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Actualités - OPINION

Quelle armée pour quelle politique?

L’armée libanaise, en achevant l’opération engagée à Nahr el-Bared, a incontestablement remporté une victoire militaire mais surtout une victoire historique et morale dans un Liban plus que jamais meurtri par la politique, et où surtout cette victoire pose principalement une lourde problématique politique. À ce propos, il y a près de 40 ans, à l’École militaire où je donnais des conférences, je rappelais régulièrement aux futurs officiers que, particulièrement dans le cas du Liban, l’État a réellement l’armée de sa politique. Affirmation banale pourrait-on dire. Certes oui pour ceux qui veulent banaliser ou simplifier le fait libanais, par négligence ou ignorance. Et pourtant cette affirmation est, à notre avis, au cœur même du débat et de la construction politique libanaise. Quelle armée pour quelle politique ? Telle paraît bien être la question nodale à laquelle il s’agit de répondre pour que cette victoire d’aujourd’hui porte en elle la semence du meilleur et éviter les échecs de demain tant il est assuré que les nations, pour durer, doivent savoir écouter, penser et agir. Il n’est certes de politique définitive et les contraintes du réel sont là pour orienter et amender toute réflexion et toute décision, si fortement articulées qu’elles soient. Et c’est pourquoi il est nécessaire tant pour l’armée que pour la politique que des options nouvelles soient adoptées, pour que le sacrifice de ceux qui sont tombés ne soit pas vain. Si donc la victoire de Nahr el-Bared a restitué à l’armée et à la nation tout ce que la politique du dernier tiers du XXe siècle a occasionné de dégâts à la société et aux institutions libanaises, il y a lieu de rappeler – et non par simple exercice verbal ou oratoire, mais bien par un engagement mûri, pensé et agréé – qu’il n’est pas d’investissement, de progrès et même d’existence tout court sans la sécurité. Mais à quel prix ? Et que pouvons-nous imaginer pour cela dans un pays démocratique ? Ces choix exigent une nouvelle réflexion et du politique et du militaire sur leur rôle respectif dans un pays d’Orient où la complexité des sociétés, des hommes et des situations ne facilite en rien les approches, les discussions, les négociations et les conclusions. Et pourtant c’est bien le moment d’initier cette nouvelle donne de redressement de toutes nos institutions à travers une victoire durement obtenue par l’armée, et militairement et politiquement, visant au renforcement de la cohésion nationale libanaise. C’est cette cohésion même qui nous permettra de dissiper les angoisses de demain dans cette phase de superbe incohérence politique. Certes, il est difficile que les intérêts et les ambitions des particuliers rejoignent nécessairement l’intérêt national, particulièrement en l’absence de véritables partis politiques. Mais passée cette phase de crispation et de compétition légitime de tous les candidats à la présidence de la République, il est grand temps de s’engager à refaire l’État, non point par simple exercice politique et public, mais bien parce que les défis économiques, financiers et sociaux sont si considérables qu’il n’est de salut pour les institutions publiques, et particulièrement les institutions militaires dont les besoins financiers et humains sont importants, que par le succès même de cette politique. Certes rien n’est facile, mais tout n’est pas dit en un jour. Reste que des qualités de sagesse, de tolérance, de lucidité et de dosage communautaire sont nécessaires pour le succès de cette opération. Cela, sans oublier l’honnêteté. Quelle déraison, pourrait-on dire ! Certes, oui pour ceux qui ne connaissent rien à l’histoire des peuples, particulièrement dans cette région de Proche-Orient. Mais à notre avis, c’est certainement mieux que de voir s’effriter les espoirs des Libanais réduits à l’émigration ou à l’esclavage politique dans ce pays. Et cette vision n’est-elle pas meilleure que le retranchement de nombre de nos politiciens dans un univers de querelles et d’invectives gratuites ou erronées n’ayant pour tout but hélas que d’asseoir largement un clientélisme bien regrettable ? Il est grand temps d’adopter un redressement à la mesure de ces courageux officiers, sous-officiers et soldats morts en espérant un Liban meilleur. Le maréchal Foch se plaisait à dire que « la paresse est une forme de l’indiscipline ». Espérons que notre société durement secouée mais peut-être réveillée saura être bientôt celle du sursaut et du redressement. Hyam MALLAT Avocat, ancien PDG de la CNSS
L’armée libanaise, en achevant l’opération engagée à Nahr el-Bared, a incontestablement remporté une victoire militaire mais surtout une victoire historique et morale dans un Liban plus que jamais meurtri par la politique, et où surtout cette victoire pose principalement une lourde problématique politique.
À ce propos, il y a près de 40 ans, à l’École militaire où je donnais...