Le politicien partage quotidiennement son emploi du temps et ses réflexions Carl Bildt, ministre suédois et blogueur, se fait taper sur les doigts

Blog ou pas blog? Le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bildt, est accusé de trop s’exprimer sur son bloc-notes en ligne, une activité qui serait incompatible avec son poste et qui se ferait au détriment des forums traditionnels de communication selon ses détracteurs. Depuis plusieurs semaines, le ministre âgé de 57 ans partage quotidiennement – et souvent plusieurs fois par jour – son emploi du temps et ses réflexions sur un nouveau blog en suédois. «Il ne peut tout simplement pas être une personne privée quand il aborde des questions relatives à son domaine de compétences», estime le professeur en journalisme à l’Université de Göteborg (côte sud-ouest) Kent Asp, jugeant que Bildt devrait se limiter à des récits à caractère privé. «C’est un gros problème» qu’il ne soit pas clair si le ministre exprime des points de vue personnels ou officiels sur son site, déclare à l’AFP le professeur. Mais selon Bildt, il n’y a pas de confusion sur la casquette de l’auteur du blog. «C’est moi qui écris. Je suis une personne qui est aussi un ministre des Affaires étrangères», explique-t-il à l’AFP. Commentaires sur ses rencontres officielles, réflexions générales sur l’actualité du monde et réactions à des articles de presse alimentent le journal électronique du ministre réputé pour son goût de la communication. Le 5 mars, il se penche sur l’actualité du Proche-Orient: «Un gouvernement d’union palestinien ne résoudra pas tous les problèmes et ne répondra pas à toutes les exigences, mais si l’alternative est la guerre civile, le chaos (...) alors, c’est ce pourquoi nous devons œuvrer». «Samedi tranquille en cette fin d’hiver pluvieux à Stockholm. Au dehors, le monde continue d’évoluer», peut-on lire le 24 février. Et c’est aussi à partir de son blog que Bildt, qui a plusieurs fois été attaqué dans différentes affaires depuis sa prise de fonction en octobre, répond aux critiques des journalistes. Relevant qu’en Finlande comme en Estonie, chefs d’État et de la diplomatie ont aussi un blog, il ironise le 5 mars sur la «menace venue de l’Est». «Certains perçoivent sûrement cela comme une menace. D’autres comme un espoir.» Car selon le ministre, figure clé du gouvernement de centre-droit élu en septembre, «il y a une soif d’information et je pense que nous devrions nous servir de toutes les nouvelles technologies de l’information pour être plus ouverts et accessibles.» Tous ne partagent pas cet avis. «Les membres du gouvernement ont un mandat politique et tout ce qu’ils font prend pour cette raison une dimension politique (...), un membre du gouvernement n’est pas n’importe quel “chatteur”», martèle le journaliste Bertil Torekull dans un point de vue publié par le quotidien de référence Dagens Nyheter. Selon lui, «le nouveau double rôle ambigu de Bildt, à la fois blogueur privé et haut représentant du gouvernement, présente des ressemblances» avec le président vénézuélien Hugo Chavez qui apparaît à la télévision chaque semaine pendant des heures. M. Torekull déplore aussi que M. Bildt ne réserve pas ses déclarations aux plates-formes traditionnelles de communication comme le Parlement, la commission de politique étrangère ou encore les contacts directs avec les médias. Tous ces forums «sont importants à leur façon. Ce qui se dit au Parlement est évidemment de première importance mais malheureusement, cela n’est pas souvent rapporté par les médias», se défend Carl Bildt, selon qui les nouveaux outils de communication sont la marque de «la nouvelle Europe de la liberté». Prenant le parti du ministre, Peter Wolodarski, éditorialiste de Dagens Nyheter, estime que ses récits sur Internet «sont un complément aux interviews et aux enquêtes officielles qui est le bienvenu, pas un substitut». En attendant, le blog de M. Bildt rencontre un grand succès auprès des internautes. En quelques semaines, le site a reçu près de 400000 visites et des centaines de commentaires. Extraits Le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bildt, écrit quotidiennement sur son blog (http://carlbildt.wordpress.com/). Voici quelques extraits récents. 8 mars: avant de s’envoler pour Bruxelles où avait lieu un sommet. «Pour une raison qui m’échappe encore, nous sommes habituellement déposés dans le terminal de fret de l’aéroport belge. Pas très glamour. Camions et palettes.» «Lors de ces réunions au sommet, il est habituel que le Parlement prenne en premier la parole. Je trouve que c’est une bonne routine, le Parlement européen est plus important qu’on ne croit». 7 mars: «Aïe, encore une faute dans Expressen», un quotidien populaire suédois. «Maintenant c’est au sujet de mon fils Nils, mentionné dans un article (...) qu’il est écrit qu’il a 11 ans. Faux, faux et faux ! Il a 15 ans. Ce genre de chose est important.» «J’ai aussi eu le temps aujourd’hui d’avoir une réunion de planning avec mes collaborateurs. Jeter un coup d’œil dans l’agenda est toujours quelque chose de pénible. Tout le monde veut toujours que l’on soit partout. Mais il faut aussi trouver du temps pour être à la maison. Certes, la politique étrangère se déroule à l’étranger.» «Dans un mois environ, j’aurai peut-être le temps d’aller acheter de nouvelles ampoules aussi. Pourquoi se cassent-elles toujours?». «Je me concentre maintenant sur les derniers préparatifs avant l’important sommet de l’UE (Union européenne) de demain et vendredi. Énergie, environnement et climat sont les sujets centraux. Bien que j’aie un rhume.» 28 février: au sujet de Chypre: «Que pouvons-nous faire pour redonner force et soutien à nos efforts pour réunir cette île ensoleillée? Nous ne voulons pas de pays divisé et partagé dans notre Europe.»