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La « Redéfinition du passé libanais » publiée dans la revue « Museum International » de l’Unesco Lina Tahan déplore l’absence d’authenticité du Musée national de Beyrouth

« L’absence de symboles de la guerre civile dénie au Musée national de Beyrouth sa fonction de lieu de mémoire », déclare Lina Tahan dans un article intitulé « Redéfinition du passé libanais », paru dans la revue « Museum International », publiée par l’Unesco. Affiliée au département d’archéologie et d’histoire de l’Université de Cambridge, membre du Conseil international des musées (ICOM), et titulaire d’une bourse de recherches postdoctorale au Centre d’histoire sociale de l’islam méditerranéen (CHSIM) de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris, Lina Tahan déplore l’« absence d’authenticité » du musée qui « ne nous apprend pas grand-chose sur notre identité culturelle ». Nous publions ci-dessous des extraits de l’article. Lina Tahan signale que « l’unique fois où le musée fut présenté de façon authentique au public était lors d’une exposition intitulée “Patrimoine déraciné” (18 novembre 1993). Ce fut la seule fois également où les Libanais ont été confrontés, par l’intermédiaire du musée, à la période cruciale de la guerre civile (...) ». Avec la destruction du bâtiment, les graffitis, les monuments lapidaires archéologiques reposant dans des coffres en béton, et leurs photographies accrochées à même ces coffres, « les cicatrices de la guerre étaient visibles, et un message authentique, impressionnant et communicatif rendait le lieu vivant et empli de sens (...). Ce fut vraiment une expérience authentique de montrer ce qui avait divisé la nation en deux blocs, les chrétiens et les musulmans, et de refaire de ce lieu un instrument de paix et de réconciliation. Malheureusement, aucun aspect de cette expérience n’a été conservé par le musée, pas même les photographies. C’est à partir de là que l’on peut dire que le musée est devenu un lieu inauthentique. Il n’a pas été conçu comme une entité vivante touchée par les processus historiques dont il était censé parler (...), souligne l’auteur. « Dorénavant il se dresse propre, lisse, permanent et vide, sans histoire. L’opinion selon laquelle “il est nécessaire que les gens affrontent les processus qui ont affecté et continuent d’affecter leur lieu” ne semble pas avoir été entendue par le Musée national de Beyrouth. » L’archéologue-historienne fait observer qu’« il est indispensable que les conservateurs et les muséologues se rappellent que le musée n’est pas uniquement une institution éducative, mais également un vecteur de pensées qui communiquent avec les sens en évoquant des souvenirs (...). La mémoire active est extrêmement importante et fait partie intégrante de l’expérience d’un musée authentique ». Musée lieux d’amnésie ? Par ailleurs, en choisissant de représenter Hygie, la déesse de la Santé, sur son affiche conçue lors de sa réouverture au public, en 1997, « le musée a voulu diffuser un discours apaisant ». Le choix de Hygie, qui symbolise la renaissance ou le renouveau du musée, après la guerre civile et la destruction, signifie que « le musée n’est pas un lieu de contestation, mais plutôt une zone de contact », note l’auteur, soulignant que quoique latent, le conflit est encore présent dans la société libanaise comme dans le musée, où « s’affrontent » les témoignages arabes et phéniciens. « Le concept de “renouveau” n’est donc pas à sa place dans le contexte actuel, car il contredit le message contenu à l’intérieur de l’espace du musée : à savoir qu’il s’agit d’une institution éloignée d’une démarche de réconciliation et ayant une incidence sur l’entendement de la mémoire collective. Le musée national ne fait pas montre d’authenticité lorsqu’il expose notre passé et ne nous apprend pas grand-chose sur notre identité culturelle. » « L’absence de symboles de la guerre civile dans l’enceinte du musée – à l’exception d’une vitrine présentant des objets en verre fondu – contribue à dissocier le temps de l’espace et dénie au musée sa fonction de vecteur du temps », écrit Lina Tahan. Elle ajoute qu’au lieu de devenir « des lieux de mémoire », selon l’expression de Pierre Nora, les musées sont devenus des « lieux d’amnésie ». D’où le désir des Libanais d’oublier et d’effacer la guerre du discours historique. « L’interprétation du passé est faite de morceaux choisis de ce passé, de ce dont on veut se souvenir et de ce que l’on veut oublier, afin de redonner un sens au passé et au présent. La mémoire est donc capitale pour interpréter le passé dans le cadre de l’espace du musée. » Plus loin, Lina Tahan explique que les musées ne devraient pas seulement se contenter de collecter et de préserver le patrimoine national de leur pays, « ils devraient constituer des sortes de baromètres de la culture urbaine du nouveau millénaire (...). Le musée devrait devenir un lieu de ressourcement, un espace vivant éclairant le public sur différents thèmes et encourageant certains débats sociaux (...). Le choix des objectifs et des thèmes dépend des intérêts du public libanais – point de départ de toute activité éducative – et du potentiel éducatif du musée. La diversité sociale, culturelle, politique, économique et religieuse caractérise la population libanaise d’après-guerre civile... Le dénominateur commun de ce peuple est l’inexistence d’une mémoire collective qui contribuerait à créer une identité unifiée. S’il doit y avoir réconciliation dans la société libanaise, il faut que les événements du passé soient représentés de façon authentique. Le musée doit, par conséquent, devenir l’instrument de paix idéal, où “vérité” et “réconciliation” œuvreront de concert pour donner à voir une réelle authenticité ».
« L’absence de symboles de la guerre civile dénie au Musée national de Beyrouth sa fonction de lieu de mémoire », déclare Lina Tahan dans un article intitulé « Redéfinition du passé libanais », paru dans la revue
« Museum International », publiée par l’Unesco. Affiliée au département d’archéologie et d’histoire de l’Université de Cambridge, membre du Conseil...