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Actualités - OPINION

IMPRESSION Bon ou mauvais ?

Dans la philosophie zen, on raconte l’histoire d’un moine qui avait un fils unique. Celui-ci perdit la jambe dans un accident de cheval. À ceux qui venaient le consoler, le moine disait : « J’ignore si cela est bon ou mauvais. » La guerre éclata, et le fils amputé fut dispensé d’y participer. À ceux qui venaient l’en féliciter, le moine répétait encore : « J’ignore si cela est bon ou mauvais. » Plus de trente ans après notre vieille guerre, nous assistons incrédules au retour des démons. Quelque chose en nous refuse le piège, la théorie du complot, la fatalité de la violence. Entre confiance et angélisme, nous avons fait des enfants, créé des entreprises, cultivé des jardins sur cette terre incertaine. Cela est-il bon ou mauvais ? Ici, le lecteur peut ricaner. La question ne vaut même pas la peine d’être posée. Nous sommes quatre millions, cet instant même, à maudire ce pays. Quatre millions, indistinctement opposants et loyalistes, chrétiens et musulmans, blonds et bruns, végétariens et carnivores, à pester contre le sort qui nous a jetés sur ces rives. Bien sûr, le monde nous soutient. Une partie du monde soutient les opposants et l’autre les loyalistes. Cela est-il bon ou mauvais ? Cela fait toujours du bien de se sentir soutenu. A-t-on jamais demandé aux coqs de combat, aux taureaux dans les arènes, aux matadors ce que leur apporte le soutien des foules ? À ces jeux-là, intervenir c’est tricher. Les nations se doivent d’être fair-play. Elles se contentent d’applaudir quand se lève le panneau « applause » dès qu’un point est marqué. Le monde est une vaste claque. Il ne nous trouve beaux qu’ensanglantés. Notre violence lui permet d’évacuer les siennes. Nous sommes les gages de sa sérénité. Se trouvera-t-il parmi ceux qui nous dirigent quelqu’un pour jeter le gant ? Quelqu’un pour refuser de nous donner en spectacle à seule fin de détourner les regards de l’essentiel, la crise du nucléaire iranien, la pénurie promise du pétrole et de l’eau ? Mais non. The show must go on, et nous sommes des bêtes de scène. Voilà pourquoi, c’est à nous qu’on fournit les accessoires, les bombes pour nous éliminer, les arguments pour nous haïr, les mercenaires pour attiser nos querelles, les hordes barbares pour pimenter le jeu en anémiant notre armée… et les caméras pour que rien ne se perde. Quoi d’autre ? Devant les feux de Bagdad, de Gaza, de Beyrouth et d’ailleurs, quelqu’un joue de la lyre. Bon ou mauvais ? Bon pour la musique, sans aucun doute. Fifi ABOU DIB
Dans la philosophie zen, on raconte l’histoire d’un moine qui avait un fils unique. Celui-ci perdit la jambe dans un accident de cheval. À ceux qui venaient le consoler, le moine disait : « J’ignore si cela est bon ou mauvais. » La guerre éclata, et le fils amputé fut dispensé d’y participer. À ceux qui venaient l’en féliciter, le moine répétait encore : « J’ignore si cela...