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Contrastes

La corniche de Beyrouth est une voie côtière majeure immatriculée 1 sur les plans de la ville. C’est dire l’importance que lui accordent les édiles de la municipalité. Pas assez cependant, comme on pourra le voir plus loin. Cette avenue est très populaire auprès des Beyrouthins qui l’appellent « corniche » tout simplement, l’appellation officielle de « Jadat Bariss » n’ayant pas prévalu, peut-être parce que jugée trop prétentieuse. Cette promenade des Libanais est « people » et populo à la fois, car elle réunit sans jamais les mêler deux catégories sociales opposées : celle qui dispose de moyens pour vivre et celle, plus nombreuse, des fauchés. Une bizarrerie qui, depuis des lustres, n’a pas manqué d’intriguer tout le monde, sociologues chevronnés compris. Elle est dotée de trottoirs, le plus large se trouvant côté mer. C’est là que l’on trouve des flâneurs, des « joggers », des patineurs, des cyclistes et tous les amateurs de forme physique et d’air marin. Sans oublier les sédentaires qui s’installent sur des chaises pliantes personnelles pour siroter un café, parler d’argent et de politique, taper le carton ou s’adonner au plaisir d’une partie de « tawlé ». Ce qui est tout à l’honneur de ce petit Liban – entouré de pays où l’on parle la même langue, mais où on ne se comporte pas de la même manière – c’est que l’on peut voir dans les voitures, sur les bancs publics et les rambardes, se nouer des flirts innocents entre filles et garçons. On se dit alors que tôt ou tard le Liban deviendra un pays évolué. Mais c’est dans l’espace du domaine maritime que les choses se gâtent. C’est là que l’on peut voir d’un côté, dans les établissements concédés au privé, sur des plates-formes cimentées munies de parasols, des baigneurs et des baigneuses qui se dorent au soleil. De l’autre côté, dans l’eau où flottent des immondices et sur les rochers qui blessent, le bon peuple de mâles de tous âges pratique la baignade libre. S’ajoutent parfois à cette bruyante compagnie deux ou trois dondons toutes habillées et les cheveux emprisonnés dans des fichus opaques, qui surnagent en s’aidant de chambres à air en guise de bouées. Spectacle cocasse et triste. Doit-on pour autant verser dans le pessimisme et renoncer à entreprendre des travaux susceptibles d’améliorer l’environnement physique de l’ensemble trottoirs / rochers ? Pas nécessairement, puisqu’en face de la mosquée de Ain el-Mreissé, le modernisme se met déjà en place. Des bordures en béton impeccables et des magnifiques rambardes en aluminium s’installent, tandis que le pavage du trottoir est en cours de remplacement. On souhaiterait voir cette vague d’améliorations déborder par-dessus la rambarde, sur les rochers situés en contrebas du trottoir. C’est là en effet que quelques plates-formes pourraient être construites. Des échelles d’accès, des colonnes de douche, des toilettes publiques, des bennes pour les ordures et des kiosques pour breuvages et narguilés devraient pouvoir être installés. La municipalité serait chargée d’assurer en permanence le nettoyage des rochers et le ramassage des ordures. L’ordre et la propreté sont contagieux, le public suivra naturellement. Peut-être qu’alors les trottoirs et les rochers de la baignade libre deviendront-ils présentables et que l’aire de loisirs qu’ils constituent renforcera-t-elle l’attraction de la corniche. Elle est déjà le seul véritable espace public partagé. Sur ce plan, aucune autre ville, même située dans une région plus vaste que le Liban, ne l’égale et ne l’égalera jamais. Grégoire SÉROF
La corniche de Beyrouth est une voie côtière majeure immatriculée 1 sur les plans de la ville. C’est dire l’importance que lui accordent les édiles de la municipalité. Pas assez cependant, comme on pourra le voir plus loin.
Cette avenue est très populaire auprès des Beyrouthins qui l’appellent « corniche » tout simplement, l’appellation officielle de « Jadat Bariss »...