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Courrier Naissance d’un cinéma libanais, ou le néoréalisme à la libanaise

L’enseigne d’un salon de beauté, « SI BELLE », dont la lettre B s’est détachée et pend lamentablement. Cette image par laquelle commence Caramel, le film de Nadine Labaki, résume à elle seule la nouvelle tendance du cinéma libanais. La vie réelle n’est pas « Si Belle », mais elle nous offre une gamme d’émotions qui varie du joyeux au triste, du comique au tragique et inversement, multipliant les allers-retours d’une émotion à l’autre. Le tragique et le comique feront d’ailleurs souvent bon ménage, la démonstration nous en est faite magistralement dans Caramel, où le destin tragique de Rose résulte du handicap psychique de sa sœur, personnage aux frontières du comique. Le cinéma libanais s’est approprié le réel et nous le restitue avec talent. Des cinéastes aussi différents que Khalil et Joanna Joreije, Philippe Aractingi, Nadine Labaki et Danielle Arbid adhèrent, dans la diversité de leurs styles, à l’enseigne du salon de beauté de Caramel. Leurs dénominateurs communs sont l’exclusion du glamour, de la théâtralisation et du mélo. Le réel doit rester intact, c’est ainsi qu’il sera vecteur d’émotions. Pas de glamour. Les amoureux clandestins de Caramel se retrouvent dans des voitures informes. Ces scènes ne sont pas sans nous rappeler les amours clandestines et automobiles de Jean Yanne et Marlène Jobert dans le film de Maurice Pialat Nous ne vieillirons pas ensemble, inspiré du vécu personnel du cinéaste. Pas de théâtralisation. Il est aussi loin le temps des frères Rahbani, qui avaient transposé avec le talent qu’on leur connaît leur style théâtral au cinéma. L’absence de théâtralisation est particulièrement marquée dans A Perfect Day, le film de Khalil et Joanna Joreije, construit autour du thème de l’absence. Le jeu y est minimaliste, la parole rare ou alors à peine murmurée, le geste sobre. L’absence est omniprésente dans cet univers qui rappelle celui de Robert Bresson, cinéaste minimaliste, où l’action se fond dans les silences, les regards à peine échangés et les gestes à peine ébauchés. Dans le film de Philippe Aractanji Bosta, la réalité s’est appropriée la scène et l’a intégrée dans un road-movie aux accents « felliniens ». On pense à La Strada (La route) de Fellini. Pas de mélo. Le regard sans complaisance de la petite Lina sur les personnages du film de Danielle Arbid Les champs de Bataille les arrachera à la fiction pour les replacer dans un réel où seule subsistera la dureté du quotidien et des sentiments. Les acteurs de ce film sont dans une telle proximité avec le réel, qu’il n’y a plus de rôles, plus d’acteurs, plus de personnages, mais des personnes, des vraies, confrontées au quotidien de la guerre. Il en résultera une négation de la fiction au profit du réel. Le réel, seule source d’émotions. Le cinéma libanais est réaliste, il se sert dans le vrai, pour y puiser avec talent personnages, dialogues, images et situations. Il y ramasse en passant des morceaux de nos vies et nous les restitue, à charge pour nous de reconstituer le puzzle. Antoine ABOU DIB Avocat
L’enseigne d’un salon de beauté, « SI BELLE », dont la lettre B s’est détachée et pend lamentablement.
Cette image par laquelle commence Caramel, le film de Nadine Labaki, résume à elle seule la nouvelle tendance du cinéma libanais.
La vie réelle n’est pas « Si Belle », mais elle nous offre une gamme d’émotions qui varie du joyeux au triste, du comique au tragique et...