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Actualités - CHRONOLOGIE

ENVIRONNEMENT - La disparition des prédateurs naturels et le rétrécissement des forêts aggravent le fléau La chenille processionnaire frappe à nouveau le corps malade des forêts libanaises Suzanne BAAKLINI

Cette année, partout au Liban, les pins verts sont affublés de poches blanches en quantités énormes, très remarquables. C’est le retour en force de ce véritable fléau qu’est la chenille processionnaire qui a attaqué les bois dans différentes régions, dans les forêts du Mont-Liban, notamment les Metn-Nord et Sud, et les cazas de Aley et de Baabda, ainsi qu’au Liban-Nord. Le danger réside dans le fait que si l’insecte se retrouvait plusieurs fois sur le même arbre dont il pompe les ressources, il pourrait lui nuire gravement, voire entraîner sa mort, craignent les spécialistes. Paul Abi Rached, président de l’association TERRE qui lutte contre la chenille dans la forêt de Baabda, explique que si le phénomène est ressenti plus fortement cette année, ce n’est pas nécessairement un signe que les chenilles sont plus nombreuses. « Il ne faut pas oublier que les espaces verts ont rétréci, qu’il y a donc moins d’arbres sur lesquels elles pourraient se réfugier, souligne-t-il. De plus, la chasse chaotique nous a privés de beaucoup de prédateurs naturels, parmi lesquels bon nombre d’oiseaux, comme le coucou, et des insectes, comme les guêpes par exemple, qui sont touchés par l’utilisation incontrôlée de produits chimiques agricoles. » Il rappelle que la présence de la chenille n’est pas observée certaines années en raison du fait qu’elle hiberne dans le sol. Quel est cet insecte intrigant ? La chenille processionnaire suit un cycle de vie en huit étapes. Les papillons processionnaires sortent de terre un soir d’été. Après l’accouplement, le mâle meurt très vite, alors que la femelle s’envole pour pondre entre 70 et 300 œufs sur une branche de pin, avant de mourir à son tour. Les chenilles éclosent après 30 à 45 jours. Elles se nourrissent d’aiguilles de pin et restent liées entre elles par un fil de soie. Au cours de leur croissance, les chenilles développent un grand nombre de poils (jusqu’à un million), qui peuvent se libérer avec le vent et provoquer des problèmes de santé chez les êtres humains et chez les animaux. Les chenilles se construisent un cocon en soie pour y passer l’automne et l’hiver (celui qui est visible sur les pins aujourd’hui). Au printemps, les chenilles, conduites par une femelle, descendent de l’arbre en procession (d’où leur nom), avec des files qui peuvent compter des centaines d’insectes, et se dirigent vers le sol, où elles s’enfouissent dans des trous. Elles se transforment en chrysalides deux semaines plus tard et hibernent dans cet état durant plusieurs mois, voire plus d’un an, avant de se transformer en papillons. Le phénomène de l’apparition de la chenille processionnaire se fait de plus en plus sentir au Liban. Pour M. Abi Rached, la raison est simple : « Ce n’était pas à l’homme de lutter contre la chenille. Avec l’absence des prédateurs naturels, la chenille processionnaire s’est transformée en une sorte de cancer, qui tient sa gravité dans le fait que le corps qu’elle attaque n’a plus d’immunité. » Pour lui, c’est le ministère de l’Agriculture qui aurait dû prendre les choses en main. « C’est en octobre que des tests auraient dû être effectués pour voir si les chenilles ont pondu, estime-t-il. La meilleure lutte est biologique au moyen d’une bactérie qui s’appelle Bacilus Thringienis, inoffensive pour les autres espèces. Cette bactérie entre dans la chenille et la tue. La pulvérisation de produits chimiques, quant à elle, fait plus de mal que de bien. » Polémique entre municipalités et ministère Des moyens de lutte contre la chenille, justement, les municipalités en ont exigé. Plusieurs responsables municipaux se sont plaints ces dernières semaines de ce qu’ils ont considéré comme une coopération insuffisante du ministère de l’Agriculture. Interrogé par L’Orient-Le Jour, le directeur général du ministère, Ghattas Akl, a assuré que « le pesticide qui lutte contre la chenille processionnaire est disponible, et nous le distribuons à quiconque nous le demande ». Il a déclaré que les bureaux du ministère dans les régions ont déjà pourvu l’insecticide à des centaines de demandeurs, qu’ils soient des individus, des associations ou des municipalités, et que d’autres peuvent continuer à présenter des demandes qui seront « toutes satisfaites ». Cet insecticide, précise-t-il, « provient des États-Unis et il est le plus récent de sa catégorie ». Il est également « sain d’un point de vue environnemental et agit sur les quatre périodes de vie de la chenille, donc reste efficace à ce stade », ajoute-t-il. La campagne a été entièrement financée par le ministère lui-même, précise M. Akl. La lutte se limite cependant aux secteurs proches des zones habitées, et ne s’étend pas pour le moment aux forêts plus profondes « parce qu’il faudrait mener une opération de pulvérisation à l’aide d’avions, et nous n’en avons pas les moyens », ajoute-t-il. Répondant à certaines critiques de municipalités qui se plaignent de ne pas avoir été aidées par le ministère, M. Akl souligne : « Ce qui provoque la colère de certains, c’est que nous ne leur confions pas l’insecticide lui-même, parce que nous ne voulons pas qu’il soit utilisé à d’autres fins. Nous leur demandons d’apporter des conteneurs d’eau dans lesquels nos experts diluent le produit, pour ensuite superviser l’opération de pulvérisation sur les pins. » Interrogé sur la gravité de la situation, il a estimé que « ce problème a toujours existé, il ne faut pas en exagérer le danger ». Il a nié que la chasse des oiseaux prédateurs naturels de la chenille ait contribué à la multiplication de l’insecte. « Cela n’a rien à voir, et la chasse est interdite », a-t-il lancé. Rien n’est moins sûr... Lutte manuelle et risques d’allergies Pour sa part, Mounir Bou Ghanem, directeur de l’Association de développement et de conservation des forêts, estime que le phénomène a frappé durement cette année parce que c’est la période où la chenille s’est développée suffisamment pour sortir de terre. Les volontaires de l’association et les habitants ont pris l’habitude de tirer à l’aide de carabines de chasse sur le foyer de la chenille dans les forêts du Chouf pour s’en débarrasser, surtout près des zones habitées, puisque « la lutte reste problématique au niveau des forêts ». Mais pour M. Bou Ghanem, « une lutte efficace à un niveau national dépasse les moyens du Liban, et reste d’ailleurs difficile même dans d’autres pays exposés ». Il déplore que « les oiseaux qui consommaient cet insecte disparaissent progressivement en raison de la chasse incontrôlée ». Selon lui, « il faudrait pulvériser des insecticides précis à certaines périodes de l’année ». Mais M. Bou Ghanem ne fait pas de constat extrêmement pessimiste sur le sujet. « D’après moi, le danger n’est pas mortel pour nos forêts, dit-il. On dit que les pins qui sont exposés plusieurs fois à l’apparition de la chenille processionnaire risquent de se dessécher et de mourir. Mais suivant mon expérience personnelle, je n’ai jamais vu mourir un arbre de ceux que j’ai pris l’habitude d’observer, même s’il a été plusieurs fois frappé du fléau. » M. Abi Rached rappelle d’autre part que la lutte manuelle est possible tant que les sacs des chenilles sont toujours fermés, et ce, en usant d’un sécateur pour détruire le cocon puis le brûler. « Il faudrait que les municipalités mettent leurs ouvriers à cette tâche ; ce serait aussi une façon de procéder », dit-il. Mais attention, il ne faut pas oublier que les poils qui s’échappent des chenilles peuvent provoquer des troubles de santé, parfois graves chez l’enfant, et qu’il faut s’en protéger. En effet, la manipulation de l’insecte entraîne une libération du venin après que les poils sont rompus. De plus, le simple fait de se tenir sous un cocon de chenille peut provoquer des allergies et susciter des irritations suivies de démangeaisons, provoquer des lésions dans l’œil... Les asthmatiques doivent particulièrement se méfier.
Cette année, partout au Liban, les pins verts sont affublés de poches blanches en quantités énormes, très remarquables. C’est le retour en force de ce véritable fléau qu’est la chenille processionnaire qui a attaqué les bois dans différentes régions, dans les forêts du Mont-Liban, notamment les Metn-Nord et Sud, et les cazas de Aley et de Baabda, ainsi qu’au Liban-Nord. Le danger...