EXPOSITION - « Fructivore » de Flavia Codsi jusqu’au 8 juin à la galerie Aïda Cherfan, place de l’Étoile Une exposition à croquer à pleines dents !

Le casting est remarquable. Le travail aussi. Flavia Codsi a réussi, par un mélange savamment dosé de technicité, d’humour, de contrôle du portrait, des couleurs et du choix de ses modèles, une très belle exposition où souffle un vent de bonheur et d’appétit de vivre qui décoiffe les plus amers, et ils sont en ce moment nombreux… Elle a un air sérieux, parfois mélancolique, l’air d’être introvertie. Mais il faut se méfier des apparences et surtout des eaux dormantes. Car les magnifiques toiles exposées depuis vendredi chez Aïda Cherfan sont un hymne à la joie. Une explosion de couleurs et de sourires. Des personnages « Fructivores », comme le titre de l’exposition, ces « mangeurs de fruits, symbolique de vie, de santé et de prospérité. C’est comme si, souligne l’artiste, elle-même diabétique « insulinodépendante », soumise à un apport en sucres limité, les gens qui en mangeaient devenaient un peu ce qu’ils ont mangé. Une énergie gorgée de vitamines pour le corps et d’un baume pour l’esprit. » C’est comme si, en les peignant dans le détail, Flavia mangeait enfin à satiété ces fruits défendus. « L’idée, poursuit-elle, m’est venue lors d’une conférence, il y a quelques années. J’avais déjà commencé à travailler sur des natures mortes. J’ai eu envie de joindre l’être humain au fruit. » Elle commence alors à peindre, avant que son inspiration et son humeur joyeuse ne soient ternies par la guerre de juillet. Quelques mois plus tard, elle reprend ses personnages là où elle les avait laissés. Patients et ravis, ils attendaient que, du bout de son pinceau, elle réussisse à leur donner une nouvelle vie, avant d’être emportés, un jour, par un mystérieux inconnu. Le résultat est impressionnant. Impressionnante également la qualité du travail, textures en huile ou acrylique, fonds et tracé. Impressionnants enfin ces grands portraits si fidèles à leurs personnages. Pour la plupart choisis parmi des amis ou des connaissances qui répondaient exactement à la mise en scène, la personnalité de chaque toile et l’envie du peintre. « Durant des mois, confesse Flavia, ils ont vécu avec moi, comblé mes murs. Leur départ, comme celui d’un enfant qui a grandi, a créé un grand vide ! » Un vernissage plus vrai que nature Ils étaient tous là, le soir du vernissage, autour d’une Flavia rayonnante, parée d’un collier en forme de… fruits. L’exubérante Nadine, la « cerise sur le gâteau ». La rayonnante Raya, croqueuse de pastèques et superbe femme enceinte qui attendait avec bonheur son « fruit préféré » au moment de peindre la toile. L’étrange Théo, baptisé pour l’occasion « Théonysos ». Hayla la « pas encore mûre » qui se tache la chemise en mangeant… des mûres. Ou encore l’explosif Raja, amusé par ses drôles de cornes en bananes. Et puis il y avait les fruits. Venus seuls, enfermés dans un cadre de 1m x 1m, « un peu comme lorsqu’ils sont stockés » ou accompagnés de leur « fructivore » préféré. Les oranges, pommes vertes ou rouges, les raisins, les mûres et les fraises dont la nature vivante ne cesse de surprendre, de toile en toile. « Chaque fruit, à la base de chaque peinture, est rattaché à une symbolique, souligne l’artiste. La pastèque et sa forme ronde qui s’étale partout, eau, pépins et chair, quand on la coupe. Je l’associe au ventre d’une femme enceinte, qui va bientôt “perdre ses eaux” et engendrer un fruit d’amour. Les raisins, associés à Dionysos, l’ivresse et l’Antiquité chargée de tous ses excès. Les fraises qui, en même temps que les cerises, viennent à la saison de l’amour. Les mûres, une période de puberté, et enfin la “pomme d’Adam” que je voulais loin des clichés habituels. » Pas encore rassasiée, « je sens qu’il me reste encore tellement de choses à dire sur ce sujet », confie-t-elle, Flavia Codsi promet une suite à ses « Fructivores ». En attendant, ne ratez pas cette exposition, en cette saison des fleurs que les circonstances risquent de faner prématurément. Et consommez du regard et sans modération un travail gorgé de joie. Carla HENOUD