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Actualités - CHRONOLOGIE

ARRÊT SUR IMAGE - Cinquante-sept ans après sa création au Théâtre des Noctambules à Paris Immortelle, « La cantatrice chauve » de Ionesco ?

Une cantatrice et chauve ? Et qui n’existe ni dans les dialogues, ni dans les directives d’un dramaturge, ni en coulisse ? Auriez-vous jamais songé à la Castafiore, Maria Callas ou Teresa Berganza sans cheveux ? Idées saugrenues, presque dérangeantes et images insolites qui, d’ailleurs, ne se trouvent même pas dans cette Cantatrice chauve de Ionesco, qui n’arrête pas de piquer la curiosité des metteurs en scène, de la presse, des universitaires et du public. Toutes langues confondues. Car du pays du Soleil-Levant à l’Empire du Milieu, en passant par la Cordillère des Andes ou les ruines de Beyrouth, cette pièce de la tragédie du langage, traduite dans toutes les langues de la planète, a fait un chemin international. Mais au rythme de ses phrases syncopées, taillant avec force gesticulations emphatiques et images grimaçantes dans l’avant-garde de l’absurde (courant aujourd’hui quand même passé à une modération presque classique), La cantatrice chauve de Ionesco n’est plus ce qu’elle était… Et voilà que cette dame fantasque et fantomatique, pour ne pas dire même virtuellement inexistante, se rend en visite sur un plateau bien plus grand que les espaces étriqués où, toutes pompes et voiles dehors, elle exerçait ses hystéries et ses vocalises sur tons graves ou aigus... Voir la première pièce de l’auteur des Chaises sur petit écran, grâce à la chaîne franco-allemande Arte qui l’a programmée récemment (et ce n’est guère là le produit d’un pur hasard), dans l’inventive et jouissive mise en scène de Jean-Luc Lagarce, décédé du sida en 1995 à l’âge de 38 ans, est une entreprise d’actualisation d’une œuvre qui, sans vieillir tout à fait, n’est plus aussi grinçante, aussi acide qu’il y a presque un demi-siècle plus tôt… Représentée pour la première fois à Paris au Théâtre des Noctambules, le 11 mai 1950, la première pièce d’Eugène Ionesco, La cantatrice chauve, dans une mise en scène de Nicolas Bataille, est loin d’être un succès. Un des plus éminents critiques parisiens ne se prive pas d’écrire le lendemain : « La pièce de monsieur Ionesco ne mérite qu’un haussement d’épaules... » Une vocation internationale Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là… Reprise au Théâtre de la Huchette, c’est le triomphe, avec des prolongations qui s’échelonnent sur plus de deux décades à guichets fermés… Rires, découverte d’un langage cocasse et ébouriffé, et pause réflexion du public, dérouté, séduit, amusé, conquis… Entre-temps, tout le monde s’est approprié cette œuvre « folle » et fantasque qui tordait le cou au langage habituel… Même à Beyrouth, entre étudiants, amateurs éclairés et professionnels, les productions narrant les statiques tribulations de deux couples aux propos interchangeables ne se comptent presque pas. Qui aurait dit que les répliques balancées par les Smith et les Martin s’exprimant comme des phrases tirées de la méthode « Assimil » auraient une telle ferveur d’écoute ?… Mais Ionesco a visé juste : voilà un dialogue proprement théâtral, mais où la parole est sans chair… Un théâtre aussi visuel qu’auditif, car accompagné de tics, de gestuelle mécanisée, d’instants robotiques… Avec la mise en scène de J.-L. Lagarce, c’est la face sombre de l’œuvre qui est mise en évidence. Ionesco est traduit ici en musique, gestes et jeux. Le texte révèle ses non-dits, y compris les pulsions érotiques… Dans un décor naïf avec deux chaises, un tuyau d’arrosage jaune, un ballon rouge, une balançoire, des haies taillées et une petite maison (anglaise certes, mais bien européenne aussi !), les personnages ont toutes les allures de marionnettes à la fois poétiques et tragiques. Immortelle, cette Cantatrice chauve de Ionesco, née du désir de décortiquer et d’apprendre une langue étrangère ? Rien n’est sûr, mais le rayonnement de cette œuvre satirique qui se défend d’avoir un sens politique n’a pas fini d’avoir de l’impact. Aussi bien sur scène que dans les rangs des spectateurs. Une cantatrice chauve ? Quelle horreur bien sûr, mais aussi quelle idée ! On se dira toujours : allons voir si sa chevelure a repoussé… C’est toujours plus convenable pour tout le monde ! Edgar DAVIDIAN

Une cantatrice et chauve ? Et qui n’existe ni dans les dialogues, ni dans les directives d’un dramaturge, ni en coulisse ? Auriez-vous jamais songé à la Castafiore, Maria Callas ou Teresa Berganza sans cheveux ? Idées saugrenues, presque dérangeantes et images insolites qui, d’ailleurs, ne se trouvent même pas dans cette Cantatrice chauve de Ionesco, qui n’arrête pas de piquer la...