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HISTOIRE - Il y a 400 ans, les plantations avaient sauvé les premiers colons anglophones Le tabac aux États-Unis, entre grandeur et décadence

Le tabac aux États-Unis, cultivé à Jamestown il y a 400 ans, a sauvé les premiers colons anglophones, bâti la richesse du Sud, exporté la culture américaine avant d’être reconnu nocif pour la santé. Lorsque le planteur John Rolfe, futur époux de Pocahontas, décide de cultiver du tabac à Jamestown en Virginie (Est), il doit, pour plaire à sa clientèle anglaise, importer des Bermudes une variété plus douce au palais – le Nicotiana Tabacum – que l’amer Nicotiana Rustica prisé par les Indiens. Sa première cargaison en 1613 connaît un tel succès en Angleterre que la région se couvre rapidement de plantations qui dominent l’économie de la Virginie dès 1622. Le tabac devient une monnaie d’échange pour payer les amendes ou une dot. Sa culture qui demande beaucoup de main-d’œuvre nourrit le trafic des esclaves et dans certaines zones, leur proportion passe de 7 % à 35 % de la population entre 1690 et 1750. La guerre d’indépendance en 1776 est appelée « la guerre du tabac », contre les taxes imposées par le Royaume britannique et les dettes des planteurs vis-à-vis des marchands anglais. Le tabac est d’abord prisé ou chiqué jusqu’à l’avènement des machines à rouler les cigarettes qui font de James « Buck » Duke à la fin des années 1880 le géant incontesté du tabac. En 1900, « Buck » Duke, à la tête de l’American Tobacco Company en Caroline du Nord, vend 9 cigarettes sur 10 aux États-Unis. À l’époque, le cancer du poumon est une maladie quasiment inconnue dont 140 cas seulement ont été recensés dans le monde en 1889, selon un site indépendant d’informations sur le tabac, Tobacco.org La consommation de cigarettes progresse fortement pendant la Première Guerre mondiale où l’armée fournit des rations aux soldats. Les grandes marques sont Camel, Chesterfield et Lucky Strike. En 1938, une première étude médicale de l’Université John Hopkins donne l’alarme notant que les fumeurs ne vivent pas aussi longtemps que les non-fumeurs. À la même époque, Philip Morris fait dire dans ses publicités que sa cigarette « est reconnue par d’éminentes autorités médicales pour ses bienfaits pour le nez et la gorge ». De même, le groupe RJR bâtira la propagande des cigarettes Camel dans les années 40 sur le slogan : « Les docteurs fument des Camel. » En 1949, un homme sur deux aux États-Unis est fumeur. L’Europe n’est pas en reste : au titre du plan Marshall, les États-Unis envoient gratuitement 93 000 tonnes de tabac à l’Allemagne. La mort en 1952 de George VI (père de la reine d’Angleterre) d’un cancer du poumon alors qu’il était un gros fumeur sème le doute dans l’opinion publique et plusieurs articles à sensation dénoncent les dangers du tabac. Les manufacturiers américains contre-attaquent en formant un « Conseil de la recherche » qui lance les filtres et les cigarettes « légères » censées permettre de fumer sainement. En 1956, le taux de mortalité par cancer du poumon parmi les hommes aux États-Unis grimpe à 31 pour 100 000. Il était de 1,7 pour 100 000, trente ans plus tôt, selon le Bureau du recensement américain. Le lien cigarette-cancer est reconnu par l’autorité sanitaire américaine et les premiers procès sont intentés, mais en vain. Ce n’est que quarante ans plus tard que, sous l’Administration Clinton, l’industrie du tabac s’incline et reconnaît les nuisances en concluant des accords à l’amiable qui vont lui coûter des milliards de dollars. Le pic de production de cigarettes est atteint avec 755 milliards de cigarettes en 1996 dont un tiers pour l’exportation. En 2006, la production est tombée à 484 milliards, selon le ministère de l’Agriculture.
Le tabac aux États-Unis, cultivé à Jamestown il y a 400 ans, a sauvé les premiers colons anglophones, bâti la richesse du Sud, exporté la culture américaine avant d’être reconnu nocif pour la santé.
Lorsque le planteur John Rolfe, futur époux de Pocahontas, décide de cultiver du tabac à Jamestown en Virginie (Est), il doit, pour plaire à sa clientèle anglaise, importer des...