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Actualités - CHRONOLOGIE

André Raymond, maître incontesté des études historiques sur les villes arabes à l’époque ottomane

Maître incontesté des études historiques sur les grandes villes arabes à l’époque ottomane, l’historien français André Raymond se dit très « amusé » par le concours de circonstances qui l’a amené, il y a une cinquantaine d’années, à avoir son doctorat à Oxford, « le jour même où Charlie Chaplin recevait un doctorat honoris causa de la même université et me voilà aujourd’hui avec Youssef Chahine. Je suis tout à fait honoré de figurer dans la même promotion que deux célèbres cinéastes ». Rencontre. Fondateur de l’Institut de recherches sur le monde arabe et musulman d’Aix-en-Provence, le Pr Raymond a fait une importante carrière dans le monde anglo-américain. Après des études en Sorbonne, il a décroché un doctorat à Oxford, où il a travaillé sous la direction du professeur libanais Albert Hourani, et enseigné ensuite à Harvard et à Princeton. L’histoire sociale et urbaine des villes arabes et islamiques du XVIe au XIXe siècle est le thème majeur des travaux d’André Raymond, qui a contribué à mettre « l’intérêt et la lumière » sur cette période. Ses recherches ont permis de démontrer que, contrairement à une vision orientaliste classique décrivant la ville arabe comme un organisme anarchique, une sorte de magma confus dans lequel il est difficile de définir des lignes directrices, celle-ci est « fortement structurée », selon un schéma d’importante centralisation. « Certaines grandes agglomérations comme Alep, Damas, Le Caire ou Tunis ont été des terrains d’investigation qui m’ont retenu et qui m’ont permis d’essayer de définir les lignes de leur évolution », souligne l’historien, considérant que la période ottomane a été une époque de floraison et de croissance urbaine. « Les villes ont été profondément magnifiées à cette période et leur parure architecturale, qui s’était beaucoup développée, a marqué les derniers cachets de leur histoire artistique. » Au cours de sa carrière, le spécialiste apportera des « arguments scientifiques » pour démontrer que la ville s’est développée autour du centre d’une manière « parfaitement lisible » lorsqu’on étudie l’histoire des lieux. « Contrairement à ce qui été dit, l’organisation de la ville arabe est globalement logique et fonctionnelle, avec un centre urbain très important, dans lequel se concentrent les activités économiques, culturelles et parfois politiques. » Au centre de la ville, sont en général situés mosquées, universités et principaux sites religieux. C’est aussi au centre que l’on trouve les marchés et les caravansérails. Autour de ce point de concentration commercial et culturel, les parties privatives de la ville s’étendent aux habitations des élites. Plus loin on trouve les quartiers résidentiels et les marchés de proximité. Les couches les plus populaires sont reléguées dans les quartiers les plus reculés de la ville. La vie traditionnelle répond donc à des divisions hiérarchisées, selon des critères matériels, sociaux et religieux. Le Pr Raymond révèle aussi que la société du monde arabe à cette époque n’était pas comme on l’a parfois décrite une société « invertébrée », dominée par une aristocratie militaire étrangère, les Turcs, avec une population indigène soumise et silencieuse. « Cette société était tout à fait organisée et ses couches sociales n’étaient nullement intimidées, puisqu’elles ont donné lieu à de rigoureux soulèvements locaux », rappelle encore l’historien, auteur de nombreux articles et ouvrages dont les Artisans et commerçants du Caire au XVIIIe siècle, Le Caire des janissaires et Tunis sous les Mouradites. Mais quel rôle a donc joué Beyrouth à cette période ottomane ? « La ville, dit-il, n’était pas considérée comme un des grands centres du monde arabe. Jusqu’à l’orée du XIXe siècle, elle était d’importance moyenne et, à la différence des villes comme Le Caire et Alep, elle ne jouait pas encore un rôle dans l’économie du monde ottoman. C’est à partir du XIXe siècle que le Liban va devenir le modèle dans cette région. Il sera le centre de la Renaissance (Nahda) du Moyen-Orient et le lieu où est née la réflexion sur la démocratie et la diversité culturelle. J’ai une grande admiration et amour pour ce pays. Il est doté de beaucoup de mérite. Les difficultés qu’il a traversées sont liées à la fronde et à la cicatrice indélébile laissée par la dernière opération coloniale qui a abouti à l’éclatement de la Palestine. Il subit les conséquences d’un malheur dont il n’est pas responsable. » May MAKAREM
Maître incontesté des études historiques sur les grandes villes arabes à l’époque ottomane, l’historien français André Raymond se dit très « amusé » par le concours de circonstances qui l’a amené, il y a une cinquantaine d’années, à avoir son doctorat à Oxford, « le jour même où Charlie Chaplin recevait un doctorat honoris causa de la même université et me voilà...