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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE De retour à Prague, Milos Forman monte un opéra au Théâtre national

À 75 ans, après des années d’exil loin de son pays natal, le cinéaste Milos Forman réalise un vieux rêve en montant un opéra jazz sur la scène prestigieuse du Théâtre national de Prague. « Quand je finis le spectacle, je sors du bâtiment, je vois le château de Prague, je suis ému aux larmes », avoue avec un pur accent pragois celui qui s’est expatrié en 1968 en France puis aux États-Unis, après l’occupation de son pays par l’armée soviétique. Cet Américain d’adoption signe Promenade bien payée, une pièce musicale créée dans les années 1960 par le compositeur Jiri Slitr et le parolier Jiri Suchy, duo fondateur du petit théâtre non conformiste Semafor, connu à l’époque pour ses bravades contre la censure communiste. « Le Semafor, c’est peut-être le souvenir le plus émotionnel de ma vie. À l’époque où la culture tchèque se résumait à cette saloperie de “réalisme socialiste” importé de Moscou, le Semafor était une caresse de l’âme », confie le réalisateur de Taking Off, Hair, Vol au-dessus d’un nid de coucou, Valmont, Larry Flynt ou Man on the Moon. Il a d’ailleurs utilisé pour son opéra des chansons tirées de Secte (une autre pièce du Semafor) et qui furent, à l’époque où il ne pouvait revenir dans son pays, « la seule chose dont il avait la nostalgie ». Né le 18 février 1932 dans la petite ville de Caslav, Milos Forman a perdu ses parents dans un camp de concentration nazi lors de la Seconde Guerre mondiale. Camarade de lycée du futur président Vaclav Havel, puis élève de la grande école de cinéma de Prague, il a tourné avant son exil trois chefs-d’œuvre de la « nouvelle vague » du cinéma tchécoslovaque, L’as de pique, Les amours d’une blonde et Au feu les pompiers. Son travail au Théâtre national représente un nouveau défi. « En matière d’opéra, je suis un débutant absolu », souligne-t-il, même s’il a filmé quelques extraits célèbres pour Amadeus, son œuvre culte sur la vie de Mozart. « Au cinéma, je prépare un cadre, je le remets au caméraman et je peux aller me coucher. Ici, il faut rester concentré pendant dix heures et même plus. Quand je finis un cadre de film, c’est fini. Mais ici ? On se dit c’est bien, et puis, le lendemain, l’un oublie ça, l’autre gâche ça, on repart à zéro. Parfois c’est dur pour les nerfs », se plaint-il, avec un petit sourire. Son grand bonheur est de travailler avec ses fils jumeaux Petr et Matej, 43 ans, l’un à la mise en scène, l’autre à la scénographie: « C’est une des plus belles périodes de ma vie professionnelle », confie-t-il. Son seul regret, c’est que le caractère poétique de Promenade bien payée restera sans doute peu accessible aux spectateurs étrangers, malgré les sous-titres en anglais. « Il y a pas mal de choses que l’on ne peut pas traduire. C’est pourquoi on a essayé de développer le visuel, au-delà du texte et de la musique. » L’équipe a aussi dû résoudre un casse-tête difficile en transférant sur les vastes tréteaux du Théâtre national une pièce initialement destinée à la scène miniature du Semafor. « L’histoire se déroulait dans une salle de bains. Maintenant, il y a un appartement entier sur la scène », sourit Jiri Suchy. Milos Forman a recruté le chef d’orchestre Libor Pesek, ancien directeur musical de l’Orchestre philharmonique royal de Liverpool, et une actrice issue du Semafor, Jitka Molavcova. Avec un orchestre symphonique et une chorale enfantine, « c’est une pièce pour Broadway », plaisante-t-il. Le défi musical était d’autant plus grand qu’il a fallu reconstituer la musique à partir d’une simple partition pour piano, l’original de Promenade bien payée ayant été perdu dans les inondations qui ont submergé Prague en août 2002.
À 75 ans, après des années d’exil loin de son pays natal, le cinéaste Milos Forman réalise un vieux rêve en montant un opéra jazz sur la scène prestigieuse du Théâtre national de Prague.
« Quand je finis le spectacle, je sors du bâtiment, je vois le château de Prague, je suis ému aux larmes », avoue avec un pur accent pragois celui qui s’est expatrié en 1968 en France puis...