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Actualités - REPORTAGE

Pour Mohammad Habash, « les Hadiths mentionnant la peine de mort visaient ceux qui ont rejoint les ennemis du Prophète » Quelques cas isolés ne constituent pas un phénomène général ou une crise

Malgré l’absence de châtiment terrestre pour l’apostat dans le Coran, une partie des exégètes musulmans, considérés comme radicaux et minoritaires, s’appuient sur les Hadiths du prophète Mohammad pour justifier la peine de mort contre ceux qui changent de religion. Dr Mohammad Habash, directeur du Centre d’études islamiques à Damas et député indépendant au Parlement syrien, explique les différentes interprétations des propos attribués au Prophète, estimant que quelques cas isolés ne constituent pas un phénomène général ou une crise en islam. «Le Saint Coran ne fait aucune allusion à la peine de mort pour les apostats (al-mourtad), ni même à aucun châtiment terrestre contre eux », affirme de prime abord Mohammad Habash. Néanmoins, certains exégètes passent outre la portée des différents versets, pourtant clairs et explicites, sur l’apostasie pour se référer au Hadith. Les Hadiths étant des propos attribués au prophète Mohammad et rapportés par divers témoins. Deux de ces citations sont notamment considérées par certains religieux islamiques comme allant dans le sens d’une application de la peine de mort aux apostats. Le premier est un Hadith narré par ibn Abbas, dans lequel le Prophète dit : « Quiconque change sa religion, tuez-le. » Selon Mohammad Habash, « seuls les radicaux s’appuient sur ce Hadith dont l’authenticité est toutefois contestée ». En effet, la narration d’ibn Abbas a été rapportée par certains compilateurs des Hadiths dont l’imam Mohammad al-Boukhari, mais n’a pas été reprise par Abou Hussein Muslim al-Hajjaj dans son Sahih (les Sahihs étant les principaux recueils de Hadiths considérés comme les plus sûrs de l’islam sunnite). Ce dernier conteste certains critères d’authenticité retenus par Boukhari, ce qui devrait en principe diminuer la portée de ce texte pour en faire un Hadith faible. Le second Hadith a été rapporté par Abdullah et repris dans le Sahih de Boukhari. Il précise que « le sang d’un musulman, qui accepte qu’il n’y a d’autre Dieu que Dieu et que je suis Son prophète, ne peut être versé que dans trois conditions : en cas de meurtre, pour une personne mariée qui s’adonne au sexe de manière illégale, et pour celui qui s’éloigne de l’islam et quitte les musulmans ». Alors que certains rejettent un Hadith parce qu’il n’a pas bénéficié d’une large transmission – comme dans le premier cas cité plus haut –, d’autres estiment qu’il faut être très prudent avant de l’appliquer en tant que principe général. En effet, il convient de revenir sur les circonstances au cours desquelles un Hadith a été prononcé afin de savoir s’il s’agit d’une directive particulière ou d’une directive générale. En effet, rien dans l’histoire du Prophète ne mentionne la moindre information rapportant explicitement l’exécution de la directive impliquant la peine de mort pour l’apostat. Au contraire, Mohammad a même signé avec la tribu de Khoreiche encore païenne un traité dont une clause stipule que « rien ne doit empêcher ceux qui le souhaitent de retourner dans la tribu adverse et, partant, de retourner à l’idolâtrie antémusulmane ». Évidemment cette clause du traité de Hodibiya n’a jamais été rapportée par Boukhari. Mohammad Habash confirme cette tendance. « Le Prophète n’a jamais énoncé aucune sentence contre eux. Il les a même bien traités », insiste-t-il. Selon M. Habash, l’État islamique naissant « était fondé sur l’égalité et la justice, et non sur les croyances religieuses ». Il ajoute également que l’accord de Hodibiya disait clairement que « tous sont libres de rejoindre la coalition de Mohammad ou la coalition de Khoreiche ». « De nombreuses tribus non musulmanes, comme les chrétiens de Nagran, les juifs de Fadk et les païens de Khoza’a, se joignirent ainsi à la coalition du Prophète pour former la nouvelle nation islamique. Et toutes ces tribus, musulmanes ou non, bénéficiaient des mêmes droits et libertés, et de la protection de l’État islamique », explique M. Habash. Dans ce contexte, il souligne que « l’islam a fondé un État civil démocratique avec des droits et des obligations identiques pour tous, et non pas un État théocratique et religieux ». Il donne pour preuve le pacte-Constitution de Médine qui affirme : « Mohammad et les juifs de Banou-Aof (qui étaient à l’époque citoyens de Médine) sont une seule communauté. » Pour Mohammad Habash, « les Hadiths mentionnant la peine de mort visaient ceux qui ont rejoint les ennemis du Prophète, c’est le cas de la “Hiraba” ». La « Hiraba » est, en islam, proche de la notion de traîtrise ou de crime de guerre. L’exécution de l’apostat concerne donc celui qui entre en guerre contre les musulmans et non celui qui a changé de croyance religieuse. En effet, à l’époque du Prophète, les musulmans étaient constamment en état de guerre. L’apostat ne se contentait donc pas de renier sa religion, mais le plus souvent rejoignait les ennemis de l’islam et combattait dans leur rang. Donc, pour M. Habash, « l’apostat devrait poursuivre sa vie quotidienne normalement sans crainte, sauf s’il est tenté de provoquer ses anciens coreligionnaires ». « La majorité des chefs religieux musulmans sont de cet avis », poursuit-il. Il souligne toutefois que « la colère populaire dans des conditions pareilles est présente dans toutes les religions. Les quelques accrocs isolés qui se produisent ça et là en Afghanistan ou en Égypte ne constituent en aucun cas un phénomène général ou une crise » en islam. Et M. Habash de conclure qu’« il est de notre devoir de répandre la tolérance et l’acceptation de l’autre ». Antoine Ajoury
Malgré l’absence de châtiment terrestre pour l’apostat dans le Coran, une partie des exégètes musulmans, considérés comme radicaux et minoritaires, s’appuient sur les Hadiths du prophète Mohammad pour justifier la peine de mort contre ceux qui changent de religion. Dr Mohammad Habash, directeur du Centre d’études islamiques à Damas et député indépendant au Parlement syrien,...