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Actualités - CHRONOLOGIE

THÉÂTRE - À l’auditorium Bathish –West Hall (AUB) « Œdipe roi » de Sophocle, ou l’implacable fatalité

O n ne touche pas impunément aux grandes tragédies. Surtout celles de Sophocle. Pourtant, les élèves de l’AUB ont tenté à l’auditorium Bathish (West Hall) un essai dramaturgique, érigé sans nul doute en un brave exercice de style scénique, avec Œdipe roi de Sophocle. Œuvre puissante, charriant une immense charge de contestation concernant le destin, la force et la vulnérabilité de l’être, cet opus au lyrisme sombre appartient aux thèmes mythologiques les plus reculés qui n’ont pas fini de faire des vagues dans l’esprit et le cheminement de la pensée humaine…Et ce n’est guère un hasard si la psychanalyse, des siècles plus tard, s’en est saisie pour expliquer les tourmentes de l’enfance… Dans un décor simple et presque minimaliste, fait en toute modestie avec des moyens du bord, grands masques en papier mâché tapissant les murs et colonnes ioniennes et gradins en bois représentent un improbable palais de Thèbes. Surgit un chœur venu implorer Œdipe pour sauver la cité en péril. Et s’enclenche, irrévocablement, le fil d’une histoire à rebours où la vérité est aussi amère que la ciguë. Voilà Œdipe en prise et confrontation avec son destin. Et tout s’écroule brusquement comme une terre qui s’ouvre pour tout engloutir… L’oracle de Delphes est hélas bien vrai. Oui, Œdipe a bien épousé sa mère Jocaste, sans le savoir ; oui Œdipe est parricide sans le savoir aussi. L’intelligence de celui qui triompha de l’énigme du Sphinx ne pouvait triompher de ce que les jours pouvaient cacher…Traquant avec véhémence sa réalité, Œdipe est horrifié par ce qu’il n’a pu éviter, tout en essayant pourtant de s’en éloigner. Implacable fatalité que Sophocle place comme une épée de Damoclès sur la tête des vivants. Consterné et horrifié d’affronter des faits qui le dépassent, Œdipe se crève les yeux et Jocaste se pend. C’est dans une atmosphère de tragédie noire absolue que baigne cet Œdipe exhumant un passé qu’il fuyait pourtant soigneusement comme la peste… Pour tant de revers, de tension, de drame, de forces antagonistes, de secrets, pour un verbe enflammé et emphatique, pour des situations extrêmes où la poésie de la mort a tous les atouts, les jeunes acteurs, dépassés par cette tornade de malheurs, restent cependant frêles et compassés. Presque sans voix ! Le texte est lancé au public sur un ton monocorde et tristement déclamatoire dans une mise en scène de Peter Shebaya, statique et sans grande imagination. À aucun moment l’émotion n’affleure le public. Ce ne sont pas les petits costumes grossièrement taillés ni les bâtons de pèlerins du chœur et encore moins l’accoutrement du devin Tiresias (David Kurani), avec l’amusant anachronisme de ses lunettes et chaussures en cuir sous les voiles et les étoffes, qui vont ramener le spectateur à plus de conviction. Reconstituer le drame d’Œdipe sur scène n’est certes pas un message de toute innocence. Cela est toujours d’actualité et on prête volontiers une oreille attentive à celui qui a éludé les énigmes du Sphinx, mais pas les siennes. Leçon toujours bonne à méditer et à retenir, surtout quand elle vient de la part de jeunes étudiants mordus de savoir. Edgar DAVIDIAN
O n ne touche pas impunément aux grandes tragédies. Surtout celles de Sophocle. Pourtant, les élèves de l’AUB ont tenté à l’auditorium Bathish (West Hall) un essai dramaturgique, érigé sans nul doute en un brave exercice de style scénique, avec Œdipe roi de Sophocle. Œuvre puissante, charriant une immense charge de contestation concernant le destin, la force et la vulnérabilité...