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Actualités - OPINION

ÇA TIRE ! De Constitution fragile… Jean ISSA

« Si tu t’imagines fillette, fillette… » (Queneau chanté par Greco) Nul n’est prophète en son pays. Adage qu’a cyniquement démenti Louis XV le Bien-Aimé : « Après moi, le Déluge… » Hic et nunc, ici et maintenant, la double révolution qu’on nous annonce reste, heureusement, d’ordre purement constitutionnel. Elle porte sur le mode d’élection du président. Et tient en deux mots : suffrage universel. Pourquoi double, cette révolution ? D’abord, parce qu’elle induit que le Liban, pays composite, passe de la démocratie intercommunautaire consensuelle à la dictature du nombre. Consacrant, ici et un peu plus tard, un régime de simples dhimis pour les chrétiens. Moins de 40 %, donc largement minoritaires. Terme dans lequel, à ce scrabble-là, on peut aisément piocher les lettres du mot maronites. – Ensuite, parce qu’elle implique une métamorphose totale du régime public, qui cesserait d’être parlementaire pour devenir présidentiel. Ou redevenir, si l’on veut, mais en beaucoup plus prononcé qu’avant Taëf. En effet, si à l’époque le président de la République disposait de pouvoirs régaliens, il se délestait volontairement des plus lourds d’entre eux. Ainsi, alors que la Loi fondamentale l’y autorisait, il s’interdisait de nommer tout seul, sans consultations, des ministres parmi lesquels il pouvait choisir un Premier (primus inter pares). Car les Libanais, le pays politique, ont toujours été conscients de l’impératif vital du consensus, corollaire du principe de coexistence. Mais, malgré cette pratique relax, la composante musulmane a toujours jugé abusif, et inique, le pouvoir concédé à la présidence de la République, dévolue (au titre d’assurance sur l’avenir) aux chrétiens maronites. Au bout du compte, cette lutte pour une participation améliorée a abouti aux dispositions issues de Taëf. En privant la présidence de nombre de ses prérogatives antérieures. Dont le pouvoir de nommer le président du Conseil sans contrainte d’homologation des consultations parlementaires, qui deviennent donc impératives, et non plus simplement facultatives. Ou encore le pouvoir de dissoudre la Chambre. Or un président élu directement par le peuple souverain, source de tous les pouvoirs, ne saurait être ligoté par de telles entraves. Choisi à la majorité de l’ensemble total des Libanais, sa volonté et sa capacité d’agir ne sauraient céder le pas à des députés élus par des régions limitées, et délimitées, appelées circonscriptions. Côté représentativité nationale, il n’y aurait pas à comparer. Et l’on ne voit pas pourquoi ce seraient les députés, et non le président, qui désigneraient le gouvernement et son chef. De plus, et surtout, comme le souligne l’éminent constitutionnaliste Jean Salem, on instituerait un précédent qui aurait, sinon la force de loi qu’ont les us et coutumes, du moins la nocivité d’une expérience qu’on serait tenté de répéter. Pour une fois ? Et pourquoi pas une autre fois, lanceraient les parties qui contrôlent le numerus clausus, donc le suffrage universel. Ce qui signifie que les fois suivantes, le président ne serait plus forcément un maronite. Sans compter les troubles que provoquerait le nouveau clivage que l’on aurait établi… Alors on se demande si les prosélytes du changement constitutionnel s’imaginent, comme la fillette de la chanson, qu’il servirait simplement d’astuce tactique pour franchir le mur de la majorité parlementaire hostile aux candidats opposants. S’ils se rendent bien compte jusqu’où ce changement peut aller. Et s’ils réalisent que pour le Hezbollah, il représente une sorte d’aubaine, d’offre implicite de troc : nous maintenant, et vous après… Mais, bref, pauvre pays et pauvre Constitution. Une demoiselle supposée corsetée, pour assurer la stabilité. Mais qui a été relookée, en pratique, sous les Syriens pour être plus facilement violée : les deux prorogations Hraoui et Lahoud, plus le feu vert à des fonctionnaires d’active de postuler la présidence.
« Si tu t’imagines fillette, fillette… »
(Queneau chanté par Greco)

Nul n’est prophète en son pays. Adage qu’a cyniquement démenti Louis XV le Bien-Aimé : « Après moi, le Déluge… »
Hic et nunc, ici et maintenant, la double révolution qu’on nous annonce reste, heureusement, d’ordre purement constitutionnel. Elle porte sur le mode d’élection du président. Et tient...