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Utilisés pour préparer une soupe, destinés à la confection d’objets d’art ou comme du « Viagra naturel » : des produits qui se vendent à prix d’or Verges, têtes ou queues d’animaux : tout se vend au marché de Sin-Yiri

Pattes, têtes, verges, testicules ou queues de bœuf, de chèvre ou de mouton, tout ce qui était impropre à la consommation il y a une vingtaine d’années au Burkina Faso se vend aujourd’hui à prix d’or au « marché des pattes » de Sin-Yiri, dans le nord de Ouagadougou. «Y a bonne queue ici », « Venez ici, c’est moins cher !», exhortent en chœur jeunes adolescents « séchant » les bancs de l’école et marchands plus âgés. Facile à repérer à l’odeur de brûlé et au brouhaha qui y règne, ce marché où travaillent près de 1 200 personnes a été reconstruit en 2003 après que ses premières installations eurent été balayées par un projet de modernisation de la ville. Son dédale d’allées est envahi par des barriques, marmites ou boîtes de conserve disposées sur des foyers, et des centaines de tables dressées sous des hangars de fortune exposant les marchandises en provenance des abattoirs de Ouagadougou. Les « bouchers des pattes », nom donné aux commerçants, proposent des verges, testicules, pattes, têtes, peaux ou queues d’animaux rasés, lavés et fumés. Dans des contre-allées, de jeunes ouvriers brûlent des têtes, queues et peaux d’animaux avant de les épiler soigneusement au rasoir, alors que les narines du visiteur sont malmenées par une forte odeur pimentée qui ne perturbe en rien les chiens errants disputant aux mouches les rares morceaux de viande abandonnés. Les verges et les testicules auraient pour vertu de renforcer la virilité, une sorte de « Viagra naturel » vendu pour la modique somme de 500 FCFA (0,75 euro). « C’est de la vitamine pour nous les hommes, je me sens maintenant plus fort quand je suis avec une femme », assure Ali Sandaogo, qui avoue consommer des testicules de bœuf chaque week-end. « Il y en a qui amènent chez eux pour mieux assaisonner, mais la plupart mangent ici », explique un boucher spécialisé en la matière, Seydou Kaboré, dit « Badjancité », précisant que les pattes et les têtes servent plutôt à la préparation de soupes. Un commerce qui se révèle lucratif pour ces commerçants qui vendent la patte de bœuf entre 600 et 700 FCFA (entre 0,9 et 1 euro), quand la tête se négocie entre 4 000 et 6 000 FCFA (entre 6 et 9 euros). La partie arrière de la vache ou du taureau comprenant le « cul », la verge et les testicules coûte entre 2 000 et 3 000 FCFA (entre 3 et 4,5 euros). Yab-Youré Zongo, « boucher des pattes » depuis 15 ans, emploie quinze ouvriers. Il explique que ce métier lui a tout donné. « Je remercie le bon Dieu pour ce qu’il a fait pour moi. Nous n’étions pas nombreux quand je débutais, dix ou vingt bouchers tout au plus », raconte cet homme marié deux fois qui a pu faire construire une maison grâce à ce commerce autrefois mal perçu. « Mon frère au village se moquait de moi. Il disait aux autres (...) que je vendais des sexes d’animaux à Ouagadougou. Aujourd’hui, je suis content d’avoir fait ce que beaucoup au départ n’ont pas voulu essayer », affirme-t-il. Il y a quelques années, seuls les clients des pays voisins faisaient vivre cette singulière foire située à quelques centaines de mètres du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). Encore aujourd’hui, un camion quitte Sin-Yiri tous les trois jours en direction d’Accra, de Kumasi, de Takiman (Ghana), de Lomé, de Cotonou ou d’Abidjan. Selon Mahamoudou Ouédraogo, doyen du métier et président de l’Association des « bouchers de pattes » de Sin-Yiri, le Ghana demeure le principal pays importateur de cette viande atypique, alors que les clients nigérians sont par exemple davantage intéressés par les sabots et les cornes de bœuf destinés à la confection d’objets d’art.
Pattes, têtes, verges, testicules ou queues de bœuf, de chèvre ou de mouton, tout ce qui était impropre à la consommation il y a une vingtaine d’années au Burkina Faso se vend aujourd’hui à prix d’or au « marché des pattes » de Sin-Yiri, dans le nord de Ouagadougou.
«Y a bonne queue ici », « Venez ici, c’est moins cher !», exhortent en chœur jeunes adolescents...