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Au Hermel, les éleveurs de truites peinent à écouler leurs marchandises

La route menant au Hermel est tortueuse – des travaux de réhabilitation étant menés sur le tronçon séparant Zahlé de Baalbeck – et le soleil est de plomb. Mais le trajet vaut la peine. Dans cette région suspendue au ciel, le temps semble s’arrêter. Le calme se fait maître, brisé de temps à autre par le vrombissement d’une voiture. À première vue, rien ne rappelle les durs jours de bombardements intensifs. Mais les voitures qui se font rares ainsi que les vacanciers, tout aussi rares, qui, jadis, se précipitaient pour descendre le cours de l’Oronte à bord de leurs rafts, en disent long sur l’état d’isolement et de détresse du village. « L’idée de ce projet est d’aider les éleveurs de truites dans le Hermel », explique dans le bureau de l’ICU Stefano Disperati, directeur du projet. D’un coût global de quelque 500 000 euros, réalisé en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il profite à 150 fermes d’élevage et à quelque 500 familles. « Nous comptons dans le cadre du projet 20 grandes fermes, 50 autres moyennes, souligne M. Disperati. Les autres fermes sont très petites, en ce sens que les propriétaires possèdent un seul bassin de truites par famille. » La région du Hermel est toutefois propice à l’élevage de truites, d’autant que l’eau y est « très propre ». « En principe, les truites sont vendues à Beyrouth, poursuit-il. Les grands éleveurs peuvent se permettre le luxe d’introduire leur marchandise dans les grands supermarchés. » Depuis trois ans, toutefois, les éleveurs se trouvent dans une situation critique, aggravée par l’offensive israélienne. Plusieurs d’entre eux ont perdu leurs bassins touchés par les obus, d’autres l’ensemble de leur production, et ce, à cause de la pollution de l’eau. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, plusieurs éleveurs de truites ont perdu une grande partie de leur production suite à l’inondation qui a eu lieu en mai dernier. « L’ICU réhabilitera dans le cadre du projet dix fermes d’élevage, précise Stefano Disperati. Nous avons, par ailleurs, distribué des fingerlings (poissons de la longueur du doigt) à 55 éleveurs affectés par l’inondation. Nous allons de plus assurer l’alimentation de ces truites durant une année. Nous le ferons gratuitement pour les propriétaires des petites fermes. Les éleveurs possédant de moyennes ou de grandes fermes devront contribuer aux frais. Les fermes moyennes auront ainsi 50 % des aliments et les grandes fermes 15 %. » Et M. Disperati de préciser : « Les aliments sont importés d’Europe ou des États-Unis. Ils doivent répondre aux réglementations internationales et ne contiennent pas par conséquent du prion responsable de la maladie de la vache folle, sachant qu’aucune étude scientifique n’a prouvé la transmission du prion de la vache à d’autres espèces animales et par la suite à l’homme. Ces produits ne représentent donc pas un danger pour la santé de l’homme. D’ailleurs, nous ne fournissons que des aliments certifiés ISO et nous effectuons des analyses de sécurité. Il faut se méfier par contre des aliments en provenance de la Chine, qui demeure le plus grand producteur de farine animale. » Une usine pour la fabrication de truites fumées Élever les truites n’est pas un problème en soi, la grande difficulté demeure, selon M. Disperati et les éleveurs, l’écoulement de la marchandise. « En effet, chaque kilo d’aliments peut produire un kilo de truites, constate le directeur du projet. Mais notre problème demeure le marché qui est restreint. Les éleveurs se sont tournés donc vers le marché syrien, d’autant qu’il leur est plus facile de les y exporter, vu la proximité. Il leur faut en fait une heure pour arriver en Syrie, contre trois heures pour atteindre la capitale, en plus du coût des camions frigorifiés pour le transport des truites. Sans oublier que les truites sont vendues à un meilleur prix en Syrie, où elles sont utilisées dans l’industrie alimentaire. » « Le problème du secteur au Liban demeure le besoin constant d’importer les œufs de poisson et les aliments, ajoute-t-il, parce que la production des œufs nécessite une technologie avancée qui n’existe pas au Liban. De plus, l’industrie alimentaire se fait rare dans le pays. Le poisson y est vendu vivant. » Mais le PNUD avait proposé de construire une usine pour la production de truites fumées. « Il ne suffit pas de construire une usine pour produire les truites fumées, remarque Stefano Disperati. On ne peut pas en fait transformer un poisson qui n’est pas prêt à l’être. Pour produire des truites fumées, il faudrait élever des truites saumonées, qui nécessitent des aliments spéciaux. En fait, la seule différence entre la truite ordinaire et la truite saumonée réside dans l’alimentation, qui est de 20 à 25 % plus onéreuse. Les poissons de base sont les mêmes. Est-ce que le marché local est prêt à assumer cette différence de prix ? C’est la raison pour laquelle  nous insistons sur la nécessité de travailler dans le cadre d’un métasystème, c’est-à-dire sur l’ensemble de la chaîne. Dans le cas du Hermel, cela signifie 20 fermes d’élevage, ce qui n’est pas intéressant d’un point de vue économique pour les investisseurs. Pour que ce projet réussisse, il faudrait travailler avec l’ensemble des fermiers dans le cadre d’une coopérative. C’est alors qu’on pourra avoir une valeur ajoutée au niveau de la production. » À l’heure actuelle, les éleveurs de truites au Hermel assurent une production annuelle de 300 tonnes par an. « Plusieurs importateurs dans les Émirats arabes unis sont prêts à signer des contrats de cinq ans si on peut leur assurer sept tonnes de truites par semaine, confie M. Disperati. Mais aucune ferme au Liban, ni au Moyen-Orient, ne peut le faire. D’où la nécessité de joindre les efforts pour améliorer le secteur. » Le projet, initié il y a cinq mois, doit se poursuivre jusqu’en novembre. « Mais nous avons tellement avancé sur le terrain que nous pensons pouvoir terminer toutes les activités en septembre, déclare M. Disperati. Ce qui est bien, d’autant que le temps est un facteur contraignant dans le cadre des grands projets. Le fait que le projet ait été achevé avant l’échéance prévue est un acquis important car nous espérons ainsi pouvoir trouver les fonds nécessaires pour entamer un projet de développement pour lequel il faut compter un budget d’au moins cinq millions d’euros. Avec un bon potentiel, les éleveurs pourront ainsi exporter vers les pays arabes. Les marchés européen et des USA seront conquis à une étape ultérieure. »
La route menant au Hermel est tortueuse – des travaux de réhabilitation étant menés sur le tronçon séparant Zahlé de Baalbeck – et le soleil est de plomb. Mais le trajet vaut la peine. Dans cette région suspendue au ciel, le temps semble s’arrêter. Le calme se fait maître, brisé de temps à autre par le vrombissement d’une voiture. À première vue, rien ne rappelle...