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Actualités - CHRONOLOGIE

PORTRAIT D’ARTISTE - Un baryton gallois haut de gamme Bryn Terfel, un homme de tous les combats…

Ils sont aujourd’hui légion et cohortes les barytons qui font trembler les murs de Jéricho quand leurs voix butent contre les couches de l’air comme des trompettes… Mais le public a toujours eu le regard de Chimène pour Rodrigue dans cet attroupement de talents qui ne laisse pas toujours indifférent. Par-delà costumes de scène, silhouettes imposantes, visages expressifs et voix d’airain, on désigne bien entendu le peloton en tête où figurent Bruno Schraen, Antoni Berheim, Louis Couturiaux, David Roubaud, David Serero, Henri de Vasselot et, bien sûr, l’incomparable Bryn Terfel, au destin marqué toutefois aujourd’hui par des difficultés de santé. Une carrière courte et fulgurante, qui a tenu toutes les promesses de l’enfance mais actuellement suspendue en l’air, le temps de voir les exigences et le bien-être du corps. Un artiste n’est pas seulement tributaire des aléas du destin, de la chance, de la concurrence, du hasard, des contrats, des rencontres professionnelles ou sentimentales, des rôles qu’on lui propose, mais aussi de sa vitalité, morale et physique, au quotidien. On écrit, on peint, on compose, on dessine, on chante, on s’active quand on est bien. Bien portant surtout ! Lumière sur un baryton-basse dont la voix de bronze a séduit les mélomanes du monde entier. Homme de scène complet, alliant les concerts à l’opéra, en passant par la musique populaire, les comédies musicales américaines et les airs gallois, Bryn Terfel est de ces chanteurs doués qui marquent l’auditoire. Tant par le talent de comédien sous les feux de la rampe que par la puissance vocale face à des orchestres déchaînés et des salles survoltées et archicombles. Tout d’abord juste un mot sur ce physique particulier de rugbyman qui le caractérise. Lui, justement, qui a chanté avec tant de succès et de cœur pour la Coupe du monde de rugby… Stature de gladiateur, mâchoire carrée de boxeur, épaule de redoutable « videur » (les noctambules éméchés doivent bien savoir ce que c’est !) ou de marin confronté aux houles, jambes de coureur de fond, torse en cuirasse de chevalier, regard clair intense et chevelure presque rouquine, voilà un chanteur qui confesse, en toute simplicité, avoir été influencé par Dietrich Fisher-Diskau, George London et Titta Ruffo ! On comprend dès lors qu’il ait emporté le prix Singer of the World (chanteur du monde) en 1989 à la BBC et qu’il soit devenu la coqueluche des amateurs de « lieders »… Du Covent Garden au Metropolitan… Né le 9 novembre 1965 à Pantglas, au pays de Galles, Bryn Terfel a très vite montré sa propension pour le chant. Sa voix, puissante et chaleureuse, vendait la mèche, avec un désarmant naturel, de ses aspirations secrètes. Un ami de la famille le prend en charge et le guide vers des études académiques à Londres, au Guildhall School of Music. La gloire le guettait dès ses premières apparitions publiques. Mozartien à part entière, il se fait connaître des bel cantistes chevronnés grâce à Cosi Fan Tutte et Don Giovanni, où sa voix fait merveille avec les personnages de Gugliemo et Leperello. Mais c’est aussi grâce aux Noces de Figaro que du Covent Garden à l’Opéra Santa Fe, le nom de Bryn Terfel monte au zénith des stars qui ont des cachets aussi fabuleux que Bartoli et Fleming. Sans négliger pour autant d’autres répertoires, il s’affirme dans Wagner et Stravinsky, révèle les grandes beautés de La damnation de Faust de Berlioz et donne surtout un magistral Falstaff de Verdi qui le conduit de Vienne à Chicago. Ses prestations au Metropolitan Opera de New York (où il annexe à ses performances la Huitième symphonie de Gustav Mahler) ainsi qu’à la Scala de Milan, au Festival de Salzbourg (il triomphe dans Salomé de Richard Strauss en 1992) et au Carnegie Hall (il chante Wolf, Fauré, Brahms, Schumann et Schubert) font de lui un des barytons exceptionnels le plus recherché de sa génération. Curieusement, lui qui a bouleversé et ébloui l’auditoire avec Falstaff a des déclarations à la fois incendiaires et surprenantes : « Il est vrai que j’ai reçu le don de la représentation et du chant ainsi que l’aisance sur scène, mais je ne suis pas un chanteur de Verdi. Il suffit d’écouter Cappucilli, Warren, Bastiniani ou Hovrotovsky… » Dans ce parcours glorieux à moins de quarante ans, par-delà le tapage du monde de l’art lyrique et de ses artifices, Bryn Terfel livrait aussi d’autres combats…Avec un physique taillé en athlète, pour ceux qui pensaient qu’il était de roc, l’artiste était loin d’être invincible ou invulnérable. Souffrant de douleurs dorsales et de sciatiques, il annule à deux reprises ses contrats (en 1994 et 2000) pour des opérations délicates. Marié et père de trois enfants, Bryn Terfel est aujourd’hui loin des feux de la rampe pour plus de disponibilité familiale et pour des raisons de santé. Mais le chant n’a pas dit son dernier mot. S’il a reçu le titre de commandeur de l’ordre de l’Empire britannique des mains du prince de Galles en 2003, c’est bien pour cette carrière prestigieuse et ce succès retentissant où de Mozart à Wagner la voix de Bryn Terfel a brillé de mille feux. Considéré, à juste titre, comme capable de rendre magique tout ce qu’il chante par Deutsche Gramaphone, où l’on retrouve d’ailleurs la plupart de ses enregistrements, Bryn Terfel a ce don divin d’émouvoir. L’écouter reste un vrai moment de bonheur. Pour un moment rare et merveilleux sur votre platine, ni Mozart ni Wagner (on en a tant parlé et ils sont sans nul doute envoûtants !) mais, comme un voyage au bout du monde, ces airs d’une exquise pureté de Haendel… Edgar DAVIDIAN

Ils sont aujourd’hui légion et cohortes les barytons qui font trembler les murs de Jéricho quand leurs voix butent contre les couches de l’air comme des trompettes… Mais le public a toujours eu le regard de Chimène pour Rodrigue dans cet attroupement de talents qui ne laisse pas toujours indifférent. Par-delà costumes de scène, silhouettes imposantes, visages expressifs et voix...