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INCURSION AU PRADO - Arrêts sur toiles Francisco Goya, un peintre noir, roi du « blanc lumière » MADRID, de Zéna ZALZAL

S’évader par la peinture. S’éloigner d’un quotidien truffé d’effroi et de laideur pour voyager au gré des plus beaux tableaux de tous les temps. C’est ce que propose cette rubrique qui vous invite à faire une incursion – et des arrêts sur toiles – dans l’un des plus importants musées du monde : le Museo del Prado à Madrid. Cette célèbre pinacothèque abrite, en effet, l’une des plus riches collections de peintures européennes du XIVe au début du XIXe siècle. Des œuvres majeures des plus grands maîtres espagnols, tels : Le Greco (« Le chevalier à la main sur la poitrine »), Diego Vélasquez («Les Ménines »), Francisco Goya (les « Majas »), Bartolomé Esteban Murillo. Mais aussi de chefs-d’œuvre de la peinture universelle signés Fra Angelico (« L’Annonciation »), Jérôme Bosch (« Le Jardin des délices »), Pierre Paul Rubens (les « Trois Grâces »), Raphaël, Titien, Botticelli, Le Tintoret, Caravaggio, Albrecht Dürer (le diptyque d’« Adam et Ève »). À tout seigneur tout honneur, c’est à Francisco Goya (1746- 1828) qu’est dévolu le plus large espace de galeries du musée espagnol. Plus de 1000 m2 consacrés aux toiles de ce géant de la peinture et qui couvrent ses différentes périodes présentées par ordre chronologique. « Portrait de la famille de Charles IV » Désigné par certains critiques comme « le premier des modernes », Goya entama sa carrière par des croquis pour les tapisseries royales. En 1786, il est nommé peintre officiel du roi. Dans ce registre, il atteint son apogée entre 1799 et 1807, en peignant le Portrait de la famille de Charles IV, une immense toile de plus de 3 mètres de large qui, outre son élégante composition, démontre un sens de l’observation caustique chez son auteur. En effet, c’est en fonction de leur réelle importance qu’il a placé les divers membres de la famille royale. Laquelle se trouve regroupée autour de la reine Marie-Louise, debout, hiératique et auréolée de lumière, au centre du tableau, alors que le roi est un pas en avant, au premier plan, mais de côté. De cette manière, le peintre – qui s’est d’ailleurs lui-même représenté à l’œuvre devant son chevalet à l’arrière-plan gauche de la scène– révèle qui est la vraie détentrice du pouvoir. Les « Majas » Deux salles plus loin, ce sont les fameux La Maja Vestida (La Maja vêtue) et La Maja Desnuda (La Maja nue), deux tableaux réalisés entre 1800 et 1805, qui font crépiter les flashs des touristes. Comme c’est le cas pour la Monna Lisa de Da Vinci au Louvre, la première approche du célébrissime double portrait est teintée d’une légère déception. Mais en y regardant de plus près, le léger changement d’angle entre les deux tableaux, la variation de teinte du sofa et surtout l’altération d’expression de la dame trahissent une modification ultérieure du portrait de la Maja nue, comme si la tête avait été remplacée par une autre figure que celle du modèle initial, qui n’était autre que la duchesse d’Albe, protectrice du peintre mais également, selon la légende, sa maîtresse. Une œuvre, auréolée de grâce et de secret, qui valut à son auteur d’être poursuivi par l’Inquisition. Laquelle lui demandera d’ailleurs également des comptes pour avoir peint pour l’envahisseur français. « Peintures noires » La position de Goya face à la guerre en Espagne fut, en effet, ambivalente. Engagé contre l’occupation de Madrid par Napoléon Ier, Goya n’hésite pourtant pas à recevoir une décoration ainsi que des commandes de l’empereur français. Et pourtant, il reste un fervent patriote dénonçant par son pinceau la violence de l’invasion napoléonienne. De ces « peintures noires » se détachent très nettement deux grandes toiles, Le Dos De Mayo et Le Tres De Mayo, qui illustrent l’insurrection des Madrilènes contre l’envahisseur le 2 mai 1808 et la fusillade des insurgés le lendemain. Cette deuxième toile mérite qu’on s’y attarde. D’une expressivité fascinante, cette composition sombre, qui met en scène une rangée de soldats sans visages dressant dans la nuit leurs fusils contre des insurgés, attrapés et condamnés, dégage une charge émotive impressionnante. Outre la gestuelle dramatique des victimes, avec au centre un homme s’apprêtant à recevoir l’impact de balles, les bras en croix, l’effet de lumière qui se dégage de sa seule chemise blanche renforce l’impression produite par la scène. Un des chefs-d’œuvre de Goya réalisé entre 1810 et 1814 et qui, par la lumière de cette chemise, le regard de cet homme qui va être fusillé et l’anonymat des grognards napoléoniens, rappelle la triste universalité de la violence de la guerre. Après la guerre, désormais libéré des carcans traditionnels du portrait de cour et des tableaux de commandes, le pinceau de Goya va se libérer, accompagnant en cela l’affranchissement de son imagination. Goya, atteint de surdité, devient de plus en plus misanthrope, satirique et cynique. Des figures grimaçantes ou monstrueuses, des visions cauchemardesques hantent, à partir de cette période, ses peintures mais aussi ses gravures. Goya devient ce « peintre noir » qui décrit avec une sensibilité poignante les désastres de guerre, la cruauté et la folie humaines, celles notamment des victimes qui, à leur tour, deviennent des bourreaux... De Saturne dévorant un de ses enfants au Sabbat des sorcières : en gris et noir, des scènes terribles transcendées par la seule utilisation de cette touche magique de blanc, lumière particulière à Goya. Un artiste véritablement hors du commun !
S’évader par la peinture. S’éloigner d’un quotidien truffé d’effroi et de laideur pour voyager au gré des plus beaux tableaux de tous les temps. C’est ce que propose cette rubrique qui vous invite à faire une incursion – et des arrêts sur toiles – dans l’un des plus importants musées du monde : le Museo del Prado à Madrid.
Cette célèbre pinacothèque abrite, en...