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Actualités - OPINION

Haute magistrature et culte du chef Maroun RACHED

Une des caractéristiques les plus visibles des pays du tiers -monde, c’est cette tendance à diviniser leurs dirigeants politiques, de plaquer leurs portraits un peu partout dans la ville, avec des slogans frôlant souvent le ridicule. On ne verrait jamais des portraits géants de Nicolas Sarkozy, par exemple, en plein milieu de Paris, avec des phrases dans le genre « héros du peuple » ou « grand leader des Français »... La raison de cela, à part évidemment que ce serait ridicule, c’est qu’un président de la République (ou un Premier ministre) dans un pays démocratique n’est pas vraiment un leader inconditionnel ; il s’agit d’un poste administratif qu’accompagnent, évidemment, beaucoup de droits et de pouvoirs, mais aussi des devoirs, des limites juridiques et d’immenses responsabilités. C’est après tout un boulot un peu comme les autres, pas de quoi élever au rang de divinité la personne qui y accède. Chez nous, par contre, un chef d’État devient une espèce de grand prophète au jugement infaillible, un guide glorifié et adulé par le peuple, un dirigeant « fort » qui va mener son pays vers la gloire (nous nous croyons peut-être toujours au Moyen Âge et nous espérons peut-être voir un nouveau Fakhreddine aller à la conquête des pays voisins...). Bref, tout responsable politique un tant soit peu notoire devient à nos yeux un chef tribal auquel nous vouons un véritable culte : à l’instar d’un chanteur de rock ou d’une star de foot, les jeunes accrochent ses photos un peu partout et rêvent un jour de lui serrer la main. Il parle toujours ex cathedra, et nous ne pensons jamais remettre en cause ses prises de position, si douteuses soient-elles. Tout cela est certainement loin de lui déplaire ! Il entretient au contraire ce suivisme systématique par des moyens démagogiques : amateur de grands discours enflammés et de manifestations populaires, le meneur-type ne manque pas une occasion de fanatiser les foules, galvaniser leur énergie et leur enthousiasme vers sa propre personne. Ces moyens populistes ne sont pas sans évoquer la propagande politique du IIIe Reich ; Hitler est l’exemple parfait du chef tribal ; le « leader puissant », qui a galvanisé l’espoir des Allemands (mais les a déçus presque aussi amèrement), a brillé dans le culte de sa propre personnalité, dans l’art de s’affirmer comme le meneur irremplaçable de son peuple. Face à lui, Churchill est exactement la figure opposée : peu de gens savent à quoi il ressemblait, car il n’y a jamais eu de grande démonstration populaire en son honneur, et pourtant c’était un fin renard, un diplomate rusé qui a finalement mené son pays vers la victoire. Pour en revenir au Liban, nous sommes évidemment loin d’avoir les dirigeants humbles et efficaces des pays d’Europe, et l’on continuera à voir encore, pour un bon bout de temps, des portraits de chefs tribaux, morts ou vivants, accrochés dans tous les recoins du pays. Pourtant nous pouvons déjà, pour la présidentielle qui vient, commencer à distinguer les candidats purement « hitlériens » (donc ceux dont le programme se résume au culte de leur propre personnalité et à leur statut de chef absolu, irremplaçable et inconditionnel) des autres ; ceux un peu plus pragmatiques, plus communicatifs et vraisemblablement plus efficaces, qui nous rapprochent légèrement de l’image d’un pays démocratique. Nous espérons dorénavant voir émerger des Churchill et non plus des Hitler. Article paru le mardi 28 août 2007
Une des caractéristiques les plus visibles des pays du tiers
-monde, c’est cette tendance à diviniser leurs dirigeants politiques, de plaquer leurs portraits un peu partout dans la ville, avec des slogans frôlant souvent le ridicule. On ne verrait jamais des portraits géants de Nicolas Sarkozy, par exemple, en plein milieu de Paris, avec des phrases dans le genre « héros du peuple »...