travailler sur place en tant que moniteurs. Ici, on est accueilli par les applaudissements quand on livre son témoignage. Et, bien sûr, comme chez les alcooliques anonymes, l’intensité des applaudissements est proportionnelle à la durée des heures, des jours, des mois et des années que l’on a passés sans se droguer ou sans boire de l’alcool. À la tribune, les témoignages se ressemblent, s’entremêlent. On parle de la famille, des amis, de la première cigarette entre copains, des cocktails de médicaments, de nombreuses lignes de cocaïne et des injections d’héroïne. On s’attarde sur les beaux moments qu’on aurait dû réussir, mais que l’on a ratés parce que l’on était tout simplement pris par la drogue. Un moniteur parle de son expérience : « J’ai 39 ans et ça fait 5 ans, 7 mois et 29 jours que j’ai arrêté de me droguer. Je suis père de deux filles, l’aînée âgée de 9 ans et la cadette de 6 ans. Je mène une vie normale désormais. J’ai eu une enfance normale, mais je m’étais toujours plaint des choses qui m’entouraient. Rien ne me rendait heureux. J’ai commencé à fumer des joints à l’âge de 14 ans sans jamais penser que je deviendrai un jour toxicomane. Pourtant, durant huit ans avant mon sevrage, je me shootais tous les jours à l’héroïne. Parfois je ne pouvais même pas acheter une seringue parce que je savais que j’étais poursuivi par la police. D’ailleurs, j’avais été arrêté à plusieurs reprises. C’est à la mort de ma mère que j’ai décidé d’arrêter de me droguer. Je savais que je n’avais plus personne pour s’occuper de moi. Je me suis donc confié à ma sœur qui m’a conseillé le programme du centre de La liberté. Ma vie a changé, et j’ai voulu continuer avec le programme, je suis donc devenu moniteur et je soutiens les personnes qui ont besoin d’aide. » Un autre homme se présente à la tribune. Il s’appelle Mohammad, il dit : « J’ai trente-quatre ans, mais en fait j’ai sept mois et vingt jours, et mon fils est plus âgé que moi car il a huit mois et demi. » Mohammad, qui vit à Alexandrie et qui a perdu, à cause de la drogue, son commerce à Charm el-Cheikh, résume ainsi sa vie avant et après la toxicomanie. Mohammad vient souvent se ressourcer au centre de La liberté pour la réhabilitation des toxicomanes à Wadi el-Natroun. S’il a décidé d’arrêter de se droguer, c’est « parce qu’il n’y avait plus qu’un pas qui le séparait de la mort. Ma famille s’est éloignée de moi, j’ai perdu mon travail et ma vie a basculé. Aujourd’hui, je sais que j’ai une maladie qui s’appelle la toxicomanie. » Mohammad termine son témoignage. Comme tous les autres anciens toxicomanes, il est applaudi par l’assemblée. D’autres le suivent à la tribune et témoignent. Il y a encore des applaudissements. Ces hommes sont sortis de l’enfer de la drogue, d’autres suivront leur exemple, réussiront à se refaire une vie et viendront probablement eux aussi se ressourcer dans ce centre tranquille de Wadi el-Natroun que les pharaons chérissaient car il leur permettait d’avoir une autre vie après la mort. Pat. Kh.
De petites constructions blanches entourées de bougainvilliers multicolores, des espaces communs où des chaises en osier ont été posées, un seul épicier qui vend biscuits et sodas, et des jeunes gens qui discutent, qui jouent au tennis de table ou qui se promènent. À une heure et demie de la capitale égyptienne, sur la route reliant Le Caire à Alexandrie, un centre de désintoxication a...