Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

À Jérusalem, les ultraorthodoxes remportent une manche sur les laïcs

Un nouveau complexe réservé à la population ultraorthodoxe juive va être construit au cœur de Jérusalem en lieu et place d’un cinéma, une décision qui constitue un succès pour les religieux au détriment des laïcs et illustre les tensions entre communautés dans la Ville sainte. Depuis les années 1950, le cinéma Edison était le théâtre de violents affrontements entre la police et la population ultraorthodoxe, qui s’opposait à la diffusion de films hollywoodiens considérés comme « dégénérés ». Aujourd’hui, le terrain sur lequel est construit ce cinéma populaire, ruiné par la concurrence des vidéocassettes et fermé depuis plusieurs années, a été racheté par la secte antisioniste satmar. Elle va y faire construire un ensemble d’habitations, attenant au quartier de Mea Shearim, le bastion des juifs ultraorthodoxes de Jérusalem. Les satmars ont considéré comme un blasphème la création de l’État juif, avant la venue du Messie, par le mouvement sioniste dont ils ont toujours dénoncé le caractère séculier. Mais, au fil du temps, ils ont fini par s’accommoder de la réalité de l’État d’Israël. Leur projet immobilier symbolise la victoire de la foi sur l’impiété pour la foule de religieux ultraorthodoxes qui assistait la semaine dernière à la pose de la première pierre par le rabbin Aharon Teitelbaum, venu spécialement de New York où il dirige la secte des satmars. « La dévotion est au cœur du judaïsme », a-t-il proclamé lors de la cérémonie, la voix étreinte par l’émotion. « Ce n’est qu’un début, le cinéma Edison empêchait l’expansion naturelle du quartier religieux, ce sera bientôt le tour d’autres bâtiments », assure, de son côté le rabbin Shmuel Pappenheim, directeur d’un magazine ultraorthodoxe. Le camp laïc s’est alarmé de cette affaire, hautement symbolique, le quotidien Haaretz, écrivant : « Les satmars ont planté un jalon sur les ruines d’un bastion séculier. » Pourtant, au cours des dernières décennies, les ultraorthodoxes ont perdu la majorité des batailles qu’ils ont entreprises pour « préserver la sainteté de Jérusalem ». Ainsi, ils n’ont pu empêcher la mixité dans les piscines, l’ouverture le vendredi soir (jour de repos sacré du Shabbat dans la religion juive) d’un nombre toujours plus important de cafés, restaurants, dancings et cinémas. De même, ils n’ont pas réussi à interdire les Gay Pride, des manifestations homosexuelles qui incarnent à leurs yeux le comble de l’abomination. Mais ils sont en passe de remporter la bataille démographique à Jérusalem. En effet, le taux de natalité au sein de leur communauté est élevé alors que les jeunes couples laïcs ont tendance à quitter la Ville sainte pour rejoindre Tel-Aviv, où il est plus facile de trouver un emploi. Selon les chiffres officiels, plus d’un enfant juif sur deux est d’ores et déjà inscrit dans une école ultraorthodoxe à Jérusalem. D’autre part, sur sa lancée actuelle, la population juive ne devrait représenter d’ici à 2020 que 60 % de la population de Jérusalem, contre 66 % actuellement, alors que la proportion des Arabes devrait passer de 34 à 40 %, selon les projections de l’Institut de Jérusalem pour les études israéliennes. La population actuelle de Jérusalem est de 720 000 personnes. Ce chiffre comprend la partie orientale de la ville conquise et annexée par Israël après la guerre de juin 1967, ainsi que la douzaine de nouveaux quartiers construits par Israël dans ce secteur. « On approche du moment où les ultraorthodoxes et la population arabe seront un facteur dominant de l’identité de la ville », estime le sociologue Meron Benvinisti, ancien maire adjoint de Jérusalem.
Un nouveau complexe réservé à la population ultraorthodoxe juive va être construit au cœur de Jérusalem en lieu et place d’un cinéma, une décision qui constitue un succès pour les religieux au détriment des laïcs et illustre les tensions entre communautés dans la Ville sainte.
Depuis les années 1950, le cinéma Edison était le théâtre de violents affrontements entre la police...