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On continue à détruire en toute légalité Dans une parfaite indifférence, les autorités assistent à la désintégration du patrimoine architectural May MAKAREM

Les vieilles demeures appartenant à notre patrimoine architectural vont-elles continuer à disparaître les unes après les autres ? De la rue Monnot à Zokak el-Blatt, en passant par Sodeco et Abdel Wahab, quartiers offrant une image historique de Beyrouth, on continue à détruire en toute légalité. À l’instar des khan, dâr, madrassa, fontaine, hammam, autour desquels l’armature sociale était nouée, bientôt, la maison traditionnelle où le style arabe se combine à l’influence italienne, la maison des années trente inspirée de l’art français et, au passage, le modèle ottoman, qui racontent 150 ans de l’histoire sociale du pays, seront bannis de notre vocabulaire beyrouthin. Alors que toutes les capitales du monde se penchent sur la valorisation de leurs bâtiments anciens, estimés « dépôt sacré », et par conséquent valeur sans prix, et offrent un paysage urbain riche en contrastes, le Libanais s’ingénue à couler sa ville dans du béton, prenant pour modèle les métropoles du pétrole. Les nombreuses études élaborées par le ministère de la Culture pour mettre fin à l’érosion du patrimoine immobilier ont été rejetées par les autorités, qui se considèrent exemptées d’obligations à l’égard de l’héritage architectural. Dans une parfaite indifférence, elles permettent toutes sortes de spéculations immobilières dans les quartiers dits à « caractère traditionnel », causant ainsi des dommages irréversibles qui hypothèquent notre identité et notre avenir. Le constat aujourd’hui est alarmant. Les clichés pris par notre photographe Michel Sayegh, à Monnot, Sodeco et dans le secteur de Zokak el-Blatt parlent. Une après l’autre, les habitations traditionnelles sont en train de disparaître de notre paysage, alors que devenues de plus en plus rares (elles ne représentent que 2,5 % de l’immobilier), elles sont très prisées et pourraient être exploitées comme appartements ou sièges d’institutions économiques, culturelles ou sociales. Pourquoi investir dans de nouvelles constructions quand on peut sauver de la destruction un bijou architectural et installer le Centre culturel omanais, dont les crédits ont été assurés par le sultanat, dans l’imposante vieille demeure appartenant à la famille Hneiné, ou à celle des Ziadé, par exemple ? Deux bijoux architecturaux en péril Située dans le secteur de Zokak el-Blatt, à la rue Abdel Kader, la bâtisse des Hneiné, érigée vers 1880 pour un Russe blanc, a été autrefois le siège du consulat des États-Unis. Considérée comme étant « exceptionnelle », Ralph Bodenstein lui consacre deux pages dans The Inhabitants of Zokak el-Blatt, paru aux éditions Orient Institut d’Allemagne. Avec ses envolées d’escaliers qui desservent le premier étage, sa fontaine en marbre, ses ogives, ses frises en « muqarnas » et ses plafonds émaillés de miroirs, la maison offre un somptueux décor inspiré du style Alhambra. Achetée au début du siècle dernier par la famille Mezher, elle fut louée, entre 1903 et 1914, au médecin français Justin Calmette et, de 1914 à 1936, au consulat général des États-Unis. Marie Mezher et son époux, le Dr Joseph Hneiné, ont ensuite occupé le premier étage et loué le second à Georges Haddad et sa femme, l’écrivain et artiste Marie Chiha, sœur de Michel Chiha. En 1940, le Dr Dahesh, considéré par ses disciples et adeptes comme le « Paraclet » annoncé par Jésus de Nazareth, s’installe dans la bâtisse. Durant la guerre civile, le bâtiment a été squatté. Aujourd’hui, la beauté des lieux a été altérée par les intempéries et la négligence de longues années. Sa réfection pourra lui redonner tout son lustre. Trônant en retrait de la maison Hneiné, la demeure ancienne des Ziadé figure parmi les plus belles de la capitale, selon Bodenstein. Posée sur la rue Hussein Beyhum, elle dresse sa structure traditionnelle à trois arcades, à hall central, aux façades sud et ouest longées d’une galerie d’arcades et aux murs émaillés d’œils de bœuf. Elle a été construite, en 1860 environ, par le maître d’œuvre italien Altina, pour un riche négociant originaire de Ghazir, Youssef Nasr. Comportant deux étages, elle est coiffée de tuiles rouges et flanquée de deux petites tours carrées abritant chacune une mansarde dite « masyaf » ou « aaliyya ». Devenu la propriété du Dr Joseph Ziadé et de son frère Louis, dans les années 30, le bâtiment, aujourd’hui laissé à l’abandon, représente un grand intérêt architectural et peut même constituer un « musée exceptionnel », selon les architectes.
Les vieilles demeures appartenant à notre patrimoine architectural vont-elles continuer à disparaître les unes après les autres ? De la rue Monnot à Zokak el-Blatt, en passant par Sodeco et Abdel Wahab, quartiers offrant une image historique de Beyrouth, on continue à détruire en toute légalité. À l’instar des khan, dâr, madrassa, fontaine, hammam, autour desquels l’armature...