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Actualités - CHRONOLOGIE

Colloque à Paris sur le Liban et l’ordre juridique international Un thème d’actualité enraciné dans l’histoire et les réalités PARIS, d’Élie MASBOUNGI

Comment et avec quelles chances de réussite le Liban doit-il s’engager dans l’ordre juridique international ? Vaste sujet et long débat voulus par l’association Avocats et juristes pour le Liban et abordés à la Maison du barreau de Paris par un panel libano-français hautement qualifié. Trois thèmes axés successivement sur les résolutions de l’ONU, les juridictions nationales, internationales ou mixtes et les lois d’amnistie en relation avec la criminalité de guerre ont été exposés puis débattus durant toute une journée avec le concours de Georges Corm, ancien ministre des Finances, Hervé Ascensio, professeur de droit à l’Université de Paris I Panthéon-La Sorbonne, Joseph Maïla, directeur du Centre de recherches sur la paix, Ahmad Beydoun, sociologue, professeur à l’Institut des sciences sociales de l’UL, ainsi que Guy Canivet, membre du Conseil constitutionnel, Mme Jessica Lecs de la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale, Ziad Baroud et Ghaleb Mahmassani, avocats et chargés de cours à l’USJ, Géraud de Geouffre de la Pradelle, professeur émérite à l’Université Paris X Nanterre, Rafaelle Maison, professeur à l’Université de Picardie et le député Ghassan Moukheiber. Cette énumération serait incomplète si l’on n’y ajoutait pas les excellents modérateurs qui ont rehaussé par leur présence le niveau des débats et la qualité des questions-réponses. Il s’agissait de l’ancien ministre Sélim Jahel, Antoine Garapon, magistrat, secrétaire général de l’Institut des hautes études sur la justice, et Béchara Tarabay, avocat au barreau de Paris. Après le mot de bienvenue et d’ouverture prononcé par Alia Aoun, avocate au barreau de Paris et présidente de l’association organisatrice, la parole est donnée à Georges Corm, qui procède à une introduction historique pour lancer le premier thème de la journée, à savoir : « Dans un monde irrésolu, quels engagements pour et par le Liban ». L’ancien ministre des Finances a commencé par rappeler l’évolution du statut du Liban dans l’ordre régional et international entre 1840 et 2005. Il a souligné qu’au cours de cette période, les événements du XXe siècle n’étaient qu’une répétition, mais jamais à l’identique, d’événements anciens, ajoutant que les constantes géopolitiques modernes qui expliquent ces événements permettent de dépasser les clichés et les langues de bois des acteurs de ces conflits. Le conférencier qualifie – sans faire de comparaison entre les événements des deux pays – le Liban et la Yougoslavie de « portes fragiles du Levant ». Il parle ensuite de la rivalité franco-anglaise dans cette partie du monde et de l’émergence du Mont-Liban comme entité sous les tutelles externes de la période 1842-1914 de type condominium. M. Corm jalonne son admirable exposé de réflexions et observations portant sur la crise de 1860 et le régime de la Moutassarifiya (1861 à 1914), sur le mandat français, le pacte national et ce qu’il qualifie d ’indépendance fragile (entre 1919 et 1975). Il s’arrête sur l’indépendance formelle et l’essai de dépassement du clivage par le pacte national et la doctrine de Fouad Chéhab, sur les rapports complexes avec la Syrie, le statut de l’État tampon (notamment dans le cadre des convulsions palestiniennes et de la guerre Irak-Iran de 1975-1990), le protectorat syrien sous le couvert de la Ligue arabe, l’intermède du protectorat américano-israélien (1978-1983). Le conférencier se pose au passage, surtout dans la relation des faits récents, un certain nombre de questions pertinentes dont celle-ci : « Pourquoi la justice pénale internationale ne s’est-elle pas exercée contre les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis au Liban entre 1975 et 1990 ? » Ou alors celle-là : « Comment définir l’ami de l’ennemi dans le contexte libanais et régional ? » Et enfin, la conclusion de l’ancien ministre : « Enclavés entre deux voisins puissants et antagonistes, les Libanais doivent faire un choix : soit d’avoir les moyens d’une neutralité qu’ils peuvent faire respecter au besoin par les armes, comme c’est le cas en Suisse, soit de s’entendre pour savoir qui est l’ami et qui est l’ennemi à long terme et en fonction de données objectives et non passionnelles, matérielles, ataviques. » L’efficacité de l’ONU Le contexte historique ayant été planté tel un décor, le débat s’est poursuivi avec le Pr Hervé Ascensio, qui a traité des effets juridiques et de l’efficacité des résolutions des Nations unies relatives aux actes commis au Liban. Analyse intéressante qui a porté sur les notions d’efficacité, de rigueur dans l’application de ces résolutions et aussi sur les difficultés rencontrées lors de la traduction des effets juridiques en mesures concrètes. Sous le thème du système confessionnel et de son incompatibilité avec les exigences d’une démocratie moderne, Joseph Maïla et Ahmad Beydoun ont brossé un tableau réaliste de la situation actuelle avec ses tenants et aboutissants ne ménageant pas leurs critiques et soulignant au passage les difficultés qui ne manqueront pas de se dresser au niveau de la coopération entre le Liban et la communauté internationale pour l’application des résolutions en général, la résolution 1701 en particulier, et le bon déroulement des diverses phases du fonctionnement du tribunal à caractère international. Beydoun parle d’alchimie de la confessionalisation, expliquant entre autres phénomènes qu’au Liban le dénouement d’une crise d’envergure ne se limite jamais à l’affaiblissement d’une coalition de forces politiques et au renforcement d’une autre qui émergerait en majorité alternative. Question d’une actualité brûlante et dont on n’est pas près d’y trouver une réponse car, poursuit le conférencier, c’est toujours un rééquilibrage intercommunautaire qui se profile à l’horizon des crises. Cet éclairage sous l’angle de la conjoncture confessionnelle du Liban est lié par les deux conférenciers précédents au thème général de cette journée, à savoir le Liban et l’ordre juridique international. Idéalisme et pragmatisme Le thème suivant, traité en deux séances, respectivement par Guy Canivet, Jessica Lescs, puis par Ziad Baroud, Ghaleb Mahmassani et Géraud de Geouffre de la Pradelle évoquait les juridictions nationales, internationales ou mixtes et le dilemme qu’elles pourraient créer. Me Baroud a commencé par une citation de Florence Hartman (porte-parole de Carla Del Ponte) tirée d’un ouvrage intitulé Paix et châtiments. Le problème le plus délicat est et restera, écrit l’auteur, d’évoluer au cœur des relations internationales régies par deux logiques qui peinent à s’associer : l’une, idéaliste, privilégiant la recherche de la justice, l’autre pragmatique, donnant la priorité à la recherche de la paix. Baroud adopte, à cet égard, une approche opposant l’impunité qui a prévalu au Liban pendant plus de trois décennies et une internationalisation des réactions, de l’enquête et de l’instance développant les motifs du choix stratégique du tribunal, les enjeux de cette instance tant au niveau procédural qu’à celui des retombées externes et internes. Amnistie et criminalité de guerre La dernière séance de la journée, dont le modérateur était Sélim Jahel, portait spécifiquement sur les lois d’amnistie et la criminalité de guerre, et la question suivante qui en découle : faut-il renouveler la mémoire ? Alors que Rafaelle Maison définissait avec force détails la notion de lois d’amnistie en droit international, le député Ghassan Moukheiber, fort de son expérience dans le cadre d’ONG libanaises et internationales en matière de crimes et de leurs conséquences à tous les niveaux, a prôné l’instauration d’un organisme qui serait intitulé « La Commission vérité, justice et réconciliation », qui traiterait par la recherche, la documentation, le témoignage et divers autres moyens de tous les actes criminels commis au Liban depuis 1975. Donnant des chiffres sur ces actes, leurs conséquences, les préjudices moraux et matériels, le député du Metn propose des orientations pour que des législations appropriées soient établies transcendant toute amnistie afin que la mémoire revienne et qu’elle entraîne éventuellement une réconciliation sans laquelle il n’y aura pas de Liban nouveau. Le conférencier, à travers les questions qui lui étaient posées, a souligné la principale difficulté qui se dressera sur la voie d’une telle initiative, à savoir que les acteurs de la plupart des actes sont non seulement encore en vie mais continuent d’occuper au Liban et dans les deux pays voisins concernés (la Syrie et Israël) des postes de responsabilité.
Comment et avec quelles chances de réussite le Liban doit-il s’engager dans l’ordre juridique international ?
Vaste sujet et long débat voulus par l’association Avocats et juristes pour le Liban et abordés à la Maison du barreau de Paris par un panel libano-français hautement qualifié.
Trois thèmes axés successivement sur les résolutions de l’ONU, les juridictions nationales,...