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Actualités - OPINION

LA situation - Le mythe des 70 % de chrétiens favorables à l’opposition tombe ; hors Bourj-Hammoud, la circonscription acquise à Gemayel Le candidat du CPL arrache le siège du Metn avec 50,27 % des voix Élie FAYAD

On craignait, pour le Metn, une réédition du scénario de 2002. À l’époque, la bataille des frères Murr s’était achevée sur des résultats extrêmement serrés, l’annonce par chaque camp de sa victoire sur l’autre et une terrible tension sur le terrain. Hier soir, à l’issue d’un scrutin partiel hautement politisé, l’image était à quelque chose près similaire. Ce n’est que peu avant 3 heures du matin que des résultats officiels étaient livrés : 39 534 pour le candidat du CPL, Camille Khoury, contre 39 116 pour celui des Kataëb et du 14 Mars, Amine Gemayel. Soit une différence de 418 voix seulement en faveur du candidat aouniste. Avec un taux de participation d’un peu moins de 50 %, on n’est pas loin du chiffre des dernières élections législatives au Metn, en 2005. La grande différence réside dans le recul sensible du vote CPL et alliés d’un scrutin à l’autre. En 2005, le candidat aouniste maronite le mieux placé, Ibrahim Kanaan, avait obtenu près de 57 000 voix. Hier, Camille Khoury, enregistrait moins de 40 000 suffrages, soit 50,27 %. On est très loin désormais du mythe des 70 % de chrétiens acquis à l’opposition. Mais la leçon la plus importante à tirer du scrutin réside dans la physionomie du vote, dont l’ébauche peut d’ores et déjà être faite même en l’absence de chiffres officiels. Sans l’apport massif du Tachnag au candidat aouniste, il est clair que la courte victoire de Camille Khoury se serait transformée en déroute. Cela signifie d’une part que les électeurs non arméniens du Metn ont nettement marqué leur préférence à Amine Gemayel. Cela signifie aussi que les partisans du clan Murr – Michel et Élias – ont pour le moins manqué de « discipline » à l’égard des directives officielles du premier. Les dramatiques enjeux du scrutin du Metn ont entièrement occulté celui qui se déroulait dans la deuxième circonscription de Beyrouth (Rmeil, Bachoura, Mousseitbé), où le candidat haririen, Mohammad al-Amine Itani, a été élu sans surprise avec près de 23 000 voix contre 3 500 en faveur de son principal adversaire, Ibrahim Halabi, représentant le mouvement de Najah Wakim. Les formations chiites ayant annoncé leur intention de boycotter ce scrutin-ci, les enjeux en étaient donc quasi nuls, ce qui explique que le taux de participation n’a pas excédé les 19 % des inscrits. Mouchoir de poche Retour au Metn. Avec la traditionnelle valse des chiffres partiels, livrés pêle-mêle durant les premières heures de la soirée, la configuration se dessinait peu à peu. Moins de deux heures après la fermeture des bureaux de vote, il était certain que l’issue de l’élection allait se jouer dans un mouchoir de poche. Vers 21h00, le chef du CPL, le général Michel Aoun, prend les devants pour annoncer sur sa chaîne de télévision la victoire de son candidat. Le général fait toutefois état de tentatives visant à annuler les résultats d’un bureau de vote, laissant entendre que cette annulation modifierait l’issue du scrutin. En signe de protestation, il demande à ses partisans et à ses députés du Metn de se diriger vers le Palais de justice de Jdeideh, où se déroule le décompte des voix. C’est le signal d’un changement brutal d’atmosphère sur le terrain, une crispation soudaine succédant à une journée plutôt calme dans l’ensemble, tranchant avec les excès de la campagne des derniers jours. À l’image de ce militant Kataëb versant du café à un adversaire tout en orange du CPL, les heures de vote s’étaient en effet écoulées dans un climat plutôt bon enfant, n’excluant certes pas des incidents mineurs ici ou là. Mais après l’annonce du général Aoun, les événements se précipitent. Des dizaines de militants électrisés des deux camps se retrouvent face à face sur la place centrale de Jdeideh. Des frictions se produisent, et, sans la rapide interposition des forces de l’ordre – armée et FSI –, la situation aurait certainement dégénéré, d’autant que des bandes de jeunes venus d’autres régions, comme de Chiyah, se sont activement joints à la mêlée. Une heure après le général Aoun, le candidat du 14 Mars, l’ancien président de la République Amine Gemayel, flanqué notamment de Samir Geagea et de Carlos Eddé, s’adresse à ses troupes à Bickfaya. Il conteste l’annonce de victoire faite par le général Aoun, lance une diatribe sans précédent contre le Tachnag, accusé de fraude électorale à Bourj-Hammoud, et réclame un nouveau scrutin dans cette bourgade. La question arménienne devient aussitôt centrale, tant il apparaît clairement que, sans le gros morceau de Bourj-Hammoud, la victoire d’Amine Gemayel serait complète et incontestable. Précédant sur ce sujet l’ancien chef de l’État à la LBC, l’ancien député Gabriel Murr, dans un moment de véritable fureur, se laisse aller à des excès verbaux à l’adresse de la communauté arménienne. Quant à M. Gemayel, en dépit de son ton virulent, il s’efforce de calmer ses troupes et, soulignant que la sécurité de la société chrétienne étant une question prioritaire, il leur interdit littéralement de se rassembler massivement ailleurs qu’à Bickfaya. Retour au calme L’ancien président renouvellera cet appel dans une deuxième intervention plus tard en soirée, toujours en présence du chef des FL. De plus cette fois-ci, il révise à la baisse ses attaques contre le Tachnag, se concentrant sur un incident survenu dans un bureau de vote de Bourj-Hammoud. Il s’agissait d’un électeur arménien qui s’était vu refuser de mettre un bulletin dans l’urne sous prétexte que son nom était coché comme ayant déjà voté. L’électeur ne reconnaît pas la signature apposée à côté de son nom. Il lance alors l’alerte. À un moment, il a donc été question d’annuler l’ensemble des résultats de ce bureau de vote, ce qui a provoqué l’ire du général Aoun. Mais en fin de compte, seul le bulletin incriminé a été annulé. Or, selon les comptes du CPL, sans ce bureau de vote, Amine Gemayel serait vainqueur ; avec, c’est Camille Khoury qui l’est. Vers minuit, le général Aoun réapparaît et annonce une nouvelle fois la victoire de son candidat, en affirmant que des magistrats en charge du dépouillement ont rejeté l’option de l’annulation des résultats du bureau de vote. En conséquence de quoi, il rappelle ses militants déployés sur le terrain et leur demande de rentrer chez eux « sans manifestation de joie ». D’autre part, il fait état d’incidents provoqués selon lui par les Forces libanaises. Dans l’un de ces incidents, survenu à Aïn Alak, un militant du CPL a été légèrement blessé. Ainsi interpellé, Samir Geagea nie les accusations du général et affirme que les quelques incidents survenus ne sortent pas de l’ordinaire et sont le fait des deux parties. En outre, M. Geagea souligne que le camp du 14 Mars attendra les résultats officiels et s’y pliera, quels qu’ils soient. Il prend toutefois soin de préciser qu’en tout état de cause, il considère M. Gemayel comme étant politiquement vainqueur. De son côté, le chef du PSP, Walid Joumblatt, tout en reconnaissant la victoire étroite du candidat aouniste, souligne que cette élection « scelle le sort du pseudo-phénomène Michel Aoun » et signe le « triomphe » d’Amine Gemayel et du camp souverainiste. Pierre Gemayel et Walid Eido, tous deux morts en martyrs, ont à présent des successeurs à la Chambre, l’un appartenant à la majorité, l’autre à l’opposition. C’est d’abord, et quoi qu’on dise, un grand succès pour le gouvernement de Fouad Siniora, qui réussit ainsi son défi face au président de la République, Émile Lahoud. Ensuite, il s’agit d’une victoire amère pour le général Aoun, dont le courant perd des plumes dans la lutte pour le leadership chrétien, tout en légitimant la décision gouvernementale.
On craignait, pour le Metn, une réédition du scénario de 2002. À l’époque, la bataille des frères Murr s’était achevée sur des résultats extrêmement serrés, l’annonce par chaque camp de sa victoire sur l’autre et une terrible tension sur le terrain. Hier soir, à l’issue d’un scrutin partiel hautement politisé, l’image était à quelque chose près similaire.
Ce n’est...