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Actualités - CHRONOLOGIE

LES CAFÉS CULTURELS DE «L’ORIENT-LE JOUR» - À L’Atelier du Berytech et en collaboration avec la Maison du livre Un vent de renouveau souffle sur l’édition jeunesse

Les cafés culturels de «L’Orient-Le Jour», organisés en collaboration avec la Maison du livre, sont désormais des rendez-vous mensuels qui se déroulent à L’Atelier, le restaurant du Berytech de l’USJ (rue de Damas). Un thème chaque fois, un thème chaque mois est devenu le slogan de ces rencontres. Après les bibliothèques publiques et le théâtre, mercredi, c’était au tour de l’édition jeunesse que se sont retrouvés éditeurs, libraires, bibliothécaires, directeurs d’écoles (pas très nombreux ceux-là, il faut l’avouer) pour un « menu » qui a enflammé les acteurs de la chaîne du livre. Avec la participation de Hazmig Chahinian (chargée du secteur international de l’association Joie par le livre), Marie-Hélène Bastianelli (chef de projet FSP au ministère de la Culture), Joanna el-Mir (directrice de création chez Samir éditeur), Yasmine Taan (illustratrice) et Nadine Touma (auteur et directrice de Dar Onboz). C’est Hasmig Chahinian qui a donné le coup d’envoi des interventions en rappelant que la littérature jeunesse au Liban a fait un bond incroyable depuis quelques années: souci de la maquette, de l’impression, thèmes jamais abordés jusque-là. Autant d’éléments nouveaux qui ont contribué à dépoussiérer l’ouvrage littéraire. «Alors qu’autrefois on se limitait à la simple traduction et à l’achat de droit d’auteur, aujourd’hui il y a davantage de place à la création, souligne Chahinian. Les livres jeunesse évoquent l’enfant et sa réalité. On prend plus d’intérêt aux romans d’adolescents et aux livres destinés à la petite enfance. Par ailleurs, ce côté moralisateur et éducatif, qui prédominait, s’est petit à petit estompé.» «Ce renouveau, poursuit-elle, s’appuie sur des acteurs: illustrateurs, rédacteurs et imprimeurs, mais également sur une volonté de l’État. En effet, ce renouveau de la littérature jeunesse, qui a besoin notamment de moyens et de soutien, s’est accompagné récemment d’un regard critique, celui de la revue trimestrielle Hamzet Wasel qui est devenue Quira’at Saghira.» Après ce constat des lieux, Hasmig Chahinian passe la parole aux autres intervenantes, non sans avoir posé la problématique suivante: «S’il est vrai que la qualité existe de nos jours, cette littérature va-t-elle trouver sa place sur le marché libanais et, plus tard, sur les marchés arabe et européen?» Marie-Hélène Bastianelli parlera, elle, de l’accord de coopération rédigé par les gouvernements français et libanais, baptisé FSP, et qui a pour objectif d’améliorer l’accès au livre. «Mon projet, dit-elle, qui porte le nom de “Lectures publiques et éditions jeunesse”, est un dispositif qui a été souhaité par le ministre Ghassan Salamé en 2002 et signé en octobre 2006. Les décisions qui sont prises conjointement par les fonctionnaires libanais et français se concrétisent par un soutien au ministère de la Culture ainsi que par la création et le développement de bibliothèques publiques.» «Il y a donc une volonté affirmée de soutenir l’ensemble de la chaîne du livre, insiste Bastianelli, de l’auteur au lecteur, en passant par l’éditeur, l’illustrateur, le libraire et, bien sûr, l’acheteur. Si un seul maillon est défaillant, toute la chaîne s’effrite.» «À noter, ajoute-t-elle, que ce travail doit être effectué dans la transparence. Il faut qu’il soit réalisé dans la transparence, c’est-à-dire, les informations doivent être claires pour être comprises par tout le monde.» «Le soutien accordé aux éditions jeunesse se concrétise d’abord par la promotion de ces éditions à travers: les possibilités de participation aux Salons, comme celui de Bologne, les bourses destinées aux éditeurs, ensuite par un soutien à la revue Quira’at Saghira qui, tout en proposant des critiques aux nouvelles parutions littéraires, fait connaître les derniers ouvrages aux parents et aux professionnels du livre.» Selon Bastianelli, d’autres mesures seront prises pour assurer l’appui aux livres: un festival itinérant englobant toutes les régions libanaises, une formation accordée aux auteurs, éditeurs et bibliothécaires, des bourses à l’étranger ainsi que d’autres initiatives. Le rôle de l’illustrateur «Depuis que je suis en poste au Liban, conclut Marie-Hélène Bastianelli, j’ai rencontré un grand nombre de professionnels du livre très motivés, mais je regrette que les acteurs de la chaîne du livre aient tendance, parfois, à s’ignorer et même à se concurrencer, alors qu’il suffit de s’entraider pour y arriver. Une étude très poussée des pratiques culturelles des jeunes est nécessaire. Elle nous permettra certainement, à tous, d’avancer en améliorant l’offre.» À son tour, Joanna el-Mir, prix de la Foire du livre de Londres, a pris la parole pour évoquer la créativité mise à l’épreuve du marché. «Je ne peux apporter à ce débat que mon expérience, confie-t-elle, dans une maison d’éditions qui a changé de vocation il y a six ans. De Librairie Samir, elle est devenue Samir Éditeurs. C’est très difficile de changer un nom après soixante ans. Aujourd’hui, Samir n’est plus libraire et n’a plus aucun point de vente. Il se suffit d’éditer pour la jeunesse. Il y a donc eu changement au niveau du concept de l’entreprise. Cette situation a soulevé des questions à tous les niveaux: le marché a-t-il accepté ces bouleversements alors que le département vente lui-même en doutait? Par conséquent, le public est-il parfois prêt à certains changements? Je crois que oui, car le public a une autre approche du livre. Le marché est donc à remodeler parce qu’il a faim de changement.» Et de poursuivre: «C’est certainement très long, mais ça doit se construire...» Yasmine Taan, illustratrice, enseignante à l’université LAU et travaillant pour la revue Quira’at Saghira, a éclairé l’audience sur le métier d’illustrateur. «L’illustrateur n’est pas uniquement un dessinateur. Il n’est pas non plus uniquement un artiste, parce qu’il a un public ciblé, qui est l’enfant. Il est même souvent mal vu par les artistes, parce qu’il vend ses illustrations. En dessinant des “story boards”, l’illustrateur a une approche cinématographique et il se plonge dans le monde fantastique de l’enfant. Enfin, souvent, les illustrateurs préfèrent travailler pour des boîtes de publicité, ce qui est plus lucratif.» Mais elle avoue que, malgré toutes les difficultés de ce métier, illustrer demeure avant tout un plaisir. «Le domaine des éditions jeunesse est encore frileux. J’espère qu’on le soutiendra à améliorer ses techniques en lui ouvrant d’autres horizons.» Marché et lectorat Le dernier mot revient à Nadine Touma, auteur et directrice de la maison d’édition en langue arabe Dar Ounboz. Après avoir lu un texte de Kharbacha, un illustré qui a obtenu un prix au Salon international des éditions jeunesse à Bologne, Touma avoue que, depuis sa création, sa maison est allée à contre-courant. «C’était un grand défi de monter cette maison d’édition qui est une expérience merveilleuse à tous les niveaux. Seul obstacle au tableau: le marché. Nous avons eu une expérience formidable à tous les niveaux. La plus grande difficulté a été le marché. Et là se pose la question de savoir qui crée le marché? Qui décide? Le jeune décide-t-il? A-t-il un regard innocent et libre qui n’a pas déjà été configuré quelque part par les parents, les écoles ou la télévision?» Autant de questions qui en appellent d’autres et qui font réfléchir. En effet, dans cette problématique, Touma met en cause parents, établissements scolaires et autres responsables de la direction. «Nous avons envie de créer notre propre lectorat, affirme-t-elle avec toute la passion contenue dans sa voix, mais il faut nous aider. Je remercie le ministère de la Culture qui a fait preuve d’une certaine énergie à cet égard ainsi que quelques librairies... Comment ouvrir un dialogue et respecter les jeunes en tant que consommateurs?» «Telle est la question à poser, conclut-elle. Très peu d’enfants choisissent leurs livres seuls. Ils sont souvent accompagnés de leurs parents ou dirigés par les écoles. Il ne faut pas sous-estimer l’intelligence de nos lecteurs et de nos consommateurs, mais par contre investiguer la curiosité des jeunes.» Si les personnes présentes ont montré beaucoup d’intérêt aux sujets abordés, l’absence de certaines maisons d’édition et de responsables scolaires a été remarquée. Beaucoup de questions ont été posées. Beaucoup sont restées sans réponses. Mais cette rencontre avait cependant ouvert une multitude de brèches. En attendant que les actions se concrétisent, Hasmig Chahinian, qui avait superbement animé la rencontre, a conclu par cette phrase empruntée à Gallimard: «Quand on a le savoir-faire, il faut le faire savoir.» Colette KHALAF

Les cafés culturels de «L’Orient-Le Jour», organisés en collaboration avec la Maison du livre, sont désormais des rendez-vous mensuels qui se déroulent à L’Atelier, le restaurant du Berytech de l’USJ (rue de Damas). Un thème chaque fois, un thème chaque mois est devenu le slogan de ces rencontres. Après les bibliothèques publiques et le théâtre, mercredi, c’était au tour...