Rechercher
Rechercher

Actualités

Échec à l’impuissance Marianne SAFA

Les grandes douleurs sont muettes, dit-on ; et l’on dit aussi qu’une image vaut mille mots. Les participants aux funérailles de jeudi, ainsi que les téléspectateurs qui y assistaient à distance ont pu se rendre compte de l’authenticité de ces dictons populaires. En effet, perdu au milieu d’une foule qui clame sa rage et sa révolte, égaré au milieu du chahut et des discours, des cris et des larmes, un enfant, seul, prostré entre deux cercueils. Les yeux noirs et secs, grandis par la douleur, les bras noirs et frêles circonscrits par l’horizon d’une boîte qui dérobe à jamais la vie d’un frère, d’un père ou d’un grand-père, il ne comprend pas. Le regard perdu au loin, il contemple l’absurde. Cette image d’un enfant sans nom et sans visage impose le respect, car l’essence de l’enfance est de ne pas comprendre l’univers retors des adultes. Et pourtant… Face à cette image qui manifeste la saine incompréhension de l’innocence enfantine, d’autres images se bousculent dans notre tête. Des images d’enfants au regard obstiné et implacablement orienté, comme la flèche qui s’élance à la détente d’un arc. Des images d’enfants cueillis au berceau et que l’on a fait croître dans le terreau d’un mimétisme servile de l’univers adulte. Des images d’enfants déformés par l’appendice d’une arme à feu et pour qui une bataille n’est qu’un jeu agrémenté d’accessoires véridiques. Ces enfants, hélas, ont perdu le trésor de l’enfance et, avec lui, le pouvoir de le léguer, plus tard, à leur propre progéniture. Cependant, au-delà de l’urgence qu’il y a à sauver l’enfance de nos enfants, se dégage le point commun à ces deux images. C’est, bien sûr, leur égale impuissance. La saine impuissance de l’incompréhension, qui ne peut inclure dans la logique de son univers enfantin le détournement absurde d’un immonde calcul de probabilités ; et l’autre impuissance, celle de l’obstination infantile, qui ne peut se prévaloir ni d’un pouvoir de décision propre ni d’un esprit critique hors du pseudo savoir distillé par les adultes. Face à cette image double de l’enfance s’impose également à nous la double image de notre classe politique. L’une confrontée aux multiples facettes de l’absurde échiquier planétaire, l’autre orientée sur l’étroite trajectoire dessinée par un roitelet assiégé, déplaçant en tous sens ses fous, ses cavaliers et ses pions, dans l’espoir insensé de protéger la tour où se terre sa souveraine… personne. Double image d’impuissance ? Et si, pour faire échec et mat à l’adversaire, il suffisait de secouer cette impuissance ? Secouer l’impuissance pour que puisse se répandre à nouveau, à travers tout le Liban, ce terreau fertile où poussent les vrais hommes, ceux qui, avant de devenir des hommes et des femmes, ont été des enfants. Des vrais. Article paru le Mardi 19 Juin 2007
Les grandes douleurs sont muettes, dit-on ; et l’on dit aussi qu’une image vaut mille mots.
Les participants aux funérailles de jeudi, ainsi que les téléspectateurs qui y assistaient à distance ont pu se rendre compte de l’authenticité de ces dictons populaires.
En effet, perdu au milieu d’une foule qui clame sa rage et sa révolte, égaré au milieu du chahut et des discours,...