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Actualités - OPINION

Jeter l’écorce, sauver le fruit Élie FAYAD

Il est des moments dans la vie d’une nation et d’un peuple qui ne permettent en aucun cas une approche pointilleuse et étriquée du droit, surtout lorsqu’une telle approche mène directement à une paralysie des institutions, synonyme au bout du compte d’un effondrement de cette nation. Aucune Constitution au monde ne prévoit qu’un État se saborde ou se laisse saborder, de l’intérieur comme de l’extérieur, quels qu’en soient les raisons ou les prétextes. Il n’y a aucune atteinte au droit lorsque, contraint de choisir, un peuple décide de faire passer le principe de son indépendance et sa souveraineté avant le détail des modalités pratiques de l’exercice de cette indépendance et de cette souveraineté. Lorsqu’un chef d’État, politiquement contesté ou pas, s’abstient de signer un décret d’organisation d’une élection partielle sous prétexte que le gouvernement en place, politiquement contesté ou pas, est illégitime, il se place de lui-même hors du champ constitutionnel. D’abord, il n’appartient pas au président de la République de décider si le gouvernement est légitime ou pas. Seul le Parlement est habilité à se prononcer à ce sujet. Ensuite, et conformément à une lecture rationnelle et logique du droit et de la Constitution, la disposition selon laquelle un siège de député vacant doit être pourvu dans les plus brefs délais est certainement plus importante que celle qui définit les mécanismes de ce pourvoi. Naturellement, tout est essentiel dans une Constitution. Mais la véritable question qui se pose en l’occurrence est de savoir, lorsqu’un blocage survient au niveau des rouages, si, pour quelque raison que ce soit, il faut pour autant en oublier l’objectif principal. La réponse évidente, criante, est : non ! Il ne s’agit nullement ici de promouvoir le principe selon lequel la fin justifierait les moyens. C’est un axiome qui a souvent conduit à de grandes injustices. Simplement d’admettre que lorsqu’il existe en face une volonté maligne – et elle l’est clairement – d’entraver la marche normale des institutions, et cela dans l’objectif non moins évident de provoquer un bouleversement politique, il serait tout à fait légitime – et constitutionnel – d’y répondre en contournant l’obstacle, voire en l’ignorant et en le méprisant. À supposer même que le gouvernement soit illégitime, le pourvoi à la succession d’un député assassiné ne l’est assurément pas. C’est bien en s’y opposant qu’on entre dans l’illégitimité et même l’illégalité. Lorsqu’un président de la Chambre des députés décide discrétionnairement de prendre en otage la législature, quelles que soient les prérogatives qui lui sont attribuées par les textes, il ne viole pas seulement la Constitution. Il l’anéantit. Car avant le bon fonctionnement des institutions, il y a le fonctionnement tout court. Bloquer le second sous prétexte que le premier est loin d’être assuré n’est pas seulement illégal. C’est une forfaiture. Au-delà de ces polémiques et d’autres, il y a l’essentiel : une nation se bat depuis deux ans pour retrouver son indépendance et il se trouve de nombreux protagonistes, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour s’y opposer par tous les moyens, y compris les plus violents, et en arguant des prétextes les plus fallacieux. Serait-ce une hérésie de dire que pour une Constitution, le principe de l’existence, de l’indépendance et de la souveraineté de la nation et de l’État prime sur tout le reste, c’est-à-dire sur les mécanismes et les rouages de cet État mais aussi sur sa nature, unitaire, fédérale, consensuelle ou ce que l’on veut ? Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. L’opposition, dont les turpitudes ne se comptent plus, semble ignorer ce principe élémentaire du droit. Quant à la majorité, qui paraît toujours être prise au dépourvu par les événements, elle devrait cesser de faire preuve de tant de complaisance et de scrupules. Les uns pratiquent sans vergogne la politique du bord du gouffre et les autres se placent systématiquement sur la défensive. Sauf pour ce qui est du tribunal international, où l’action unilatérale entreprise a été courageuse et nécessaire, le 14 Mars n’en finit plus de temporiser, d’attendre qu’un attentat succède à l’autre, croyant ainsi ménager l’avenir et ses échéances. Le temps n’est plus à la pédagogie. Encore moins aux demi-mesures et aux compromis bancals. La guerre est déclarée contre l’indépendance du Liban. On ne peut pas faire semblant d’être en paix. Un chef d’État bloque les partielles ? Un président du Parlement phagocyte la Chambre ? Un parti-État continue de défier la souveraineté du Liban ? Qu’à cela ne tienne : il faut, il est impératif de contourner tous ces obstacles. Pour que vive la nation. Et le droit. Au bout du compte, il ne s’agit nullement qu’un camp triomphe de l’autre. Les individus aujourd’hui ici peuvent se retrouver demain là-bas et vice versa. Il est simplement question de protéger la plus belle aventure de l’histoire de ce pays, la révolution du Cèdre.
Il est des moments dans la vie d’une nation et d’un peuple qui ne permettent en aucun cas une approche pointilleuse et étriquée du droit, surtout lorsqu’une telle approche mène directement à une paralysie des institutions, synonyme au bout du compte d’un effondrement de cette nation.
Aucune Constitution au monde ne prévoit qu’un État se saborde ou se laisse saborder, de...