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Actualités - OPINION

Ici comme là-bas Élie FAYAD

Hassan Nasrallah a donc du respect pour la démocratie israélienne. Il a parfaitement raison. Voilà un État dont le Premier ministre, comme le relève le secrétaire général du Hezbollah, charge lui-même une commission d’enquête d’établir un rapport sur les résultats de la guerre de l’été dernier. Comme prévu, cette commission rend son rapport à ce Premier ministre, lequel en prend pour son grade, à l’instar de son ministre de la Défense et du chef d’état-major de l’époque. Ce dernier n’avait d’ailleurs pas attendu la publication du document pour rendre son tablier. Israël « est digne de respect car il reconnaît les faits en vue de réparer ses erreurs, contrairement à ce qui se passe chez nous ». Comment ne pas être d’accord avec ce constat que fait Hassan Nasrallah ? N’est-ce pas là le B.A.-ba de toute démocratie digne de ce nom ? En effet, un pays dont les acteurs ne rendent pas compte de leurs actes n’est pas une démocratie. En conséquence, si nous voulons être une démocratie qui se respecte, il ne nous reste plus qu’à prendre au mot le chef du Hezbollah, faire comme l’État hébreu et former notre propre commission d’enquête. La question qui se pose est de savoir quelle serait, dans le détail, la tâche de cette commission. S’il s’agit d’emblée, comme le laisse entendre Hassan Nasrallah, de conclure à la « victoire » du Liban, puisque de l’autre côté de la frontière, on a parlé d’« échec » (mais pas de « défaite »), alors il vaudra mieux s’abstenir. On compte depuis août 2006 des dizaines de discours lénifiants chantant la « victoire divine » et il serait parfaitement inutile d’en rajouter. Cela n’avancerait d’ailleurs en rien notre quête de démocratie. Plus précisément, le parallélisme superficiel avec la commission Winograd qu’induisent les propos de Hassan Nasrallah n’est pas de mise en ce qui concerne le Liban. Le secrétaire général du Hezbollah semble en effet suggérer que, dans la mesure où une commission israélienne a épinglé le Premier ministre et le gouvernement israéliens, il serait souhaitable qu’une commission libanaise épingle à son tour le Premier ministre libanais, son gouvernement et sa majorité, puisque tout ce beau monde conteste la réalité de la « victoire » et n’en finit pas de mettre des bâtons dans les roues de la « résistance ». Le moins qu’on puisse dire c’est qu’une telle vision des choses est simpliste. Si Ehud Olmert, Amir Peretz et Dan Haloutz étaient les principaux acteurs de la guerre du côté israélien, ce ne sont certainement pas Fouad Siniora, Élias Murr et Michel Sleimane qui l’étaient du côté libanais, mais Hassan Nasrallah lui-même. Et la première tâche, la plus urgente, d’une commission d’enquête libanaise, ce serait justement de nous dire pourquoi il en est ainsi. Pourquoi, dans cette République libanaise, ce ne sont pas le Premier ministre, le ministre de la défense, le chef de l’armée qui décident des guerres et les conduisent, pourquoi un parti politique tient-il à ce point à s’attribuer des rôles et des fonctions universellement reconnus comme étant des prérogatives de l’État. S’il fallait, après la guerre de juillet-août, demander des comptes à quelqu’un – et il le fallait certainement –, c’est bien à Hassan Nasrallah. Au lieu de cela, c’est le contraire qui s’est passé, le Hezbollah et ses alliés se retournant contre le gouvernement, contre l’État, sous prétexte d’exercice monopolistique du pouvoir. La situation est donc la suivante : vous qui n’êtes pas d’accord avec le Hezbollah, non seulement vous n’avez pas le droit d’intervenir dans les décisions de ce parti, qui ont des répercussions à l’échelle nationale, c’est-à-dire sur vous-mêmes, mais, par-dessus le marché, ce même parti vous accuse d’accaparer le pouvoir !… Cela s’appelle de l’arrogance. Polémiquer sur le fond de la question, sur le sens des mots « victoire » et « défaite », ne servirait à rien. Indépendamment du jeu des axes extérieurs, une partie des Libanais croit sincèrement nécessaire d’être ad vitam æternam à l’avant-garde du combat contre Israël et une autre estime que le Liban a déjà suffisamment payé pour le conflit israélo-arabe et qu’il vaudrait mieux l’en écarter militairement. Derrière ces options, deux cultures absolument incompatibles s’affrontent. Elles ne peuvent se rencontrer. Mais là n’est pas le vrai problème. Le monde et même le Liban sont suffisamment vastes pour contenir, respecter, voire protéger, les idées les plus diverses, les points de vue les plus opposés. À la seule condition qu’ils s’expriment sous la houlette de l’État et dans le cadre des institutions. Bien avant d’en arriver aux commissions d’enquête, voilà comment on construit un socle pour la démocratie. Or la véritable plaie de ce pays, c’est que cette condition n’y est pas encore remplie. Beaucoup de Libanais l’avaient compris au sortir de la guerre absurde de quinze ans. Sur ce plan, le Hezbollah fait figure de retardataire. Israël « est également digne de respect car il œuvre jour et nuit pour récupérer ses prisonniers. Nous devons faire de même ». Hassan Nasrallah a encore une fois raison. Que faisons-nous pour nos quelques détenus en Israël et nos centaines… en Syrie ?
Hassan Nasrallah a donc du respect pour la démocratie israélienne. Il a parfaitement raison.
Voilà un État dont le Premier ministre, comme le relève le secrétaire général du Hezbollah, charge lui-même une commission d’enquête d’établir un rapport sur les résultats de la guerre de l’été dernier. Comme prévu, cette commission rend son rapport à ce Premier ministre, lequel en...