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Une souffrance psychique pourrait-elle être visible à l’IRM ?

Deux médecins du centre hospitalier Sainte-Anne (Paris) ont utilisé l’imagerie à résonance magnétique (IRM) en 3D pour analyser des situations de souffrance psychique chez des personnes âgées. Le Dr Jean-Claude Monfort, psychiatre, gériatre et neurologue, et le Pr Daniel Frédy, neuroradiologue, font l’hypothèse que les circuits d’informations que constituent les fibres cérébrales pourraient être désactivés, en cas d’angoisse majeure. « Si cette hypothèse se vérifie, souligne le Dr Jean-Claude Monfort, elle pourrait modifier l’approche diagnostique d’un petit nombre de malades considérés à tort comme ayant une maladie de type Alzheimer. » Pour le Pr Daniel Frédy, neuroradiologue, « ce serait peut-être une des premières fois qu’une souffrance psychologique ancienne et répétée, due à une succession de traumatismes tout au long de la vie, sort de l’invisible pour devenir visible ». L’étude des deux médecins, qui rapproche de façon inédite la psychiatrie de la neurologie – deux disciplines aux conceptions parfois opposées – et porte sur une quinzaine de patients, est en cours de validation et devrait être prochainement publiée. C’est à partir du cas d’une malade octogénaire, se présentant dans un état altéré de conscience, de stupeur et de sidération, que le Dr Monfort, souvent consulté pour des diagnostics délicats en gériatrie, a fait appel au Pr Frédy et à l’équipe de neuroradiologie de Sainte-Anne. « Cette personne, note le Dr Monfort, fonctionnait comme en écho à ce qu’on lui disait, s’agrippant aux paroles, aux gestes, au regard, à la main. Un premier examen au scanner n’avait montré aucune lésion frontale, qui aurait pu expliquer ces phénomènes. Alors, une maladie de type Alzheimer ? » Restait à interroger l’IRM avec l’apport de tenseur de diffusion en 3D. Un équipement très performant, utilisé depuis peu à Sainte-Anne et qui a permis d’obtenir d’extraordinaires images des fibres cérébrales. Résultat ? Pas d’images en faveur d’une maladie de type Alzheimer ou apparentée... mais un tableau surprenant, selon le Pr Frédy. À savoir, une raréfaction nette en de multiples endroits, à droite comme à gauche des fibres blanches du corps calleux et des faisceaux arqués, ces « autoroutes cérébrales de l’information ». « D’où trois hypothèses : soit les fibres ont disparu à jamais, soit elles sont en veilleuse, soit elles sont mortes, mais d’autres vont prendre le relais. » Pour Jean-Claude Monfort, « il en existe une 4e : il pourrait s’agir d’une maladie de type Alzheimer ou apparentée à son tout début ». « Mais il n’en reste pas moins que cette patiente octogénaire – qui va parfaitement bien aujourd’hui » – a pu, sous l’effet d’une angoisse insupportable, choisir inconsciemment d’interrompre le fonctionnement de ses circuits d’information. Selon le Dr Monfort, « les travaux en cours concernent une petite population de personnes âgées dites “ épuisantes” pour leur entourage, qu’on aurait qualifiées d’“hystériques” au début du XXe siècle ». « Par leurs demandes incessantes, leur agressivité, leurs absences, leurs troubles semblent relever d’une maladie de type Alzheimer. Et de fait, on les traite comme tels, faute d’avoir pris ou eu le temps d’écouter ces malades. » « Si on cherche à connaître leur histoire, on découvre qu’ils ont éprouvé de multiples traumatismes psychologiques au cours de leur vie. C’est à la faveur d’un événement qui les renvoie à leur petite enfance que surgit un état d’angoisse extrême. » Interrogé sur les travaux menés par le Pr Frédy sur les fibres du cerveau, le Pr Jean-Jacques Merland, chef de service de neuroradiologie à l’Hôpital Lariboisière (Paris), a salué « la remarquable interprétation qu’il en a faite dans le domaine de l’IRM ».

Deux médecins du centre hospitalier Sainte-Anne (Paris) ont utilisé l’imagerie à résonance magnétique (IRM) en 3D pour analyser des situations de souffrance psychique chez des personnes âgées.
Le Dr Jean-Claude Monfort, psychiatre, gériatre et neurologue, et le Pr Daniel Frédy, neuroradiologue, font l’hypothèse que les circuits d’informations que constituent les fibres...